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Marcus Smith : « Je suis un admirateur du jeu français »

Par Dorian VIDAL
  • Marcus Smith - Angleterre.
    Marcus Smith - Angleterre. SUSA / Icon Sport - SUSA / Icon Sport
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Marcus Smith (ouvreur de l’Angleterre et des Harlequins) Pour Midi Olympique, le jeune prodige du XV de la Rose est revenu sur son ascension au plus haut niveau. Ambitieux, il a également expliqué sa conception du rugby.

Un titre de champion, des premiers matchs avec l’Angleterre et les Lions britanniques et irlandais… 2021 avait été une année sensationnelle pour vous. A-t-il été difficile de redescendre après cet ascenseur émotionnel ?

Ça m’a pris un peu de temps, car tout s’était très vite enchaîné. On avait gagné le championnat. Deux semaines plus tard, je jouais pour l’Angleterre. Et deux semaines encore après, je représentais les Lions. Une grosse part de ce que je voulais accomplir au cours de ma carrière est arrivée comme ça, en un clin d’œil. Pendant l’été, j’avais eu le temps de bien y repenser. En revanche, une fois l’entraînement repris, j’avais les yeux fixés sur la saison suivante.

Votre année 2022 a-t-elle été celle de la confirmation au plus haut niveau ?

On peut dire ça. Évidemment, on n’a pas obtenu ce qu’on voulait avec les Harlequins, puisqu’on s’est s’incliné en demi-finales, mais je pense m’être amélioré en tant que joueur et en tant que leader. Au niveau international, 2022 rime aussi avec une première saison complète sous les couleurs de l’Angleterre et la découverte du Tournoi des 6 Nations. Les matchs que j’ai joués à Murrayfield et au Stade de France resteront inoubliables. Désormais, je souhaite enchaîner les Tournois et vais donc encore plus travailler.

À seulement 23 ans, vous semblez déjà installé en sélection. L’héritage de Wilkinson et Farrell est-il difficile à porter ?

Je suis chanceux d’évoluer à ce poste, car il me permet justement d’apprendre de ces gars. Sur les dernières rencontres internationales, j’ai pu être aligné en même temps qu’Owen. Il m’a donné pas mal de tuyaux. Évoluer à ses côtés est une chance pour mon développement. De la même manière, j’apprends beaucoup en m’entraînant avec Jonny. Il est mon modèle, donc avoir cette légende mondiale pour ami et pour coach, c’est incroyable, que ce soit dans le rugby ou dans la vie de tous les jours. Avec lui, je m’améliore aussi en tant qu’homme.

Quelle importance a-t-il pour vous ?

Ses conseils sont beaucoup axés sur l’aspect mental. Il m’inculque un certain sang-froid qui doit me servir à rester calme sur le terrain, peu importe ce qu’il s’y passe : que le temps soit exécrable, que je me prenne un gros plaquage, qu’il y ait du chambrage… Il faut savoir encaisser. Et cela passe par une certaine préparation, sur laquelle Jonny m’accompagne. Ainsi, les matchs deviennent pour moi des moments d’expression, d’amusement. C’est dans cet état d’esprit que j’ai envie de jouer, car c’est comme ça que je donne le meilleur de moi-même.

Quel est le meilleur conseil qu’il a pu vous donner ?

Je pense que ça concerne des techniques de respiration. Grâce à elles, je deviens plus calme dans les moments à forte pression et peux prendre les meilleures décisions. Les astuces qu’il me donne m’aident à avoir l’esprit aéré et à gérer toutes les situations, au rugby comme dans la vie.

Quand vous passez le coup de pied de la gagne contre l’Afrique du Sud en novembre 2021, vous vous en servez donc…

À 100 % ! C’est le genre de moment qu’on rêve de vivre lorsqu’on est petit. Pourtant, ce n’est pas quelque chose que l’on prévoit dans le scénario d’un match. C’est là que la préparation que j’évoque aide à rester calme, à apprécier le moment plutôt que le subir, puisqu’il pourrait ne plus jamais se présenter.

Il y a un certain emballement médiatique autour de vous. Comment parvenir à garder les pieds sur terre ?

