Top 14 - Dany Priso : "Je n’ai pas toujours été au niveau auquel on m’attendait à Toulon"

Par Mathias Merlo
  • Dany Priso savoure la victoire en Challenge Cup
    Dany Priso savoure la victoire en Challenge Cup PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
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Taiseux, le pilier gauche varois s’est confié avec franchise sur ses performances, et la saison réalisée par son club à l’orée de la dernière journée de Top 14, contre l’Union Bordeaux-Bègles.

Il avait promis qu’il parlerait une fois qu’il aurait « un titre dans les mains ». On peut le dire désormais, après presque une heure de discussion, Dany Priso est un homme de parole. Elle est rare, riche et franche. Comme sur le terrain, le pilier gauche n’est pas du genre à faire semblant, ni à se cacher au moment de faire le bilan de sa saison.

Quels sentiments prédominent à la suite de cette semaine marquée par les festivités liées au sacre en Challenge Cup ?

La saison a été inconstante. Il faut être honnête et se le dire. Mais, pour les joueurs, un titre reste un titre. On se bat toute la saison pour atteindre un objectif. Aujourd’hui, j’entends certains dire : « Ce n’est que la Challenge. » Mais, il faut encore la gagner ! La Challenge, ce n’est plus celle d’avant. Vous voyez les matchs (rires). Aujourd’hui, des équipes qui jouent les premiers rôles participent à cette compétition. C’est rude et intense. Il n’y a qu’une seule équipe qui repart avec le trophée. On a validé une saison. On se qualifie en Champions Cup… C’est bon pour le club et surtout pour le public ! Tout le monde attend que l'on se confronte aux meilleurs. On va le faire. Toulon ne l’a pas joué depuis plusieurs saisons. On avait à cœur de remettre le club à sa place. On a fait le travail.

Est-ce que cela vous a dérangé d’entendre que ce n’était « que la Challenge Cup » ?

Je sais que beaucoup de personnes pensent cela. Mais, c'est un titre que le club n’avait jamais gagné. Il y a eu de grandes stars ici, et ils ont toujours perdu ce trophée. On a perdu quatre fois en finale. Avec la Challenge Cup, Toulon prend quasiment le plus beau palmarès du rugby français. On a rassemblé tous les trophées. Personne ne l’a jamais fait en France. Dimanche, j’espère qu'on fêtera ça ensemble. Sur les saisons qui arrivent, avec la Champions Cup et le Top 14, on aura besoin de l’intégralité de notre public pour nous pousser. On veut que ces mecs soient derrière nous, avec cette ferveur… On connaît ça, et c’est important.

La saison varoise a été en dent de scie. On a senti un soulagement vendredi dernier, partagez-vous cet avis ?

On a eu une saison clairement en demi-teinte, mais ce titre en Challenge Cup est un soulagement. Mais, dans cette coupe, on a eu un parcours sans faute. On n’a rien volé à personne, mais rien n’a été donné au club. On est allés l’arracher. On le fait de la plus belle des manières. Je suis fier de ce que l’on a produit. On peut toujours mieux faire, mais avec ce titre, on valide une saison et l’histoire d’un groupe. Des mecs sont là depuis cinq ou six ans, mais ils n’avaient rien gagné ici. Ils ont connu des joueurs exceptionnels, mais ils n’ont pas eu une seule médaille. Pour eux, on a écrit l’histoire du club.

Comment jugez-vous votre saison ? Depuis plusieurs semaines, on vous sent beaucoup plus à l’aise sur le terrain, à l’image du collectif.

Oui, je me sens monté en puissance. J’avais été franc avec vous lors de la mi-saison, en conférence de presse, en vous disant que je n’étais pas content de mon début d’aventure ici. Je n’ai pas toujours été au niveau auquel on m’attendait. C'est pour ça que je ne voulais pas parler. Il fallait que j’enchaîne les matchs pour que je me sente mieux. J’ai rejoint un super groupe. Mes équipiers ont été patients, ils m’ont accompagné jusqu’à ce titre. Je suis heureux de ma fin de saison et surtout d’avoir remporté un titre pour ma première année.

