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Top 14 - Christophe Urios sur sa fin d'aventure à l'UBB : « C’est ma cabine qu’ils ne voulaient plus voir ! »

Par Simon Valzer
  • Christophe Urios va retrouver l'UBB ce dimanche soir avec la tunique de Clermont sur les épaules.
    Christophe Urios va retrouver l'UBB ce dimanche soir avec la tunique de Clermont sur les épaules. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À quelques heures d’affronter l’UBB qui l’a remercié il y a à peine deux mois, le nouveau boss de Clermont a accepté pour Midi Olympique de revenir sur la fin houleuse de son aventure girondine, expliquant comment celle-ci a fini par tourner court.

Comment avez-vous tiré parti de la relâche d’une semaine du Top 14 ?

Les joueurs étaient en vacances, une semaine complète. Et pour moi, cette semaine m’a fait du bien. Mes quinze premiers jours ici ont été difficiles, j’étais dans le jus, j’avais l’impression de ne pas contrôler, d’être dans l’urgence. Je n’étais pas complètement préparé à reprendre là… Personne ne m’a obligé à le faire, mais dans ma tête je pensais reprendre en juin prochain. J’avais complètement coupé pendant deux mois. Je ne regardais plus de match, ne lisais pas la presse. J’en avais besoin. J’avais aussi coupé avec les habitudes de travail, les horaires, la vidéo… J’avais un peu perdu la main !

Quel diagnostic avez-vous fait de l’équipe et du staff ?

Je vais plutôt parler de ressenti… J’ai trouvé que l’équipe était en perte de confiance. Les matchs comme Toulouse (défaite 13-32, 1er janvier) ou Leicester (défaite 29-44, 13 janvier) ont fait mal. J’ai senti que l’équipe n’arrivait pas à se retrouver sur son rugby. Elle naviguait à vue après le départ de Jono (Gibbes). Il a fallu remettre un cadre, avec ma façon de voir le jeu, le fonctionnement. Le staff est très engagé, mais les mecs étaient en difficulté. Quand on est dans cette situation, on est dans une machine à laver. J’ai apporté un peu de fraîcheur, une nouvelle ambition et de l’enthousiasme même si cela ne s’est pas vu sur le premier match. Le match de Castres était mieux, la semaine a été bonne. L’équipe a été solide.

Et sur le plan mental ?

Les mecs n’étaient pas contre le staff, mais ils n’étaient pas pour. Tout le monde avançait comme ça, doucement, sans vraiment accrocher… Je connaissais cette situation, c’est celle que j’avais vécue deux mois plus tôt à Bordeaux ! Les mecs avaient besoin de clarté, d’un nouveau cap et c’est tout.

Qu’a montré cette victoire bonifiée contre Castres ?

Du caractère. J’entendais que l’équipe en manquait… mais contre une équipe coriace comme Castres, elle en a eu. On marque 41 points avec deux essais refusés, et en se compliquant la vie sur les sorties de camp. J’ai aimé l’audace sur le dernier essai aussi, ainsi que la préparation du match. Mais il reste encore beaucoup de travail.

Vous avez relancé Peceli Yato et George Moala…

Quand je suis arrivé, on ne savait pas si Peceli allait pouvoir rejouer à cause de son genou. Je l’ai trouvé plutôt bien et j’ai voulu le prendre directement à Lyon. Avec le staff, on a pris un petit risque en le faisant jouer sur terrain synthétique. Mais il fallait le faire. Il fallait amener des signes forts pour indiquer le changement au groupe, et pour le relancer. Il a fait une très bonne entrée, et il était logique qu’il débute la semaine d’après. Avec George, on a discuté et ça lui fait du bien. Il faut qu’il monte en puissance, il a besoin d’un peu de temps. Comme d’autres, il était sur la retenue. Il n’y avait pas d’énergie dans le groupe. L’idée, c’était de construire des ponts plutôt que des murs en rencontrant les mecs, les leaders, le staff… Ces deux joueurs symbolisent bien ces échanges.

Comment vous sentez-vous ici aujourd’hui ?

Je me sens bien. Je découvre tout, mais la semaine dernière m’a fait du bien. J’ai horreur de perdre du temps. Mais pendant quinze jours, j’ai eu l’impression de ne pas être au bon endroit. Maintenant ça va mieux. Je suis plus à l’aise avec les joueurs aussi… Au début ils étaient méfiants, je n’ai entraîné personne ici, sauf ce brave « Péloche » (Adrien Pélissié, croisé à l’UBB, NDLR) et il s’est fait les croisés !

Vous portez aussi une forte image…

C’est vrai… Mais je n’ai pas aimé comme j’ai été traité par la presse dans ces moments-là, je ne m’y reconnaissais pas. Et puis vous savez, les joueurs se connaissent tous. Les Clermontois ont appelé les Bordelais, et selon leurs potes ils n’avaient pas les mêmes versions ! George Moala m’a dit qu’il avait appelé Big Ben (Tameifuna). Là, ça allait parce qu’on a bien bossé avec Ben ! Mais d’autres avaient eu d’autres échos… (rires)

C’est dur de changer de couleur en cours de saison ?

