L'édito : le fantasme Christophe Urios
L'édito du vendredi par Léo Faure... Un message qui tombe, pas plus tard que mercredi, sur ce diable de téléphone qui n’en finit jamais de sonner et où tient toute la vie professionnelle d’un journaliste. « Alors, Urios, il va où ? » Comment ça, « Urios, il va où ? » à ma connaissance, nulle part encore. Et d’ailleurs, nulle part tant qu’il n’aura pas, au moins, réglé les derniers détails contractuels de son départ de Gironde. Calmons-nous, un peu de patience. « J’en sais rien, moi, où il va. Et toi, tu le sais ? » – « Ah non, simple question. » Encore un curieux, pas vraiment un informateur.
Le sujet n’est pas qu’anecdotique, parce qu’il se répète. Urios libre, sur le marché, cela ressemble vite à une hérésie. Malgré sa récente éviction des rangs de l’UBB, le manager du Minervois garde une cote de popularité au plus haut. Une cote de fantasme, aussi.
Tour à tour, et quelques jours seulement après qu’il a été écarté des affaires girondines, on a entendu son nom traîner dans l’entourage de Brive, qui venait justement de se séparer de son homme fort Jeremy Davidson, et qui chercherait là un homme plus fort encore. On nous l’a évoqué comme « une idée, plus qu’une information », à Montpellier, où le staff en place vient pourtant de transformer la somme des talents égotiques en un collectif de champions de France, pour la première fois de l’histoire du club. À Clermont, où les résultats du renouveau se font attendre mais où Jono Gibbes semble pourtant optimiser 100 % d’un effectif pas taillé pour grand-chose de plus. À Pau aussi, où le travail de Sébastien Piqueronies ne semble pourtant pas souffrir de beaucoup de contestation. Un peu partout, en clair, où il y a de la tension, des résultats en berne ou simplement une envie de changement. Et pourquoi pas Bordeaux ? On blague.
Urios, c’est un personnage d’Audiard. Le vieux sage qui parle aux jeunes cons. Il en a la gueule et la gouaille. C’est tout à la fois Lino Ventura dans "Les Tontons flingueurs" et Jean Gabin dans "Un singe en hiver". Des personnages à la brutalité ronde du propos, qui intriguent et fascinent. Pour alimenter cette flamme du désir et de la curiosité, jamais mieux servi que par lui-même, le natif de Montpellier a déjà fait savoir qu’il comptait "trouver un banc en juin, pour la saison prochaine."
De façon plus pragmatique, pour les présidents et supporters de club, il y a l’antériorité des résultats qui excite. Urios est l’homme qui a fait d’Oyonnax un Européen, de Castres un champion et de Bordeaux-Bègles un demi-finaliste. Avec une méthode à chaque fois bien affirmée : les hommes avant le jeu ; le management avant la technique ; le combat d’abord, les paillettes ensuite. Un discours de la méthode qui ne colle pas à tous les contextes, et peut-être pas à Bordeaux où la séduction n’est pas qu’une affaire de résultats.
Le portrait-robot du candidat idéal à la prise en main de tous vos clubs ? Pas si simple. Si son discours fascine, il use aussi ses entourages. À Bordeaux, comme avant lui Etcheto-Delpoux « les révolutionnaires », Ibanez « l’avant-gardiste » ou Rory Teague « la pépite », Urios « le meneur d’hommes » a d’abord été encensé. Résultats immédiats à l’appui. Avant de perdre le fil, de brouiller le lien avec ses joueurs et ses dirigeants. Jusqu’à prendre la porte de sortie. Cette fois, c’est Bordeaux qui l’a usé.
Ses aventures à Castres et Oyonnax s’inscrivent sur une scénographie similaire, pas franchement terminées sur l’air des louanges. Le temps altère parfois sa magie. Mais tout cela, le très pressé rugby professionnel n’en a cure. Il faut gagner vite et séduire beaucoup. Ça, il sait faire. « Alors, Urios, il va où ? »
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