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Christian Labit : "C’est une forme de libération"

Par Manon MOREAU
  • Christian Labit referme le chapitre de son aventure à Carcassonne. Christian Labit referme le chapitre de son aventure à Carcassonne.
    Christian Labit referme le chapitre de son aventure à Carcassonne. Icon Sport - Anthony Dibon
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Christian Labit - Manager de l’US Carcassonne. La relégation de Carcassonne en Nationale signe la fin d’une ère. Celle de Christian Labit mais aussi et surtout celle de l’USC en Pro D2. L’ancien troisième ligne tire un trait sur plus de dix ans d’histoire. Il revient sur cette relégation, aborde sans retenue les difficultés rencontrées cette saison et évoque son avenir.

Carcassonne, votre club de cœur, vient d’être relégué en Nationale. Quels sentiments dominent ?

C’est dur. C’est un sentiment de frustration, de déception. Le dénouement de ce match a été cruel. La nuit de vendredi a été difficile et à la fois reposante. Pendant ces matchs, les nerfs te rongent donc forcément quand tu rentres, tu es quand même assez fatigué. C’est un mélange de tout et à la fois presque un soulagement que cela soit fini. C’est une forme de libération. Elle est négative c’est vrai mais une libération quand même car cette saison a été terriblement dure. Ça m’embête vraiment pour mon staff et mes joueurs. Ils ne méritent pas une fin aussi cruelle. Nous avons tous notre part de responsabilité mais je suis convaincu que nous avons fait ce qu’il fallait. Franchement, on ne pouvait pas faire plus.

Aviez-vous senti que cette saison ne serait pas aussi "facile" que la précédente ?

En toute honnêteté, la relégation (il marque une pause)… Je ne vais pas dire que je le savais mais je peux dire que je m’attendais à vivre une saison comme celle que l’on vient de passer. J’étais convaincu qu’on allait batailler jusque dans les derniers instants. C’est dur de quitter le navire quand il coule. Ce n’est pas ma façon de faire mais c’était prévu.

Cette relégation est encore fraîche mais l’avez-vous acceptée ?

C’est terrible pour nous mais cette relégation, il faut l’accepter. Il y a des saisons où on a le sentiment que tout est favorable mais cette fois, ça n’a pas été le cas. Nous n’avons jamais eu de réussite. Jamais. Et jusqu’à la dernière seconde. On a toujours eu des obstacles et des écueils. Parfois d’autres équipes peuvent te soulager en passant à côté mais non… Cette relégation, elle nous pendait au nez. Nous avons peut-être ce que l’on mérite. Il n’y a pas de honte à dire que le club a sans doute le niveau de la division dans laquelle il va évoluer l’année prochaine. C’est avec tristesse que je le dis mais je suis réaliste aussi.

Vous attendiez-vous à un tel retournement de situation du côté de Soyaux Angoulême qui, a arraché un bonus défensif sur la pelouse d’Oyonnax et qui a condamné Carcassonne avant même le coup de sifflet final ?

Je m’attendais surtout à ce qu’Oyonnax face un autre match. J’ai toujours trouvé que Soyaux-Angoulême était une belle équipe et je savais qu’elle était capable de faire quelque chose. Il faut être réaliste, cette équipe est bien plus forte que nous. Je crois que c’est plus qu’une réaction sur ce match. C’est de la continuité. Globalement, Soyaux-Angoulême a fait une saison cohérente. On se retrouve ex æquo mais la différence est que cette équipe nous a battus. Elle mérite donc son maintien en Pro D2.

Cette saison encore, vous avez dû faire face à une infirmerie qui ne se vidait pas…

C’est vrai, c’est une saison sans réussite également du côté des blessures. Manchia, Herjean, Marquès, Harley… Ce sont des hommes clés dans notre système de jeu donc on s’est retrouvés toute la saison avec une équipe modulée par les absences, jamais vraiment une équipe type.

Ces blessures, est-ce seulement un manque de chance ?