J’ai la chance d’avoir une super famille à mes côtés. Elle m’aide à m’évader. Jouer au golf, aux jeux vidéo, voir mes amis, passer du temps avec ma copine… Ça fait aussi du bien à la tête. En fait, j’aime faire ce qu’une personne "normale" de 23 ans a l’habitude de faire. Quand j’en ai l’occasion, je vais supporter Brighton and Holve Albion (un club de foot de Premier League). Lorsqu’ils jouent du côté de Londres, je vais même les encourager dans la tribune des visiteurs. Après, tout ça n’empêche pas d’aborder le sujet du terrain sur mon temps libre. Par exemple, mes frères analysent mes matchs et me font des retours dessus. C’est toujours assez marrant.

Le sélectionneur de l’Angleterre, Eddie Jones, souhaite que vous évitiez le "poison des médias". De quelle manière gérez-vous les attentes ?

Ça a beaucoup changé au cours des dernières années. Aujourd’hui, il y a peut-être un peu plus d’attention autour de moi. Mais jouer pour les "Quins", l’Angleterre et les Lions, c’est ce que j’ai toujours voulu. Du coup, je prends surtout ces attentes et cette pression comme un honneur.

Quel regard portez-vous sur votre association avec Owen Farrell ? On vous a tantôt vu complices, tantôt en manque de repères…

J’adore jouer avec "Faz". C’est un gagneur né, un vrai compétiteur. On le voit rien qu’aux entraînements. Entre nous, il y a toujours des petits concours. Ça renforce notre relation. Après, on a joué seulement quatre matchs ensemble, donc pour l’instant, je reste satisfait de l’évolution de cette association. Lorsqu’il est à côté de moi, je gagne en confiance.

On croit savoir que, malgré votre jeune âge, vous vous imposez comme un vrai leader dans les différents vestiaires. Est-ce quelque chose qui vous plaît ?

J’adore ça. Quand j’étais plus jeune, ma mère me disait toujours : "Tu es trop autoritaire Marcus, tu parles trop". J’ai essayé de travailler là-dessus… Mais je suis demi d’ouverture. Pour moi, ça fait partie du boulot de piloter l’équipe. J’avais 18 ans lors de mon premier match avec les Harlequins. Et pourtant, je devais organiser le jeu au milieu de mecs comme Joe Marler ou Chris Robshaw… C’était une expérience. Aujourd’hui, j’essaie encore de développer mes capacités de meneur d’hommes, en travaillant ma communication, mon langage corporel. Avec l’Angleterre, je suis peut-être relativement nouveau dans l’équipe, mais je me sens capable de prendre la parole et d’élever la voix.

Ne craignez-vous pas que votre caractère soit parfois perçu comme de l’arrogance ?

Ça fait partie du jeu, chacun son opinion. Certains me verront de cette manière… Heureusement, mon équipe ne pense pas ça ! (rires) J’ai confiance en moi, mais j’essaie toujours de rester respectueux, en faisant notamment passer l’intérêt de l’équipe avant le mien. Quand je prends la parole, ça peut ne pas plaire, mais c’est avant tout le cœur et l’esprit de compétition qui parlent.

Parlons de votre parcours. Vous êtes né aux Philippines. Quel rapport entretenez-vous avec ce pays ?

Les Philippines ont une place particulière dans mon cœur. J’ai quitté cet endroit lorsque j’avais 7 ou 8 ans. Je comprends la langue et essaye d’apprendre à la parler, même si c’est un peu dur au niveau de la prononciation. (sourire) En tout cas j’y retourne chaque année. J’en profite pour constater l’évolution de leur rugby, car mon petit frère représente la sélection !

Comment avez-vous découvert le rugby ?

En regardant mes parents jouer, tout simplement. Mon père jouait pour les Philippines. On allait le voir en famille et on s’amusait avec des balles autour du terrain.

Vous avez ensuite vécu à Singapour. Que vous a offert cette expérience, culturellement et sportivement ?

C’est un cadre de vie merveilleux. Je m’y suis fait de très bons amis. La culture est vraiment différente de ce qu’on retrouve ici, en Angleterre. Là-bas, on vit la vie en extérieur. Il faut dire que la météo aide… (sourire) On pouvait aller en Malaisie, en Australie ou à Hong Kong. Dans mon esprit, c’est probablement là que le rugby a pris place à côté du ballon rond.

