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Finale Top 14 - Jack Willis (Toulouse) : "J’ai vécu une saison de dingue"

Par Jérémy Fadat
  • Jack Willis raconte sa saison folle, entre départ précipité, prolongation à Toulouse et sélection avec le XV de la Rose.
    Jack Willis raconte sa saison folle, entre départ précipité, prolongation à Toulouse et sélection avec le XV de la Rose. Icon Sport - Abaca
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Contraint de quitter les Wasps en novembre après la faillite de son club de toujours, le troisième ligne Jack Willis a traversé des derniers mois fous, qui l’ont vu débarquer à Toulouse où il a prolongé pour les prochaines saisons et gagner sa place avec le XV de la Rose. L'Anglais peut même finir avec un titre de champion de France samedi soir...

Tout le monde, au Stade toulousain, se dit impressionné par la vitesse à laquelle vous avez réussi à vous exprimer en Français…

Oh, je n’irais pas jusque-là. Je suis toujours en train d’apprendre. Vous savez quoi ? Je sors à l’instant de mon cours de français (l’entretien a été réalisé lundi après-midi, NDLR). C’est une langue difficile à maîtriser mais j’ai décidé, depuis mon arrivée, de me donner à fond. Je voulais que ça aille le plus vite possible, c’était essentiel pour que je me sente bien dans mon rugby et en-dehors. Ça m’aide beaucoup.

Quelle est la phrase que vous répétez le plus souvent en français ?

(Il éclate de rire) C’est une bonne question, je n’y ai jamais réfléchi. Parfois, quand on me demande quelque chose, je réponds : "Oui, pas de problème." En fait, je me rends compte que je le dis très souvent ! Bon, j’ai aussi appris beaucoup de gros mots mais aucun que je ne peux prononcer dans cette interview…

Vous êtes arrivé à Toulouse fin novembre et vous semblez vous y épanouir. Est-ce le cas ?

Tout à fait. Toulouse est une magnifique ville et je joue dans une équipe formidable. Je me sens très heureux d’avoir signé dans un tel club. Porter le maillot du Stade toulousain, c’est quand même l’assurance de disputer des grands matchs, comme celui qui nous attend ce week-end.

Est-ce donc à la hauteur de vos attentes ?

Quand vous quittez un environnement familier, que vous vous installez pour la première fois dans un nouveau pays et que vous découvrez un autre rugby, vous ne pouvez jamais vraiment savoir comment ça va se passer. Mais j’ai vite été rassuré par la manière dont j’ai été accueilli au Stade toulousain. J’en suis reconnaissant car mes partenaires m’ont vraiment aidé.

D’ailleurs, ils répètent que c’est comme si vous étiez là depuis des années…

C’est gentil et ça me fait plaisir de l’entendre. Les joueurs ont été géniaux avec moi d’entrée, les coachs aussi. Ils ont été à mon écoute, ont tout fait pour que je me sente bien, notamment dans le système de jeu.

Votre départ des Wasps, votre club de toujours, après sa faillite ne fut-il pas trop précipité ?

Si. En fait, j’ai mis du temps à vraiment réaliser ce qu’il se passait et j’étais parti à un camp d’entraînement de l’Angleterre quand tout s’est accéléré. C’est finalement arrivé très vite et j’ai donc dû regarder dans l’urgence quelles opportunités s’offraient à moi. Ce n’était pas simple à vivre mais Toulouse était le meilleur endroit pour moi et pour ma famille. Nous nous sommes vite rendu compte que nous avions raison, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai récemment décidé de prolonger mon aventure ici. En y repensant, c’est très triste la manière dont ça s’est fini aux Wasps mais, quand je me retourne, je sais que j’ai de grands et beaux souvenirs là-bas. Maintenant, je me concentre sur mon futur avec Toulouse.

Mais vous êtes un enfant des Wasps. Vous imaginiez-vous porter un autre maillot un jour ?

