Trois jours durant, la ville de Saint-Sébastien a fait vivre à ses dizaines de milliers de pèlerins quelques tranches de vie inoubliables. Ce week-end fiévreux, sauvage, le voici conté dans ses grandes lignes…
Saint-Sébastien est une diva. Élégante à pleurer, chic à se damner et probablement un peu snob, aussi. De la Belle époque, "San Sé" a gardé une architecture raffinée, surannée, qui attire à elle toute la jet-set espagnole et, la nuit tombée, les plus fiers noceurs du Pays basque Nord. Franco, qui persécuta les Basques pendant près de quarante ans, y avait même ses habitudes en été. "La ville était, dans ces moments-là, parsemée de gardes civils", se souvient Miguel, fils d’un pêcheur du Gipuzcuoa, aujourd’hui cadre technique à la Fédération basque. "Nous avons connu périodes plus heureuses…" Le Caudillo a rendu l’âme, sa dictature avec lui. Ceux qui les ont combattus, les Etarra des années 70 et 80, ont dernièrement posé les armes et à Donosti (Saint-Sébastien, en langue euskara), on coule aujourd’hui une vie paisible, le long des plages de la Concha, sur les chemins tortueux du mont Igueldo ou dans la fournaise des bars à tapas de la Parte Vieja, le vieux quartier de la cité.
Le rugby ? Il survit quant à lui au nord de la ville, dans une zone urbaine, bétonnée, à quelques pas de la place Astigarragua. Là-bas, l’Atletico San Sebastian, un club omnisports assez huppé, a été fondé dans les années 50. La section ovale, elle, n’a vu le jour qu’en 1964 sous l’impulsion de quelques pionniers venus, pour la plupart, de l’autre côté des Pyrénées. Aujourd’hui lestés de deux cents licenciés et d’une équipe féminine, les dirigeants de l’Atletico se battent au quotidien pour que subsiste, en terre de ballon rond, le sport qu’ils défendent depuis plus de quatre décennies.
Les missionnaires de l’Hegoalde
Ici, beaucoup sont donc convaincus qu’il ne manque au rugby d’Hegoalde (Pays basque Sud) qu’une étincelle, un déclic pour qu’il prenne enfin la dimension à laquelle il aspire depuis les années 70, date à laquelle remontent les premiers échanges entre cette région de l’Espagne (là où l’ovale est le plus implanté) et le Sud-Ouest de la France. Gabriel, ancien arrière de Saint-Jean-de-Luz et dirigeant à l’Atletico San Sebastian, nous avait, un jour, expliqué à ce sujet : "Nous sommes tous persuadés qu’une grande entité basque mettrait un coup d’accélérateur incroyable au rugby de ce côté de la frontière. Le grand club basque serait comme un phare qui attirerait licenciés et sponsors. Je regrette que ceux qui prônent le rapprochement entre le rugby du Sud et celui du Nord ne l’aient pas encore assimilé…"
Qu’on le veuille ou non, le Gipuzcoa et la Biscaye (région de Bilbao) sont deux des régions les plus riches d’Espagne et, dans l’éventualité où le grand club basque devenait un jour davantage qu’une chimère, plusieurs multinationales basées en Pays basque Sud se joindraient peut-être au projet. Ne dit-on pas qu’en 2015, au moment même où Manu Mérin (alors président de l’Aviron bayonnais) et Serge Blanco (à la tête du BOPB) furent à deux doigts de signer l’accord de fusion, que le géant Euskaltel (retiré du cyclisme depuis 2013) avait passé un accord avec les deux hommes ?
Les litres de sagarno…
Quels que soient les projets d’avenir de la balle ovale en Hegoalde, Saint-Sébastien a récemment fait vivre aux détenteurs de billets de ces demi-finales trois jours intenses, fiévreux et à bien des titres inoubliables. Car il fallait les voir, sur les plages de la Concha ou aux abords d’Anoeta, ces milliers de pèlerins grimés de rouge, de jaune, de noir, de grenat ou de bleu, secouant ce petit bout de terre avec l’ardeur des possédés. Il fallait les entendre, sur le port, ces dizaines de gonzes improvisant, une blonde calée entre les pognes, une danse de sabbat autour de quelques fumigènes…
La nuit venue, quand le cagnard du Gipuzcoa baissait enfin d’intensité, les rugbyphiles de tout bord, qu’ils soient originaires d’Occitanie, d’Ile-de-France, de Gironde, de Charente-Maritime, du Var ou même d’Auvergne (il faut croire que certains ont plus la foi que d’autres…), s’entremêlaient gaiement sur les pavés du Vieux quartier, noyant la désillusion du jour dans des litres de sagarno (le cidre basque) ou célébrant leurs champions jusqu’à que le jour ne se lève… ou que mort s’en suive. Franchement ? C’était bien, c’était beau, c’était torride et ça nous fit réfléchir à trois choses : la première est une interrogation fondamentale et demande, in fine, pourquoi la Ligue a-t-elle attendu sept ans, après la finale du Camp Nou de Barcelone, pour traverser une nouvelle fois les Pyrénées ; la deuxième est une intime conviction et souligne, en fait, que le grand barnum des demi-finales a largement supplanté chez nous le bouquet final du Stade de France, lequel a un besoin urgent de se réinventer ; la troisième est une proposition de loi et s’écrit simplement ainsi : ce qui se passe à San Sebastian reste à San Sebastian, nere lagunak*…
* Mes amis
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