En effet, vous pratiquiez aussi le football. À l’âge de 15 ans, vous aviez même fait des essais au sein du mythique club anglais de Tottenham…

C’est juste. Malheureusement, je n’avais pas été pris. C’était probablement la première fois de ma vie que j’étais rejeté… Je me revois en train de pleurer pendant deux heures sur le chemin du retour vers Brighton, avec ma mère au téléphone. Malgré tout, mes parents m’ont appris à faire preuve de résilience. Ça m’a aidé à rebondir après cette période difficile. Aujourd’hui, il n’y a pas de soucis, j’adore toujours le football !

Alors, pourquoi avoir choisi le rugby ?

L’école où j’étudiais, Brighton College, était plus axée sur le rugby. Il y avait là-bas un excellent coach, Nick Buoy, qui m’a appris beaucoup de choses là-dessus. Il m’a aidé à m’exprimer à travers cette discipline.

En Asie, la culture du rugby à 7 a-t-elle finalement modelé votre façon de jouer ?

Mes plus grandes leçons étaient de regarder jouer William Ryder, Waisale Serevi et Tomasi Cama, lors des étapes du circuit mondial. J’étais impressionné par leur manière de prendre les espaces, de tenir la balle, de faire parler leurs appuis. Sur le terrain, ils avaient le sourire. Et j’aimais ça. Une fois rentré à la maison avec mes frères, j’avais envie de faire comme eux. Aujourd’hui, c’est de cette manière que je veux jouer.

Votre fameux pas de l’oie viendrait d’ailleurs de l’ancien septiste William Ryder…

À chaque fois que j’allais le voir jouer, il était incroyable, très difficile à stopper. J’ai des souvenirs de moi, tout jeune, en train de sautiller dans le jardin. Mes frères disaient qu’ils pouvaient lire tous mes crochets. Chaque été, j’essaie donc de les défier là-dessus. (sourire)

Dans votre style de jeu, vous êtes loin de l’archétype du demi d’ouverture anglais. Considérez-vous qu’il faut parfois un peu de désordre pour réaliser de grandes performances ?

On a toujours besoin d’une étincelle, de faire les choses différemment. On ne peut pas avoir la même approche à chaque match. Celle-ci change en fonction de l’adversaire. Sur le moment, faire preuve d’instinct est très utile.

Y a-t-il chez vous une envie d’amuser les observateurs ?

Nous sommes des amuseurs, qui donnent aux foules une raison d’être excitées. Que les supporters assistent au match depuis les tribunes, ou qu’ils le regardent à la maison, il faut qu’ils apprécient notre jeu. Ça doit être un objectif commun à la plupart des joueurs.

Est-ce que le jeu français vous parle ?

Je regarde et consomme beaucoup de rugby. On peut toujours apprendre des différents styles qui existent à travers le monde. Il y a plein de techniques à prendre pour améliorer son jeu. Donc oui, je suis un véritable admirateur du jeu français.

Lorsque vous étiez adolescent, vous écriviez chacun de vos objectifs dans un carnet. Combien de cases avez-vous cochées ?

Je suis fier de ce que j’ai atteint jusqu’à présent. Mais le voyage est loin d’être terminé, il ne fait que commencer. J’adapte continuellement mon jeu, je m’entraîne dur et m’améliore.

Quels sont vos rêves ?

Il y en a pas mal. Je veux gagner des trophées, tant en club qu’au niveau international. Remporter une Coupe du monde pour ma nation serait un rêve devenu réalité. Inspirer une nouvelle génération de fans en lui donnant du plaisir et l’amener à pratiquer ce sport est aussi quelque chose qui m’excite. En fait, je veux laisser un héritage, attirer plus de regards sur ce sport. En Angleterre, et j’espère à travers le monde. Je souhaite aussi que mes coéquipiers se souviennent de moi comme quelqu’un qui a toujours tout donné.

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Les commentaires (1)
fojema48 Il y a 1 année Le 26/11/2022 à 18:06

En lui souhaitant de garder la "tête froide" et sa vivacité sur le terrain !