6 Nations 2023 - Le chef-d’œuvre du XV de France à Twickenham
Les Bleus, un brin frustrés depuis le début du Tournoi, s’étaient promis de frapper un grand coup samedi en Angleterre. Résultat, ils ont livré une performance exceptionnelle dans le temple du rugby. Une victoire d’anthologie qui marquera à jamais les hommes de Fabien Galthié.
Bien sûr, il y eut cette victoire magistrale face aux All Blacks, en novembre 2021, qui a fait basculer le mandat de Fabien Galthié dans une autre dimension. Évidemment, il y eut aussi ce grand chelem l’an passé, alors que le rugby français courait derrière un titre depuis une éternité. Mais de quoi parlera-t-on encore dans cinquante ans ? De ce 11 mars 2023, de ce jour où le XV de France s’est emparé de Twickenham pour réduire ce stade au silence. Là même où ils se sont tant de fois écroulés et où ils n’avaient plus gagné dans le Tournoi des 6 Nations depuis 2005, les Bleus ont ainsi marché sur les Anglais. Ils ont humilié leurs meilleurs ennemis sur leurs propres terres (53-10), au terme d’une démonstration de rugby. Si cela n’offre encore aucun trophée, le sélectionneur est bien placé pour savoir à quel point ce match va demeurer dans la légende : "Quand on vient à Twickenham, on ne rêve pas. C’est un lieu unique, un temple. Ce stade récompense la bravoure, les équipes qui se livrent collectivement. C’est une journée parfaite à Twickenham et c’est très rare ici. Je ne l’ai pas souvent vécu, personnellement."
Mais ces Bleus, compétiteurs jusqu’à la moelle et vexés d’être tombés sur plus fort en Irlande, avaient coché ce rendez-vous. Souvent ballottés depuis l’automne, ils avaient décidé de bousculer les esprits. "On voulait sortir LE match", dit encore Fabien Galthié. "On s’était dit qu’on devait faire quelque chose de grand, qu’on en avait les capacités", confirme Ethan Dumortier. Et Romain Ntamack, après dix-huit ans de disette à Richmond, de le résumer ainsi : "On souhaitait arrêter cette mauvaise série, écrire un peu l’histoire, frapper fort et marquer ces Anglais au fer rouge." Ce fut le discours martelé pendant la semaine, jusqu’au traditionnel briefing d’avant-match durant lequel Galthié a imprimé ces mots dans les têtes françaises.
Parce qu’il se savait en train de chatouiller la fameuse corde sensible, cet orgueil de champion qui transpire de ce groupe à part. "Nous étions un peu frustrés depuis le début du Tournoi, avoue François Cros. Après la victoire en Italie, c’était "oui, mais..." Après l’Irlande, beaucoup de choses ont été remises en cause. En interne, on n’a pas douté, on a cru en notre système et, même si on n’était pas satisfait du contenu contre l’Ecosse, on n’a pas dévié de notre ligne de conduite. Mais c’était le moment pour réaliser une telle performance. Fabien l’a dit et je crois que cela a résonné dans nos têtes (sourire)."
"Ça nous liera pour longtemps"
D’entrée, les Bleus ont posé leurs griffes sur cette rencontre pour atteindre un état de lévitation quatre-vingt minutes durant. Ce genre de moment suspendu durant lequel tout sourit, jusqu’à l’extase totale. "Il y avait un feeling, on sentait que tout marchait, qu’on était dans l’avancée, qu’on obtenait des pénalités, raconte Antoine Dupont. Tout semblait simple mais le rugby international est hyper dur. C’est tellement agréable quand tout ce qu’on a travaillé fonctionne dans la stratégie." Rien ne pouvait ébranler ce XV de France. Et voilà comment est né le chef d’œuvre de Twickenham, celui d’une génération si différente, lequel n’aurait pas existé sans le silence de cette enceinte mythique qui se vidait inexorablement pour laisser les Français célébrer entre eux, au gré d’une Marseillaise d’anthologie. Cros savoure : "Je vais vous faire une confidence. Rares sont les instants où on peut avoir cette communion avec le public. Lors des dix dernières minutes, on a vraiment profité de l’ambiance. Ça nous a rendus euphoriques, notamment avec cet essai en première main. On jouait pour le plaisir."
Résultat, entre deux larmes et trois éclats de rire, les Bleus sont même restés de longues minutes en ce théâtre de leurs rêves après le coup de sifflet final, pour prolonger un bonheur impensable. "C’est difficile, sur le moment, de réaliser la portée d’un exploit, note Julien Marchand. Mais il se passe un truc quand tu serres tes potes dans les bras, pendant le tour d’honneur ou dans les vestiaires. Parfois, un regard suffit." Et suffira toujours désormais. "Ce Crunch fera date, promet Dumortier. C’est une énorme fierté que d’en avoir fait partie, je crois que ça nous liera pour longtemps."
Un acte d’anthologie, un de plus. Mais chacun de ses protagonistes, portés par le besoin de ne pas céder leur trophée dans la compétition avant son ultime seconde, servait la même réplique : "Ce n’est qu’une étape." Parce qu’après avoir marché sur le temple, ces Bleus n’ont qu’une obsession : devenir rois. Thomas Ramos en rigole : "Je laisserais volontiers cette magnifique victoire contre un titre de champion du monde."
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