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200 ans de légendes (11/52) : une nouvelle vague pour la libération

Par Jérôme Prévot
  • Retour sur un épisode les plus édifiants de l’Histoire du sport français.
    Retour sur un épisode les plus édifiants de l’Histoire du sport français. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Le 1er janvier 1945, le XV de France retrouve le chemin du rugby international. Il s’impose face à l’armée britannique avec douze débutants, dont Yves Bergougnan et Jean Prat.

Il y eut des jours où le XV de France a eu rendez-vous avec l’Histoire, comme ce 1er janvier 1945 par exemple, alors que la guerre n’est pas encore finie et que certaines parties de la France sont encore occupées. Et au milieu de tout ce tumulte, le XV de France reçoit l’armée anglaise, événement capital, la France revient dans le cénacle des grandes nations dont elle avait été exclue quatorze ans plus tôt, en 1931. Pour être précis, la vraie reprise avait eu lieu dès le 25 février 1940. Sous la pression des gouvernements, l’International Board avait réintégré la France, un match contre l’armée britannique (sorte de Lions en fait) avait été organisé alors que les joueurs français n’avaient plus touché le ballon depuis dix mois à cause des événements. Puis la débâcle et l’occupation avaient tout balayé. Le match de ce 1er janvier 1945 peut donc être considéré comme le premier de la deuxième vie du XV de France.


L’équipe qui se présente dans le vieux Parc des Princes est celle du renouveau. Sur quinze joueurs, seuls deux ont connu des capes avant la guerre, l’ouvreur catalan Jep Desclaux (33 ans, 9 sélections avant de passer à XIII) et le capitaine et troisième ligne Pierre Thiers. Et encore, celui-ci n’a connu que l’épisode isolé de 1940. Citons le cas particulier de Jean Dauger, le sculptural trois-quarts centre, l’attaquant le plus doué de sa génération. Mais il était passé à XIII en 1938, son expérience internationale, il l’a vécue avec la maison d’en face (cinq sélections).


Ce match de la renaissance fut un vrai succès, la France s’impose 21 à 9 en marquant cinq essais dont un par le pilier Jean Prin-Clary après un beau mouvement collectif. À quoi pouvait-il ressembler ? Aujourd’hui, on le trouverait haché, notamment à cause des coups de pied directs en touche. Mais la notion de jeu offensif avait déjà tout son sens, incarné par Jean Dauger. Écoutons ce qu’en disait son partenaire au centre Louis Junquas : « Ce fut un régal, je crois qu’il était à son sommet. Il avait toujours ses accélérations foudroyantes mais avec plus de maturité dans son jeu. Il a marqué deux essais dans des mouvements de facilité innée, sans jamais donner l’impression de forcer son talent. » Pauvre Jean Dauger (décédé en 1999), son talent était si grand que les Britanniques lui feront payer très cher son incartade treiziste. Il ne dépassera pas le cap des trois sélections.

Attention aux mauvais coups

Dans cette jeune promotion, un autre joueur tranche par sa classe et son allure. Yves Bergougnan, demi de mêlée toulousain de 20 ans, figure de héros romantique.
Ce match disait aussi quelque chose du contexte. Ainsi, d’un strict point de vue sportif, la période 1940-1945 n’avait pas été si négative pour le rugby orthodoxe, débarrassé de la concurrence de ses « hérétiques » treizistes qui séduisait tant de bons joueurs. Le championnat avait repris. Deux titres avaient été décernés en 1943 et 1944. D’entrée de jeu, les jeunes Français prennent l’initiative. Ils débordent facilement des militaires britanniques costauds mais vieillissants. Mobilisés sous les drapeaux, ils n’avaient guère eu le loisir de s’entraîner alors qu’au contraire, les Français sont en pleine forme physique, au cœur de leur championnat. « Nous étions une nouvelle vague, le rugby repartait d’une autre manière. Les avants avaient plus de mobilité même si pour les piliers ça restait un peu juste. Je me suis échappé deux ou trois fois le long de la ligne de touche à leur grande stupéfaction », nous confia Robert Soro en 2004.

On remarque vite un troisième ligne de 21 ans, Jean Prat, qui n’a pas peur de tenter des drops. Il avait été lui aussi prisonnier de guerre en Allemagne avant de revenir en 1942, sa science du rugby commençait à se diffuser dans le Landerneau de l’ovale après ses 25 points marqués lors d’un Lourdes-Agen.
Pourtant, en ce 1er janvier 1945, ce XV de France marche encore sur des œufs, le traumatisme du passé n’était pas effacé. Ces jeunes loups du XV de France avaient été soigneusement avertis « Il fallait être corrects, pas de coups de pied, pas de coups de poing, il fallait presque les laisser faire. » poursuit Robert Soro. Les neuf ans de bannissement flottent encore dans l’air. Les dirigeants français savaient très bien qu’à la moindre incartade, l’International Board les renverrait dans les ténèbres. Une Libération en cachait une autre. Politique vis-à-vis de l’Allemagne, sportive vis-à-vis de l’Angleterre.

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