Franchement, non. Je pense sincèrement que, si les Wasps n’avaient pas connu cette banqueroute, j’y serais encore et j’y aurais probablement passé toute ma carrière. Surtout que je jouais avec mon frère (Tom, qui a signé au même moment à l’Union Bordeaux-Bègles), dont je suis très proche. Mais, pour lui comme pour moi, il n’est plus l’heure de regarder derrière. Je veux avancer et, si ce malheureux épisode aux Wasps n’était pas arrivé, je n’aurais jamais eu l’occasion d’évoluer dans cette superbe équipe toulousaine et de préparer un match aussi énorme qu’une finale de Top 14.

À quel moment vous êtes-vous vraiment dit que Toulouse était le bon endroit pour rebondir ?

Je crois que c’est lors de mon premier match à domicile. C’était contre Perpignan (le 3 décembre 2022, NDLR) et il y avait une telle atmosphère au stade, je n’avais jamais vu ça… En Angleterre, ce n’est pas du tout la même ambiance autour des matchs. Je n’en croyais pas mes yeux, je n’en revenais pas à quel point c’était cool. J’en ai parlé avec ma femme, qui m’a dit : "C’est extraordinaire." Nous étions tous deux séduits. On a compris que ça pouvait marcher pour nous, qu’on avait de grandes chances d’être heureux dans les semaines et les mois suivants. Cela m’a convaincu de faire de mon mieux pour rester ici.

Avez-vous été surpris par la passion autour du club ?

Un peu, oui. Le Stade toulousain a tellement de supporters partout. Et ils sont fous ! Ils font tant de bruit quand ils sont là. En tant que joueur, se retrouver au milieu de ça, c’est unique. Les entendre toujours pousser autant derrière nous, quel que soit le résultat, c’est vraiment spécial. En Angleterre, il y a aussi de bons clubs et de jolis publics, mais rien de comparable. Je le répète, je n’avais vécu ça auparavant.

En Angleterre, la culture est de suivre le plan de jeu à la lettre alors qu’à Toulouse, le staff incite les joueurs à prendre des initiatives, à sortir parfois du cadre. L’adaptation n’a-t-elle pas été dure ?

C’est vrai, le rugby est extrêmement structuré sur tout ce qui touche au jeu en Angleterre. À Toulouse, c’est différent. Les structures sont moins rigides et c’est beaucoup plus… (il hésite) "Jouez, jouez, jouez" (il le dit en français, NDLR). Cela m’a poussé à franchir un cap, à travailler davantage ma technique individuelle pour jouer debout, faire la passe en mouvement. L’idée, c’était de me rapprocher du style et du niveau des autres joueurs en attaque.

Mais c’était nouveau pour vous. Prenez-vous du plaisir dans cette philosophie de jeu ?

Absolument. Sur le plan offensif, c’est un régal de jouer comme nous le faisons, de faire partie de ce système. Ici, tous les joueurs ont le sourire aux lèvres quand ils ont le ballon entre les mains. Notre rugby est agréable à observer et à pratiquer.

Clément Poitrenaud disait le week-end dernier que, par votre côté combattant, vous possédiez un profil que Toulouse n’a pas l’habitude d’avoir…

(Gêné) Vraiment, il a dit ça ? Tant mieux, c’est très gentil de sa part. Je comprends ce qu’il veut dire mais, de mon côté, je prends aussi beaucoup de plaisir à découvrir un autre rugby.

La présence au club de Thibaud Flament, que vous avez côtoyé aux Wasps, a-t-elle été décisive ?

Oui, j’ai d’ailleurs eu un échange avec Thibaud avant de signer. Il m’a raconté à quel point ce club était super et ce qui pouvait ressembler aux Wasps. Il m’a affirmé que Toulouse était la parfaite opportunité à saisir. C’était une chance qu’il soit là.

Mesurez-vous combien votre saison est folle ?

Je pense attendre que la finale soit passée pour vraiment me retourner et essayer de comprendre tout ce qu’il m’est arrivé en quelques mois. Là, ma seule obsession, c’est de remporter le Top 14.

N’êtes-vous pas trop triste de ne pas retrouver votre frère Tom au Stade de France ?

Si, cela aurait été tellement bien. J’y ai évidemment pensé le week-end dernier. J’ai regardé sa demi-finale à la maison parce que nous sommes repartis après la nôtre. Mais La Rochelle a fait un très bon match et c’était un peu trop dur pour Bordeaux de revenir au score.