Pourquoi avez-vous connu un début de saison plus délicat ? Est-ce une question d’adaptation après de nombreuses années à La Rochelle ?

Il y a un peu de tout ce que vous dîtes. J’ai eu un changement de vie. J’ai vécu six magnifiques années à La Rochelle. J’ai eu la chance de toute vivre : demi-finale de Top 14 jusqu’au sacre de la saison passée. Cela a été une aventure énorme. Je me suis construit en tant qu’homme, notamment avec la naissance de ma fille. Il y a plusieurs choses à digérer, même si cela a été ma décision de partir. Je pensais que mon adaptation serait beaucoup plus rapide avec mon expérience. Ça n’a pas été le cas. Quand j’évoque ça, je ne parle pas de mon adaptation dans le groupe car j’ai rejoint une bande de copains. J’ai eu du mal dans le jeu courant, et surtout dans ma vie de tous les jours. J’ai perdu mes repères et mes habitudes. Je ne pensais pas que ça prendrait autant de temps. Maintenant, je me sens bien et heureux à Toulon. J’espère que ça durera le plus longtemps possible.

Avez-vous connu une forme de décompression après ce sacre en Champions Cup et votre départ en tournée au Japon avec le XV de France ?

Même si on m’a tapé dessus en disant : « Il a eu une baisse de régime après son titre de champion d’Europe… » Ce n’était pas ça ! J’ai joué tous les matchs que ce soit l’an dernier ou ici à Toulon. Nous ne sommes pas des machines. Je ne suis pas une machine. Le corps s’use. Je suis parti au Japon, après une longue saison, et surtout… J’avais des douleurs partout dans le corps ! J’étais fatigué, je suis arrivé en préparation au RCT, dans un nouveau club, avec ces douleurs. La tête le voulait, je me sentais prêt, mais mon corps n’en pouvait plus. J’avais besoin de repos. Avec ces cadences, l’âpreté du championnat, on a quatre semaines off… En vérité, on coupe grand maximum deux semaines sinon on n’assume pas la préparation. Mon corps ne me suivait plus. Avec les blessures contractées par certains mecs, j’étais sur le terrain tous les week-end. C’est ça qui a été dur… Il y avait une immense frustration. Je ne pouvais pas apporter à l’équipe sur le terrain, ni mon expérience en dehors.

Avez-vous changé quelque chose dans vos habitudes ?

J’ai eu une discussion avec le staff. Je ne sais pas faire semblant. Les mecs l’ont vu, même vous avez dû le voir (rires)… Quand je n’ai pas le sourire (il coupe et fait la moue). J’avais accumulé énormément de frustration. Je ne triche pas. Ils l’ont vu, on a discuté. On a eu des entretiens. Ils avaient de grandes attentes, et moi aussi j’ai de grosses attentes. J’ai été moins bien, c’est un fait. On a passé un accord, qui restera entre nous, dans le but de mieux me sentir. Depuis, je n’ai fait que monter. On a tourné la grande partie de la saison à deux avec Bruce (Devaux) puisque J-B (Gros) et Flo (Frésia) ont été longuement blessés. On a serré les dents pour tenir toute la saison. Avec la répétition, ça l’a fait.

Est-ce que l’on peut trouver une explication également au fait que vous n’ayez pas eu votre chance avec le XV de France, en novembre, alors qu’avec les blessés, une place de titulaire semblait s’offrir à vous ?