Peut-être qu’il y a eu des difficultés dans la préparation physique. Pour faire une bonne préparation physique il faut donner les moyens aux hommes de bien travailler. C’est toujours le même problème. Je ne dis pas que les préparateurs physiques n’étaient pas performants mais plutôt qu’ils manquaient de matériel et de moyens pour faire mieux. Ils ne sont que deux pour quarante joueurs. On fonctionne avec ce que l’on a et cela joue forcément sur la qualité physique des joueurs.

Le recrutement à l’intersaison était-il suffisant pour exister en Pro D2 ?

Nous n’avions pas un recrutement suffisant pour exister. Alors, forcément, quand nous avons manqué de joueur en cours de saison, il fallait faire vite pour en recruter d’autres mais on ne l’a pas fait. De ce côté-là, je suis déçu de ne pas avoir été assez écouté. Je ne suis pas magicien mais je sais que quand tu perds des joueurs importants, c’est compliqué d’exister et à tous les niveaux. Nous avons bricolé avec de jeunes joueurs, d’autres plus âgés, d’autres encore qu’on a surutilisés comme Landman, qui a quand même 36 ans et qui a joué quasiment tous les matchs. Au-delà d’un mauvais recrutement au départ, nous n’avons pas pu compenser durant la saison quand nous en avions besoin. J’ai été dépendant de ce que l’on m’a donné et quand on n’a pas grand-chose, on fait avec ce que l’on a.

Votre départ a été annoncé très tôt, celui de certains joueurs également. Selon vous, cela a-t-il pesé dans l’investissement de certains ?

Je ne sais pas si cela a pesé. Mon départ n’a pas été une surprise pour les joueurs car j’ai voulu être transparent dès le départ pour apaiser le fonctionnement. Je ne reprocherai jamais à ce groupe de ne pas s’être assez investi. C’est pour cette raison qu’il est aussi difficile de regarder ses joueurs et de leur dire qu’ils joueront en Nationale la saison prochaine. Ils ont été à l’écoute et volontaires, mais ça ne suffit pas. Ce groupe méritait de vivre une plus belle expérience. Après, comme dans toutes les équipes il y a des joueurs qui se sont sortis du système. Ça arrive.

Vous deviez quitter le club la saison dernière. Finalement vous avez choisi de rester pour une ultime saison. Regrettez-vous ce choix ?

Je n’aurais peut-être pas dû faire cette saison supplémentaire. J’en suis conscient. On m’avait prévenu mais c’était difficile d’abandonner le club dans un moment où les meilleurs joueurs étaient sur le départ. Aussi, une partie du staff est ici car c’est moi qui lui ai demandé de venir. J’avais prévenu le président en lui disant que je faisais une saison supplémentaire pour essayer de remettre les choses en place, compenser les absences et maintenir le club mais je savais que ça allait être compliqué. Je ne referais plus cette erreur. Je ne veux plus prendre un projet à moitié. Ce n’est pas ma façon d’être ni ma façon de faire. Cette dernière saison je l’ai faite par amour du club et des hommes. J’ai tenté le diable alors que je n’en avais pas forcément envie. Ce qui est sûr, c’est que cela me servira pour l’avenir.

Cela fait plus de dix ans que votre histoire avec Carcassonne dure. N’est-ce pas la pire saison que vous ayez vécue depuis votre arrivée ?

La pire, il ne faut peut-être pas exagérer parce que je ne vais pas cracher dans la soupe en disant que j’ai vécu un enfer, mais il faut être conscient de ce que l’on fait et de ce que l’on est. Me lever pour entraîner c’est mon plaisir, ma passion. Cette notion de plaisir est trop importante pour que j’arrive le matin et que je sente que l’on va être en difficulté le week-end. Cette saison a été terrible mais le paradoxe, c’est que la saison précédente a été géniale. On s’est éclaté avec au bout une qualification en phase finale.

La nomination de Jean-Marc Aué au poste de manager pour la saison prochaine a-t-elle généré quelques doutes en interne ?

