"J’étais proche de craquer", Wilkinson (ancien ouvreur de Toulon) raconte son avant-match de la finale de Coupe d'Europe 2013

Par Mathias Merlo
  • Jonny Wilkinson se souvient très bien de son échauffement avant la finale de Coupe d'Europe 2013.
    Jonny Wilkinson se souvient très bien de son échauffement avant la finale de Coupe d'Europe 2013. Sportsfile / Icon Sport
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De retour à Toulon dans le cadre de son intronisation au Hall Of Fame, Jonny Wilkinson s’est exprimé devant un parterre de journalistes pour évoquer son retour sur la Rade et ses retrouvailles avec ses ex-équipiers dont la plupart ont participé au premier sacre de la H Cup, il y a dix ans.

Qu’est-ce que ça vous fait de revenir à Toulon ?
On passe du temps ensemble. On a créé un lien très rare entre nous. Ça a été des expériences difficiles, les challenges, il y a eu des moments de faiblesse. C’est une expérience magique de revoir tous les grands équipiers. On s’est remis en question quand on était sur le terrain. C’est ça qui a compté. On a trouvé la stabilité par la suite. Quand on a réussi comme on l’a fait, ça reste quelque chose d'unique. Il reste une émotion. C’est bizarre de faire une conférence de presse après tant de temps. Il y a toujours le même esprit. C’est ça qui est intéressant. Je suis rentré chez moi, et rien n’a changé. Avec ça derrière nous, avec toutes les années, on se retrouve comme si on allait se rendre sur le terrain ou à l’entraînement.

Qu’est-ce qu’il vous reste de vos années à Toulon ?
Je ne veux pas que dire que c’était uniquement amusant. Pour être honnête, il y avait des moments durs. Ce n’était pas toujours amusant. C’est une des raisons, en fait, pour dire que c’est plus beau avec les années qui passent. Il y avait des moments difficiles quand Bernard Laporte était en colère. Il criait (rires). On se posait de grandes questions. Il y avait une chose spéciale : c’était le fait qu’on voulait le faire ensemble.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dernier point ?
Je n’ai jamais connu un groupe comme ça. C’est évident quand on en reparle entre nous. On était là pour gagner. On était là pour explorer le talent individuel et collectif. On en avait joué tous l’un contre l’autre, quand on a joué ensemble, c'est devenu une compétition. On voulait montrer qui on était. On avait entendu des histoires. Mais on voulait que les équipiers ressentent ces histoires. Bakkies était l’homme qui attaquait le ruck le plus fort dans le monde, il voulait nous montrer la vérité. Il n’y avait jamais un moment de repos. On voulait montrer qui on était. Avec l’envie, et le jeu de respect, c’était un bon mélange.

Qui a le plus changé parmi vos anciens équipiers ?
C’est bizarre, ce n’est ni Matt Giteau ni Drew Mitchell. Tous les autres joueurs se sont agrandis (épaissis, NDLR). Tout le monde a relevé un nouveau challenge. Tout le monde va devoir maîtriser ça. L’après-carrière, il y a un trou. On essaie de découvrir une autre chose. c’est là où on découvre notre individualité. Joe (Van Niekerk NDLR) a pris un chemin, Carl (Hayman NDLR) en a pris un autre… C’est intéressant. Quand on se rencontre, on partage beaucoup et on voit le chemin que l’on a pris. Carl Hayman a beaucoup changé. En globalité, les  personnalités sont plus calmes. J’ai l’impression que c’est le fait qu’il n’y a plus de match à jouer. C’est bien de voir tout le monde plus calme. On est plus à l’aise avec tout le monde. Sur le terrain, on voulait tout modifier, tout attaquer. Le rugby, ce n’est pas un sport pour les quarantenaires. Je n’ai pas vu Drew et Matt encore. C’était un grand challenge après le sport.

Matt Giteau et Jonny Wilkinson ont remporté deux coupes d'Europe et un Top 14 avec le RCT.
Matt Giteau et Jonny Wilkinson ont remporté deux coupes d'Europe et un Top 14 avec le RCT. Dave Winter / Icon Sport


Pouvez-vous nous raconter une anecdote sur cette Coupe d’Europe de 2013 ?
(Il se concerte avec Joe Van Niekerk) C’est une histoire personnelle. J’en ai discuté avec Joe, il y a peu de temps. On était tous les deux capitaines. Cette anecdote montre les moments de faiblesse. Avant le match face à Clermont, je finis mon échauffement, je n’étais pas du tout bon. J’avais des difficultés à frapper le ballon. J’étais proche de craquer. Je suis resté, je me suis dit : « qu’est-ce que je vais faire ? » Je suis allé aux toilettes, j’ai pris mon téléphone, ce qui n'est pas apprécié dans un vestiaire, j’ai appelé mon entraîneur. Je ne savais pas ce qu’il allait me dire. J’étais pris par les émotions. Joe faisait le discours.

Et alors…
Il m’a demandé où j’étais. Je suis sorti, je suis entré dans le cercle, ça m’a frappé. Là, je devais prendre une décision. Est-ce que je devais suivre le feeling, cette envie collective ? Est-ce que je devais être rassuré ? Joe a parlé, et les mecs, en face, étaient prêts. Je souffrais de l’idée de me dire que je devais sauver l’équipe avec le tir au but. J’ai dit : « Allez, on y va et on gagne. » Si on s’engageait jusqu’à la fin, c’était sur ce match. Je n’ai rien raté. C’est une anecdote marrante, et c’est important de le dire. C’est là où j’ai eu besoin de mes partenaires. Je ne sais pas si Joe a ressenti ce moment, mais avec ses mots, j’ai senti que tout était possible. Ça valait la peine d’aller plus loin. Puis, la coupe a été pour Clermont pendant 70 minutes. On a pris notre chance. J’ai vu dans les yeux leur déception. Il fallait respecter ce moment. On a trouvé une façon de gagner, ça a changé notre chemin en tant qu’équipe. Après la coupe d’Europe 2013, les finales étaient pour nous.

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