Cela ne m’était jamais arrivé. Je ne pensais pas que cela m’arriverait à Bordeaux. Encore une fois, ça a été dur jusqu’en décembre. J’ai eu des rencontres avec des clubs, mais je n’avais ni le courage ni l’énergie de repartir. J’ai basculé en janvier. Ça m’a titillé. Je regardais les matchs à nouveau, je relisais les journaux… Et puis tout est allé très vite. On s’est rencontré un samedi, et le lundi on était OK. Il a fallu que je me plonge dedans. Mais ce n’était pas dur parce que ce club m’a toujours fait rêver. Un grand club, du territoire, avec une grande ferveur, un public de connaisseurs, des titres même si on est aujourd’hui dans le dur. J’avais envie. J’aurais peut-être pris plus de temps pour un autre projet.

Que gardez-vous de votre expérience avec l’UBB ?

Je ne vais pas dire de mal de Bordeaux. Je sais exactement ce qu’il s’est passé. Je me suis régalé pendant trois ans. Bordeaux faisait partie des clubs que je voulais entraîner. J’ai passé trois ans formidables avec le club, son territoire, ses supporters, les joueurs, les clubs alentours… Mais j’ai senti, à partir de la fin de saison dernière, que des choses se cassaient petit à petit… Comme on a perdu la demi-finale, on n’a pas avancé. Et au retour des vacances, ce n’était pas pareil. On n’était pas aligné. Certaines choses m’ont marqué lors de la préparation. J’ai senti que ça allait mal se terminer.

Dès le début de la saison ?

Oui. L’intersaison avait été courte, on avait pas mal d’internationaux absents. On commençait direct par cette réception de Toulouse. Je savais que ce match allait être fondamental. Je l’avais dit au président : « Soit on gagne et on repart, soit on perd et la petite musique va entrer dans la tête des mecs. » Cela n’a pas loupé. On fait un match incroyable, mais on perd. Et derrière, on n’a pas accroché. Je pense néanmoins avoir participé à l’évolution du club, comme d’autres. Et j’ai respecté ce qu’on avait dit : « Gagner et plaire. » On était là-dedans.

Avez-vous des regrets ?

Ne pas avoir décroché un titre ou deux. Le Covid a stoppé la première année, mais ce n’est pas l’année où l’équipe a été la plus forte. La deuxième, on termine sur cette demi-finale à Lille mais ce jour-là, les meilleurs n’ont pas gagné. La troisième était très ouverte, et on était plus forts. Sauf sur la demi-finale, perdue contre Montpellier. On ne l’a pas fait.

Pourquoi avez-vous prolongé au 20 décembre 2021 ?

J’ai mis un temps fou à prendre cette décision. J’avais besoin de sentir que je pouvais faire progresser le club. Mais des choses me gênaient : par exemple, je n’arrivais pas à faire avancer la formation. Je me suis beaucoup interrogé. Et puis je me suis dit qu’on était premiers, que la boutique tournait quand même bien… J’ai prolongé mais sans ressentir d’excitation.

Qu’avez-vous appris de cette expérience ?

Trois choses : je dois être meilleur avec mon patron dans la relation, dans la mise en place et dans la clarté des infos. Je ne l’ai sûrement pas été avec Laurent Marti. La deuxième, c’est d’être plus réactif avec mon staff. J’ai pris du plaisir à travailler avec eux mais ce fut parfois dur, notamment pour échanger sur différentes blessures. J’ai perdu beaucoup de temps et d’énergie et j’ai trop tardé à attendre que les choses changent. Enfin, il faut que je sois meilleur avec les leaders. Dans le choix des leaders, la relation à eux, la confiance… Ce sont eux qui gèrent le truc. Ce sont les soldats qui gagnent les guerres. Il faut que je sois meilleur. C’est facile de le dire aujourd’hui, au mois de décembre je ne l’aurais pas formulé comme ça !

Dans une interview à L’Équipe, Laurent Marti avait évoqué une « part de mystère » dans cet échec… que lui répondez-vous ?

Il n’y a pas de mystère. Je ne vais pas le dire là mais il n’y a pas de mystère. Je lui ai donné les alternatives, il avait la feuille de route.

Comment ça ?

Sur comment on allait faire pour se redresser. On était onzièmes, on n’y arrivait pas. On était solides à domicile, mais pas à l’extérieur. On en avait pris 30 à Pau où j’avais le sentiment que les joueurs avaient lâché. Des choses n’allaient pas, c’est clair. On a dit que j’étais trop dur, que j’étais négatif, que je voulais tout contrôler, que Pépusque (son domaine viticole, NDLR) me prenait du temps… Je ne me reconnais pas dans tout ça. Des joueurs ne supportaient peut-être plus mon fonctionnement, et cela s’est fini comme ça.

