Champions Cup – Chaban en mémoire, Dublin dans le viseur : les Rochelais veulent conquérir le Matmut Atlantique

Par Paul Arnould
Publié le Mis à jour
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Le Stade rochelais disputera sa troisième demi-finale de Champions Cup consécutive face à Exeter, dans un Matmut Atlantique jaune et noir et chaud bouillant. Romain Sazy et Uini Atonio espèrent revivre dimanche les mêmes émotions qu’il y a neuf ans, lors d’une certaine finale d'accession à Chaban-Delmas restée dans toutes les mémoires…

Que reste-t-il de la finale d’accession 2014 remportée par La Rochelle face à Agen dans un stade Chaban-Delmas incandescent ? De prime abord pas grand-chose tant l’ancien Atlantique Stade Rochelais, devenu Stade rochelais en 2016 a changé de dimension. Un titre suprême de champion d’Europe, une finale de Top 14, trois demies, un effectif rempli de stars où seuls Romain Sazy, Uini Atonio et Levani Botia ont résisté à la flèche du temps, un stade retapé, un nouveau centre d'entraînement. La liste est longue. Et pourtant... Si La Rochelle est fidèle aux grands rendez-vous depuis quelques années, elle le doit aussi à sa base restée presque identique. Le président Vincent Merling tient la barre depuis bientôt 32 ans, des anciens joueurs sont présents dans l’organigramme du club (Pierre Venayre, Robert Mohr, Sébastien Morel etc.), et cette équipe ambitieuse devenue monstre européen aux côtés des Toulouse, Leinster ou autres Saracens, n'a jamais oublié son passé pas si lointain. Et que dire de cette ferveur incomparable, renforcée au fil des années et au gré des succès. Tous partagent les mêmes souvenirs apportant club cette "identité" si chère au manager irlandais Ronan O'Gara.

Les supporters rochelais le 25 mai 2014 face à Agen.
Les supporters rochelais le 25 mai 2014 face à Agen. Dorine Bouteiller / Icon Sport - Dorine Bouteiller / Icon Sport

Bordeaux, une terre de souvenirs

Baladez-vous sous les arcades du centre-ville, murmurez "Chaban" à un fidèle sur le marché et vous verrez immédiatement un épatant sourire apparaître sur son visage et une longue série d’anecdotes s’étirer pendant des heures. Certains vous parleront de la chaleur de ce jour de mai 2014, de la pelouse envahie à la 80ème minute, quand d’autres préféreront évoquer le concert de klaxons au péage ou la "bataille" des tribunes largement remportée face aux Agenais presque surpris de l’ambiance survoltée qui résonna dans les travées de l’antre historique des Girondins de Bordeaux ce jour-là.

C’est sans doute à tout cela que pensait l’historique Romain Sazy en évoquant la "transhumance" rochelaise à cinq jours de disputer une nouvelle demi-finale de Champions Cup. Dans sa réponse, durant une seconde, le deuxième ligne retourna neuf ans en arrière. "Allez à Chaban, pardon lapsus révélateur, au Matmut, ça rappellera des souvenirs de 2014. Nous en parlions avec Uini (Atonio) ce matin, c’était tellement puissant dans les tribunes." "Des matchs j’en ai vécu, j’ai joué dans des grands stades, mais Chaban en 2014 est le souvenir le plus marquant en termes d’énergie dans les tribunes. Ça poussait tellement fort à l’arrivée du bus, j’avais l’impression qu’ils étaient à l’intérieur."

"Ça va être un truc de fou"

À l’époque, Sireli Bobo faisait se lever la foule, Levani Botia débutait son histoire d’amour avec le club, Fabien Fortassin serrait les dents face aux perches en oubliant des douleurs aux adducteurs, et Kevin Gourdon traversait le terrain avec une classe difficile à comparer aujourd’hui au Stade. Cette année-là, 20 000 Rochelais avaient fait le déplacement avant d’envahir le Vieux-Port la nuit tombée.

Presque une décennie plus tard, ils seront plus au Matmut Atlantique - peut-être 30 000 - pour soutenir des Jaune et Noir en quête d’une nouvelle finale face aux Anglais d’Exeter. "Ça va être plus fort encore, imaginait Uini Atonio, capitaine lors de la finale 2014. Ça va être un truc de fou. On va utiliser ça comme un avantage. On aura l’impression d’être chez nous. Peut-être même qu’il y aura des Bordelais qui vont nous supporter comme nous sommes l’équipe française. En tout cas, ça fait du bien quand tu pousses en mêlée d’entendre les chants rochelais."

Bordeaux n'est pas qu'un bon souvenir pour les supporters rochelais. En ouvrant le grand livre de l'histoire moderne du club, il y a quelques chapitres douloureux, à l'image de cette finale d'accession perdue en 2007 où, déjà, l'engouement avait été au rendez-vous malgré une défaite logique contre Dax. Douze ans plus tard, les Maritimes tombaient face à des Toulousains plus forts qu'eux dans leur premier et seul match de phases finales disputé au Matmut Atlantique. 

Hikairo Forbes (au centre), Cobus Grobler (à droite) et Uini Atonio (à gauche) lors de la finale d'accession en 2014 contre Agen.
Hikairo Forbes (au centre), Cobus Grobler (à droite) et Uini Atonio (à gauche) lors de la finale d'accession en 2014 contre Agen. Dorine Bouteiller / Icon Sport - Dorine Bouteiller

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Ronan O'Gara n'est pas un passéiste : "Chaque fois que mon équipe joue, la dernière performance eclipse l'ancienne dans ma mémoire." L'Irlandais garde précieusement dans un coin de la tête les trois succès consécutifs face à l'UBB la saison dernière, dont deux à Chaban (22ème journée de Top 14 et huitième de finale aller), qui avaient lancé la fin de saison historique des siens. "La victoire à la dernière minute avec la pénalité d'Ihaia (West), j'en ai eu des frissons partout, raconte-t-il. Cet épisode de trois succès a été le déclic pour mes joueurs car ça n'était jamais arrivé. Les garçons ont grandi." 

"On ne peut pas s’habituer à de tels scénarios"

Au regard des derniers résultats, les Rochelais vont-ils fouler la pelouse du Matmut en "habitués" dimanche face aux Chiefs ? "Habitués non. Excités oui, répondait au tac au tac Romain Sazy. On ne peut pas s’habituer à de tels scénarios. On joue pour ça, et les supporters vivent pour ces moments de communion." Romain Sazy et Uini Atonio ont vécu bien des succès depuis ce jour de mai, seulement voilà, certains matchs pénétrent plus les esprits, et cette finale d'accession entre dans cette catégorie. 

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En 2014, Romain Sazy avait 27 ans et poussait en mêlée aux côtés de Franck Jacob. Dimanche il tiendra l’épaule de Will Skelton. "Je vis cette semaine comme un gamin, je suis très excité. Au départ, toutes les équipes débutent la saison pour en arriver là. J’ai plein de sentiments qui me traversent : de la fierté, de l'excitation. Une fois qu’on est sur le canapé c’est trop tard, et je suis plus proche d’être sur le canapé qu’au centre de formation."  En 2014, le Stade rochelais envahissait Bordeaux pour monter en Top 14. En 2023, ça sera pour se qualifier en finale contre le Stade toulousain ou le Leinster, deux colosses devenus fidèles ennemis ces dernières années. C'est certain, les Rochelais ne contrediront pas l’homme aux 335 matchs avec le Stade : impossible de s'y habituer. 

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