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Bertranne, un stade, une maison, un ruisseau…

Par Jérôme PRÉVÔT,
  • Roland Bertranne, à gauche, a eu le plaisir de voir le stade d’Ibos, son village natal, renommé de son nom. Une belle journée qu’il a pu partager avec tous ses amis du rugby et du village, au premiers rangs desquels certains des chelemards de 1977 et 1981. Il pose ici avec Sylvain Pebay, un des pionniers du rugby à Ibos et maître de cérémonie de l’événement.
    Roland Bertranne, à gauche, a eu le plaisir de voir le stade d’Ibos, son village natal, renommé de son nom. Une belle journée qu’il a pu partager avec tous ses amis du rugby et du village, au premiers rangs desquels certains des chelemards de 1977 et 1981. Il pose ici avec Sylvain Pebay, un des pionniers du rugby à Ibos et maître de cérémonie de l’événement. Charles Lima
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Samedi à Ibos, on à baptisé le stade du nom de Roland Bertranne, l’enfant du pays. Pour lui, c’est là que tout a commencé quand il traversa le filet d’eau qui passait devant sa maison. Au bout du parcours, un record de sélections et deux grands chelems.

Un stade, une maison, un ruisseau. Samedi, le stade d’Ibos est devenu le stade Roland-Bertranne. Le trois-quarts centre des grands chelems 1977 et 1981 n’avait qu’à traverser le modeste cours d’eau pour fouler la pelouse. Il fait partie de ceux qui ont relancé le club en 1966, avec les 19 conscrits de l’année 1949, réunis pour former une équipe junior. Sa trajectoire est partie de là. Ces juniors étaient quasiment tous dans la salle de sport Pierre-Comet au cœur du village, plein d’anecdotes, dont une virée homérique du samedi soir en tracteur.

Et c’est au même endroit, dans cet élégant village de la périphérie de Tarbes que la carrière de Roland a été célébrée, en présence d’une foule d’internationaux dont évidemment plusieurs Chelemards de 1977. Son partenaire au centre par exemple, François Sangalli : "C’était un merveilleux joueur et un homme délicieux. Il sortait de la norme Roland, et j’ai vécu avec lui une période si particulière et il m’impressionnait sur tout, avec ses jambes de feu. Et dans le combat, il était extraordinaire." Roland Bertanne fut recordman des sélections (69 en 1981), mais il est toujours détenteur d’un autre record, celui des sélections consécutives, 46. À notre avis, il ne sera pas battu de sitôt, voire jamais.

Petit taureau furieux, un surnom parfait

Nous avons toujours eu la sensation qu’on ne lui rendait pas les hommages qu’il méritait, fruit de sa personnalité discrète et modeste. Il fut aussi un trois-quarts centre d’un nouveau genre, physique disait-on, ce qui le différenciait de la génération précédente, plus romantique, plus délicate, plus célébrée par les hommes de plume. Ce 27 août a donc rappelé à la face de la planète ovale, l’envergure de Roland, un Bigourdan façonné par d’autres Bigourdans. Il n’est pas si jeune, il a 72 ans (mais une ligne de jeune homme), et il dispose d’un privilège, celui d’avoir encore sa maman, Françoise, 92 ans (elle vit dans la fameuse maison) et de pouvoir encore parler à son mentor, Jean Gachassin, le Peter Pan des années 60, le plus léger des attaquants du XV de France. Les deux hommes n’ont finalement que huit ans d’écart. L’aîné remarqua son cadet lors d’un match scolaire au Lycée Victor-Duruy de Bagnères. Le mot est mal choisi, il lui tapa carrément dans l’œil. "Ce jour-là, j’ai vu un joueur extraordinaire, tout en spontanéité. Je me suis dit, il faut le faire signer à Bagnères où je jouais. Et je suis allé dans la fameuse maison que vous voyez là, demander à ses parents s’ils voulaient le laisser venir. Je savais qu’il serait international, il avait des jambes exceptionnelles. Il lui manquait la technique et la gestuelle. Vous ne pouvez pas imaginer les exercices qu’on a faits ensemble. Des passes, encore des passes. Je l’ai façonné à la manière lourdaise. Il l’a accepté avec un esprit remarquable. Puis, il avait ce démarrage, sur trois ou quatre mètres, il était à fond alors qu’il fallait dix mètres aux autres. Quant à sa défense ? Les adversaires le craignaient à l’idée de jouer en face de lui, il avait une réputation extraordinaire."