Vous aimez avoir le contrôle quand même…

Bien sûr que j’aime le contrôle, mais là c’était dans un sens très négatif. Et je ne suis jamais négatif dans la vie. Mais quand c’est mal, je ne vais pas dire que c’est bien. J’ai pourtant fait évoluer des choses dans cette quatrième année, j’ai ouvert des options à mes leaders, j’en ai intégré d’autres qui chialaient de ne pas en faire partie et à la sortie, trois mois après, je me fais lourder. Encore une fois, cela fait partie du jeu. C’était une expérience riche, on a fait un parcours incroyable, on a fait chanter Chaban…

Que répondez-vous à ceux qui pensaient que Pépusque vous prenait trop de temps ?

Les gens sont cons… Je savais que je m’y exposais. Je faisais en sorte de ne pas tout mélanger, et j’ai quand même le droit de faire ce que je veux de ma vie privée. J’ai jamais manqué un entraînement parce que j’allais faire du vin. Il m’arrivait de faire une animation le dimanche dans la ville où nous avions joué la veille, oui. Et alors ? Je savais que le jour où ça allait moins marcher, on me glisserait de faire du rugby plutôt que du pinard… C’est une passion. Et heureusement que j’ai eu Pépusque après Bordeaux, parce que cela a été une bouffée d’oxygène. On m’a viré le mardi, j’ai vidé mon bureau le vendredi j’ai tout jeté, et le lundi j’ai retravaillé sur Pépusque.

À propos des leaders, beaucoup pensent que votre brouille est centrée autour de deux joueurs : Cameron Woki et Matthieu Jalibert. Qu’en est-il ?

C’est absolument faux. On a fait un procès complètement faux à ces jeunes. Et je veux le dire : je n’ai jamais eu de problème avec Matthieu ou Cameron. On s’est pris la tête en fin de saison mais depuis quand on n’a pas le droit de se prendre la tête avec les joueurs ? On m’a dit « T’aurais jamais dû le dire dans la presse… » Mon c.. ! Il faut bien dire les choses, d’autant que je n’ai rien dit d’exceptionnel ni de méchant. Ils ont été vexés, ils ont mal réagi, se sont peut-être trompés de combat, mais je n’ai jamais eu de problèmes avec eux. Quand je me suis fait lourder, Matthieu a été le premier à m’envoyer un texto. Et quand j’ai signé ici, pareil ! On les a fait passer pour des merdeux, des mecs avec un mauvais esprit… Bien sûr qu’ils ne sont pas toujours faciles, mais moi j’ai aimé les entraîner ! C’était de bons gamins. Par contre j’ai eu des problèmes avec d’autres… qui étaient moins jeunes ceux-là ! Mais bon, ça…

En voulez-vous donc à des personnes, et si oui, à qui ?

J’ai été vexé d’être viré de Bordeaux, parce que j’ai trouvé que je ne le méritais pas. Mais en même temps, il fallait prendre une décision. J’ai été en colère, et surtout envers moi-même. J’ai voulu comprendre, alors j’ai travaillé pour me refaire tout le film. Et avec le recul, je ne changerais pas grand-chose. La page de la quatrième année je ne vais pas la tourner, je vais la déchirer parce qu’elle ne m’apportera rien. Les trois autres, je les garde parce qu’elles m’ont apporté beaucoup de plaisir.

Avez-vous le sentiment que certains joueurs vous ont savonné la planche ?

Bien sûr… Mais je n’ai pas envie de parler de ça. On joue dimanche contre eux, je ne voudrais pas leur donner des leviers de motivation.

On a compris qu’un lien fort vous unissait avec Frédéric Charrier et Julien Laïrle…

Eux, ils ont porté leurs c…..s. Ils ont donné une interview qui m’a fait plaisir. J’étais content d’eux parce qu’ils ne se sont pas échappés. Dans cette affaire, beaucoup de choses ont été téléguidées, notamment par la presse locale. Mais eux, ils ont dit ce qu’ils ressentaient. On s’appelle régulièrement, on ne parle que rarement de rugby car je m’en fous d’avoir des informations. J’ai un lien car j’aime ces mecs et j’aime les entraîneurs.

En quoi ils ne se sont pas échappés ?

Ils ont fait front, face aux joueurs, ils n’ont pas écouté certains qui voulaient tout changer du jour au lendemain. Ils ont gardé ce qu’on faisait parce qu’ils y croyaient, et parce qu’on l’a fait ensemble. Et maintenant, ces mêmes joueurs disent qu’ils y croient. En fait, c’est juste ma cabine qu’ils ne voulaient plus voir ! (rires) Mais ce n’est pas grave, parce qu’ils vont la voir dimanche !

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