L'édito : Belle journée pour mourir

Par Léo FAURE
  • L'Aviva, lieu de l'affrontement entre Irlandais et Français
    L'Aviva, lieu de l'affrontement entre Irlandais et Français Sportsfile / Icon Sport
Publié le
Partager :

L'edito de ce vendredi 10 février par Léo Faure.

C’est ici que tomberont, ce samedi, une série de gloires et une foule de certitudes. L’Aviva stadium, vaisseau de verre anachronique, œuvre de science-fiction posée là, au milieu d’une capitale où la modernité des tours d’acier n’a jamais complètement balayé le charme des maisons de pierres grises, et leurs portes peinturlurées.

L’enceinte du XV du trèfle, plate d’un côté, majestueuse de l’autre, se devine de loin. Depuis les docks industriels et jadis crasseux de Dublin où courent les bruits des sirènes, où les lumières des trains embrasent la nuit, où le vent brumeux du printemps entre dans la ville et vient caresser la moustache des plus vieux marins, pour y sécher l’écume de leur dernière bière.

Un peu en amont de ces docks, laissant sur votre gauche les tours d’argent du très prestigieux Trinity College où les gamins de la bonne société irlandaise se font la vie dure, vous pouvez enfin vous enfoncer dans Mount street, abandonnant le très secret Merrion square derrière vous, traversant enfin le délicieux Mount street bridge qui enjambe le Grand canal et son flux de quiétude. Vous y voilà. L’Aviva stadium est là. Il se découvre enfin franchement à vous.

Les jours de match - et ce samedi sera un jour de très grand match - la foule verte accourt de partout, petites rues et grands axes. La colonie fourmillante emplit bientôt les terrasses des pubs environnants. Odeurs de bois et de cire. On ne chante pas ici, pas encore, mais on parle fort. Le match avant le match. Bientôt, tout ce joli peuple du trèfle garnira les tribunes. Il assistera à quelque chose de rare. Un match au sommet. Un vrai.

Quand nos amis irlandais s’installeront (tardivement) à leur siège, les hommes de Galthié seront déjà aux affaires sur la pelouse. Ceux d’Andy Farrell aussi. Les muscles chaufferont, les minutes s’égraineront. Tout le monde rentrera aux vestiaires pour enfiler le maillot sacral. Dernier discours, moitié tactique, moitié viril. Dans les douches, on ne se file plus de coups de cigare. La motivation est naturelle. La peur aussi : dans deux heures, une des deux équipes verra s’envoler son sentiment de toute-puissance. Et son rêve. Celui d’un Grand Chelem et d’une hégémonie totale sur la planète rugby, pour les Irlandais. Ou celui d’un record de victoires consécutives, pour les Bleus.

Sentence à venir. Mais personne ne pleurera. La vie continuera. Dans ces hautes altitudes, une défaite n’est jamais rédhibitoire. Elle sera même, peut-être, la racine d’un sacre mondial à venir. Pour l’un ou l’autre.

Le rugby, c’est la seule certitude, sortira plus fort, plus beau de ce samedi dramaturge. En tribunes, le peuple en vert célébrera ce qu’il se doit. Et si c’était la défaite ? Qu’importe. L’Aviva stadium se videra aussi vite qu’il s’était rempli et, dans la nuit folle de Dublin, les vents brumeux reviendront sécher l’écume des bières. Bel endroit pour mourir. Belle journée, aussi.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?