Pour ceux qui étaient trop jeunes où pas nés dans les années soixante-dix, on présentera Roland comme une préfiguration de Philippe Sella (présent lui aussi à Ibos). "Oui, mais en plus agressif avec plus de jambes, plus de spontanéité", poursuit Gachassin. Le compliment n’est pas mince. Ceux qui ont vu jouer Sella se feront une idée, les autres iront fouiller sur YouTube. Roland Bertranne ne brilla pas que sous le maillot national, il finit même sixième d’un Paris-Dakar, mais revivre son parcours, c’est aussi se rendre compte qu’à son époque, une petite ville comme Bagnères-de-Bigorre pouvait se hisser par deux fois en finale du Championnat (1979-1981). Nous avons d’ailleurs revu des attaques flamboyantes du match de 1981, perdu avec les honneurs face à Béziers au parc des Princes. À ses côtés, un ailier blond, Jean-François Gourdon, lui aussi mais à l’écart des radars médiatiques. "Je l’ai connu à 17 ans, je jouais au PUC et nous avions fait un Paris-Londres, comme il l’était au Bataillon de Joinville, il renforçait l’équipe de Paris. J’ai donc eu l’honneur de jouer à ses côtés et ça s’est bien passé, on s’est retrouvé en équipe de France. À un moment donné, je l’ai rejoint à Bagnères, il fut même au cœur des transactions. C’était un équipier attentionné, au-dessus de nous sur le plan physique. Alors qu’on cravachait, il n’avait pas besoin de s’entraîner. Je l’ai vu jouer un match à Auch deux jours après avoir fini le rallye Paris-Dakar. Son surnom "petit taureau furieux" lui allait comme un gant. Vous n’avez pas idée de sa capacité d’accélération. En tant qu’ailier, il fallait que je m’accroche et pourtant, on disait que je courais vite. Après, oui, il y avait des polémiques à son sujet car il jouait parfois à l’aile et il avait de tels moyens athlétiques qu’on ne parlait que de ça. Alors, des puristes disaient, ce n’est pas un centre. Moi je vous dis que c’était un super centre, du genre de ceux qu’on trouve maintenant. c’est-à-dire à la fois physique et technique. Oui comme Sella peu après. Avec lui, à Bagnères, on a fait des choses magiques. On avait un esprit extraordinaire, la première chose qu’on faisait, ballon en main, c’était de compter les adversaires. Quand nous étions un de plus, même à cent mètres, on attaquait."

Sylvain Pebay a allumé l’étincelle

Pour vivre une journée aussi extraordinaire, il faut qu’un homme allume l’étincelle. Il s’appelle Sylvain Pebay, il faisait partie des fameux juniors pionniers du rugby d’Ibos : "J’ai eu un déclic en lisant un article sur le musée des frères Boniface à Montfort-en-Chalosse. Je me suis senti obligé de faire quelque chose à Ibos." L’entreprise a pris quatre ans, on l’aurait imaginé plus rapide. "Moi aussi j’aurais aimé que tout aille plus vite. Il y a des gens qui l’ont connu qui nous ont quittés, parmi les chelemards de 1977 et parmi la population d’Ibos. Mais il y a eu des impondérables, Ibos n’avait plus de club pendant deux ans, puis il a fallu attendre la rénovation des tribunes." Sylvain a même créé une association, "Les Amis de Roland Bertranne" pour préparer cette journée mémorable. Il en aura été le Monsieur Loyal, mais pas le héros évidemment. Au début du repas, Roland Bertanne est monté sur scène et s’est adressé à la foule avec flegme, une fois les applaudissements dissipés. Devant la scène ses enfants, ses sœurs, et son épouse, Martine. "Qui a toujours été à mes côtés." Avec des mots simples, il a fait dérouler sa carrière majestueuse : "Je suis très honoré de votre présence, merci d’avoir fait ça de mon vivant et je suis bien content d’avoir été invité. Je suis très fier que mon nom soit gravé dans ce village d’Ibos. Je suis sûr que Maximin mon grand-père et Joseph mon père l’auraient été aussi. C’est ici que je suis né et que j’ai grandi. Avec mes copains, nous avons découvert ici la passion du rugby. Nous avons créé la première équipe d’Ibos et puis, j’ai vu arriver un homme devant chez moi. C’était Jean Gachassin…". C’était en 1969, il avait 19 ans, il sauta le Rubicon, un fameux petit ruisseau, comme celui qui sépare sa maison familiale du terrain. Il s’appelle le Mardaing. C’est d’ailleurs sur l’une de ses rives, que Roland a dévoilé la plaque qui porte son nom et qui grave son nom pour des siècles dans la pierre du village de ses ancêtres.

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