Ah… Ça a été compliqué. C’est sûr et il ne faut pas le cacher. Moi, je suis joueur de haut niveau et quand tu l’es, tu es compétiteur. Quand je suis appelé, je suis heureux et c’est une immense fierté. Il faut le dire avant tout, le XV de France est le graal. Quand tu fais partie des mecs qui sont appelés, c’est une chance, ça récompense le travail. Quand je suis arrivé, ils ont fait rapidement un choix. Je ne vais pas vous dire que j’étais content, je ne vais pas vous dire : « C’est génial ! » J’ai eu une grosse frustration à gérer. Ils ont eu la franchise de prendre le temps de discuter. Ils ont expliqué leur décision. C’est leur choix. Je l’accepte, et surtout, je le respecte. Peu importe les choix, je dois montrer que je suis là. Je bosse toujours plus pour leur montrer qu’ils peuvent compter sur moi pour le plus haut niveau et porter ce maillot.

Au niveau de votre adaptation au RCT, est-ce qu’il y a une facette du club qui vous a surpris ?

Toulon est un public très demandeur. Il y a des attentes. Je ne vais pas vous cacher que j’ai été un peu frustré parfois par le public. J’attendais que ce public soit plus présent à Mayol. Après, c’est un public exigeant. Les supporters veulent que ça gagne. Une équipe de rugby a besoin de son public. J’ai eu le sentiment, sur certains matchs, où ils étaient légitimes d’être en colère, voire déçus. J’ai pu comprendre que l’on n’ait pas eu la volonté de nous accompagner mais… On a toujours besoin d’eux dans le bon et le dur ! Sur certains matchs, arriver à Mayol et voir 7000-8000 supporters, ça a été frustrant. Il y a eu un engouement autour de ce trophée. Le groupe s’est battu pour l’amener à la ville et au club. C’est un trophée, et il manquait dans l'armoire. J’aurais voulu un peu plus de monde pour partager ce moment tous ensemble. En tant que joueur, qui arrive de l’extérieur, j’ai vu les vidéos du Toulon en feu quand ça gagne. J’ai grandi avec ça.

On vous écoute…

Je parle en tant que nouveau. J’ai vu La Rochelle, maintenant, je vois Toulon. Il y avait cette frustration parce que ce public peut être incroyable. On a fait des arrivées sur l’avenue des Légendes, c’était fou ! Ces mecs sont des fous. Si on a ça toute la saison… J’ai envie de leur dire qu’on se bat le week-end pour eux ! On se bat pour le groupe, mais aussi pour apporter de la fierté à la ville. Il y a eu des matchs où le public était légitime de ne pas nous suivre. Ils peuvent être déçus, mais on a quand même besoin de ce soutien permanent. Quand il y a de la ferveur, c’est l’un des plus beaux publics au monde.

On vous sait croyant, il faudrait un miracle pour voir Toulon en phase finale avant ce match face à l’UBB. Comment le groupe aborde-t-il ce match ?

Je vais parler clairement et simplement : on a un match contre Bordeaux-Bègles, ce dimanche, et il est clair qu’on va le jouer à fond. On ne va pas se poser de questions sur les autres. Ça, on ne maîtrise pas et on ne sait pas ce qui va se passer. On fera les comptes à la fin. On aurait pu et surtout dû se mettre dans de meilleures conditions. Maintenant, on s’est mis dans des conditions délicates. C’est notre faute. Il va falloir finir cette saison, et bien la finir. Il y aura une belle équipe en face, qui voudra accrocher un barrage à domicile. Surtout, au-delà du classement, on a des mecs qui partent et deux immenses joueurs qui vont finir leur carrière. Ils finissent avec un titre, c’est énorme !

Un petit dernier mot pour eux...

Sergio et Basta, ce sont des légendes du rugby. Ils cumulent quelques titres (rires). Bastareaud a tout gagné avec le même club. Il a le plus beau palmarès de l’histoire d’un joueur de Toulon. Vous vous rendez compte ? Il a tout gagné, tu ne peux rien lui enlever. C’est un truc de malade. Sergio, à 40 piges, est le premier en salle de musculation avec ses étirements. Basta, à 6 heures du mat’, tu te demandes ce qu’il fout ici alors qu’il a déjà fait du vélo chez lui. Ce sont des exemples pour les joueurs et le club. On se doit de bien finir pour eux. Bon, j’ai parlé énormément non, c’est fini (rires) ?
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