Baky écrit - À chacun son pré

Par Rugbyrama
  • Baky écrit se penche sur la cohabitation entre les clubs de football et ceux de rugby.
    Baky écrit se penche sur la cohabitation entre les clubs de football et ceux de rugby. Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Retiré des terrains depuis l'été 2021, Bakary Meité profite de sa liberté retrouvée pour poser un regard libre, décalé et forcément engagé sur l’actualité du rugby, des belles histoires du monde amateur aux exigences du secteur professionnel. Aujourd'hui, il évoque la cohabitation, parfois compliquée, entre les clubs de football et de ballon ovale...

Savez-vous qui est propriétaire du Parc des Princes et du stade Jean-Bouin ? La ville de Paris.
Savez-vous qui est propriétaire du stade Giuseppe Meazza ? La ville de Milan.
Pour ce qui ne sont pas au fait de la chose football, c’est le stade de l’Inter Milan. Mais aussi du Milan AC. Soit les deux clubs rivaux qui luttent sur le terrain (et souvent dans les tribunes), pour la suprématie du calcio mais surtout de la ville.

Revenons en France. Si j’emprunte cet exemple à l’étranger, c’est avant tout pour mettre en exergue la doctrine française en matière d’enceinte sportive. C’est bien simple, si les églises sont légion dans le pays en forme de botte, on peut dire que la France elle, s’est spécialisée dans la construction de stades. De grands stades même.

L’organisation de l’Euro 2016, a servi de justification pour cette fuite en avant. Pour le plus grand bonheur des promoteurs et autres entreprises de BTP.

Prenez une ville comme Bordeaux. L’UBB, le club de Bordeaux évolue dans le stade Chaban-Delmas. Quand les Girondins de Bordeaux, son homologue du foot, lui joue au Matmut Atlantique, sortie de terre en 2015. Avant cela, l’UBB jouait dans le stade André Moga et les Girondins à Chaban-Delmas. Une montée en gamme pour chacun des deux clubs, qui tombait a point nommé pour l’UBB, en constante évolution ces dix dernières années. On ne peut pas en dire autant pour le club de football. Le même procédé a eu lieu dans la ville de Lyon avec le LOU et l’Olympique Lyonnais.

Cela étant dit, il n’a quasiment jamais été envisagé que deux entités, utilisant la même aire de jeu, puissent se partager la surface avec comme résultante une certaine optimisation des coûts. Impensable diront certains. Irréalisable diront d’autres. Permettez-moi d’être en désaccord.

Je vois déjà brandi l’argument de la pelouse. Qui serait labouré par les gros lourdauds de rugbyman. Ce qui ferait louper le penalty de l’avant-centre le dimanche suivant. Soyons sérieux, il y a suffisamment de moyens techniques et humains pour faire en sorte qu’une pelouse soit remise en l’état dans des délais tout à fait raisonnables. De même que la ventilation des différents calendriers et à la portée de la première intelligence artificielle venue. (ChatGPT si tu me lis…).

Non, c’est avant tout un problème structurel franco-français. On ne partage pas son jouet avec son cousin. On peut prêter de temps en temps mais pas plus. D’ailleurs cela correspond aux délocalisations auxquelles s’adonnent les clubs de rugby et devant lesquelles tout le monde se pâme. On fait une super fête, on se dit : le rugby a un vrai public, puis on retourne dans son stade. Et puis y’a l’histoire aussi. Avec un grand H. Vous trouverez toujours des supporters pour vous dire que le Stade Français c’est Jean Bouin. Et que traverser les 18,5m qui séparent les deux trottoirs de la rue Claude-Farrère, soit la rue qui sépare l’antre du Stade Français du « Parc », est un acte de componction beaucoup trop couteux émotionnellement.

Quid des pouvoirs publics ? A quoi pensent-ils quand ils votent une construction ou une rénovation d’un stade dans une agglomération quand la mutualisation des infrastructures semble être la solution idoine ? J’houspille gentiment mon ami Pierre Rabadan, adjoint à la mairie de Paris en charge des sports, qui se retrouvent à gérer : le dossier du Parc des Princes et les velléités d’achat de QSI propriétaire du PSG, ainsi que les problèmes de pelouse du Paris FC dans le stade Charlety, autre enceinte parisienne de la même capacité que Jean Bouin.

Paris n’est pas un cas isolé. Prenez la ville de Perpignan. L’USAP et les Dragons Catalans. Deux sports cousins. Le XV et le XIII. Les deux clubs ont leurs stades respectifs. Aimé-Giral et Albert-Brutus. Deux enceintes de plus de 10 000 places pour une ville d’un peu plus de 100 000 habitants. Évidemment que toutes ces constructions, rénovations, réhabilitations se font à grand renforts de deniers publics et viennent grever les finances publiques. 157 millions d’euros si je reprends le cas de Jean-Bouin. Autrement dit : une partie de nos impôts. (D’ailleurs, avez-vous fait votre déclaration ?)
La ville de Toulouse a elle, franchit le pas. En 2021, un partenariat est signé entre le Stade Toulousain et le Toulouse Olympique XIII. Ernest-Vallon héberge maintenant les deux clubs. Cas unique en France.

Comme présenté en préambule, le cas milanais n’est pas isolé dans le monde. Et pour le coup, c’est souvent le ballon rond qui nous fait la leçon. Toujours en Italie le Torino et la Juventus étaient pendant un certain temps locataires du Stade Olympique de la ville.

En Allemagne, Le Bayern Munich et Munich 1860 jusqu’en 2017 jouent dans le même stade. Au brésil, Flamingo et Fluminense partagent le légendaire stade du Maracana. Ou encore l’Atlético Mineiro et Cruzeiro pour la ville de Belo Horizonte.

Les Américains sont à la pointe en la matière puisque, les Jets de New York et les Giants, toujours de New York, jouent tous les deux leurs matchs à domicile au Metlife Stadium. Quand on sait ce que draine une rencontre NFL en termes de spectateurs, on ne peut être qu’admiratifs. Il en est de même pour les enceintes sportives d’intérieurs. Pour le basket, Clippers et Lakers de Los Angeles. Mais pas seulement. Les Kings aussi y jouent leurs rencontres de hockey sur glace.
Pareil à New York pour le Madison Square Garden.

La mythique arène new-yorkaise peut accueillir un match des New York Rangers a 14h, remballer la patinoire et déposer le parquet pour un match des New York Knicks à 20h.

La France elle, ne semble pas vouloir emprunter ce chemin-là.
Albert Camus disait : "Il n’y a pas d’endroit au monde ou l’Homme est plus heureux que dans un stade de football". Si ce même stade pouvait aussi abriter du rugby, l’Homme serait encore plus heureux…

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