Il y a eu des bouleversements. Il y a eu le fait que je parte, le rôle du futur manager avec tout ce que cela comporte. Bien souvent, j’ai dû arrondir les angles. Cela n’a pas été simple. Le fonctionnement n’a peut-être pas été en adéquation avec ce qu’il aurait fallu faire pour maintenir les garçons dans un fonctionnement plus naturel. Cette année, c’est vrai qu’il y a eu des dysfonctionnements liés à des changements et des fonctionnements qui n’étaient sans doute pas neutres dans les choix, ce qui a peut-être perturbé les hommes. Mais les joueurs sont professionnels et doivent aussi assumer les hauts et les bas.

Vous auriez fait un autre choix concernant le poste de manager ?

J’aurais aimé qu’en partant, les hommes que j’avais choisis bossent ensemble. Cela fait des années que je travaille avec Mathieu Cidre (entraîneur des avants, N.D.LR.). Je connais ses qualités et son investissement au club. Je ne dis pas que Jean-Marc Aué ne mérite pas ce rôle mais je pense que Mathieu Cidre méritait d’être plus qu’un entraîneur. Il y a eu un malaise et je pense que les joueurs l’ont senti. Je n’ai pas voulu me mêler de tout ça parce que je ne voulais pas mettre mon grain de sel dans un fonctionnement que je n’allais pas vivre. Pour moi, Jean-Marc Aué et Mathieu Cidre auraient pu travailler à deux sur ce poste. C’est en tout cas ce que j’aurais fait et j’aurais associé Aurélien Cologni (entraîneur de la défense, N.D.L.R.) à ce duo, car il était important pour nous. Cela aurait été un fonctionnement logique, dans la continuité de mon départ.

Avez-vous des pistes pour votre futur ?

Je vais prendre un peu de temps pour moi. Cette saison, elle a finalement duré dix ans et j’ai besoin de récupérer. Mon avenir est incertain. Je peux me retrouver dans un projet et revenir à Carcassonne sous d’autres couleurs.

À l’heure actuelle il n’y a donc rien de concret pour la saison prochaine ?

Non. J’ai envie d’un projet ambitieux avec un président qui a envie d’avancer. S’il n’y a pas de projet qui se présente, je vais prendre le temps qu’il faudra pour en trouver un. Quoi qu’il en soit, je veux rester dans ce monde-là. J’ai des hommes qui sont prêts à me suivre, des joueurs mais aussi du staff. Je n’ai vécu que des histoires de "sauveur" de club qui se sont souvent mal terminées. J’en ai marre de ce genre de situation. J’ai refusé toutes les propositions de clubs en Nationale, non pas que je dénigre le niveau mais simplement parce que j’ai envie d’être plus ambitieux.

Vous êtes un entraîneur atypique : pensez-vous que cela peut faire peur à certains présidents ?

J’ai une image qui est encore associée à ce club de Carcassonne. C’est vrai que j’ai l’image d’un manager atypique qui fonctionne différemment et je pense que cela doit faire peur à certains présidents mais quand on me donne sa confiance, j’ai l’habitude de me donner à fond.

Avez-vous pensé à prendre du recul avec le rugby ?

J’ai pensé à me mettre en retrait, oui. La ferveur est positive quand l’équipe gagne mais dans le cas contraire, j’ai été souvent exposé aux critiques. Ils ont tendance à oublier vite… Maintenant, j’ai la peau de crocodile, je suis rodé (sourire). Cela fait plus de mal à mes proches qu’autre chose, de mon côté j’avoue que je suis assez insensible aux critiques.

La page est tournée avec Carcassonne ?

Je crois qu’aujourd’hui, la page est tournée et il faut que le club avance avec d’autres. Je ne veux pas me mêler du nouveau fonctionnement. Bien sûr, je serai toujours là pour eux et pour leur donner un coup de main s’il le faut. Mais la page est tournée de mon côté aussi.

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