Antoine Dupont est un joueur exceptionnel, il sait absolument tout faire avec un ballon de rugby. Lui, je sui sbien content de l'avoir dans mon équipe et pas celle d'en face.

Que représenterait un titre de champion de France ?

(Il soupire) Vous l’avez dit, j’ai vécu une saison de dingue. Cela permettrait de la terminer d’une manière fabuleuse, avec cet incroyable club dans lequel j’ai décidé de venir et où j’ai choisi de rester… Avec tout ce qui est arrivé, ce fut une année très intense sur le plan émotionnel pour moi. Vous vous rendez compte ? De mauvaises choses me sont tombées dessus aux Wasps, et je me retrouve au Stade toulousain, où j’ai l’occasion de remporter un trophée avec un groupe de mecs formidables. Y parvenir, ça représenterait tellement pour moi…

Le défi toulousain sera immense face au pack rochelais. Est-ce le meilleur en Europe ?

En tout cas, il est extrêmement physique. Il possède plusieurs joueurs très forts, très denses et donc très impressionnants sur les mauls portés ou en mêlée. Mais notre paquet d’avants a fière allure aussi et nous serons bien préparés. En faisant les choses comme il faut, on pourra rivaliser.

Depuis la blessure d’Anthony Jelonch, sentez-vous que votre importance est d’autant plus capitale, notamment dans la dimension physique ?

"Antho" est un joueur très spécial. Je peux vous dire qu’en défense, il met des impacts énormes aux adversaires et les repoussent de façon autoritaire ! Il est capable de faire des choses que je ne peux pas faire. Mais je donne tout pour apporter mes qualités dans l’équilibre de la troisième ligne.

Vous partagez le quotidien d’Antoine Dupont. Est-il aussi impressionnant chaque jour ?

Oh oui ! C’est un joueur exceptionnel, il sait absolument tout faire avec un ballon de rugby. Lui, je suis bien content de l’avoir dans mon équipe et pas dans celle d’en face (rires).

Est-il le meilleur joueur avec qui vous avez évolué ?

En tout cas, il est définitivement l’un des plus complets que j’ai pu croiser. Son talent est immense. De manière générale, c’est un privilège de jouer avec lui et de partager le quotidien d’autant d’internationaux à Toulouse. Ce sont des mecs de très haut niveau et c’est une des raisons qui m’a poussé à rester ici. À leur contact, je progresse tous les jours.

Mais vous les aviez en face lors de la défaite historique (10-53) de l’Angleterre face aux Bleus, à Twickenham, en mars…

Ils étaient trop forts. Disons plutôt qu’ils ont très bien joué ce jour-là et que, de notre côté, nous étions loin de notre meilleur niveau. Maintenant, l’Angleterre a sa Coupe du monde à préparer et doit tirer les leçons de cette défaite. Si nous recroisons la France, j’espère que nous serons bien meilleurs.

Malgré ce lourd revers, vous avez gagné votre place de titulaire avec le XV de la Rose durant le dernier Tournoi des 6 Nations…

Objectivement, excepté ce match contre la France, le reste du Tournoi a été très positif. Je me suis régalé et j’étais ravi de faire partie du nouveau projet, de l’équipe mise en place par Steve Borthwick. C’était vraiment plaisant de jouer en sélection autant que je l’ai fait sur cette période.

Avez-vous déjà la Coupe du monde en tête ?

J’espère vraiment que je serai retenu. Mais je n’ai pas encore envie d’y penser. Mon objectif, c’est la finale de Top 14. Après, je regarderai ce qui va arriver derrière.

Vous avez donc choisi de prolonger à Toulouse. était-ce une évidence ?

J’ai eu besoin de quelques semaines pour être au clair sur la décision que je devais prendre. Mais, entre l’accueil ici, le sentiment d’être meilleur chaque jour et l’avis de ma petite amie, je sais que je suis à ma place pour les trois prochaines années.

Même si vous n’êtes toujours pas fixé sur votre avenir international après la Coupe du monde…

S’il y a bien un facteur qui a rendu la décision plus difficile à prendre, c’est celui-là. Mais, dans mon esprit, il fallait que je donne la priorité au club dans lequel je joue tous les jours.

Si vous soulevez le Bouclier de Brennus samedi soir, pour qui seront vos premières pensées ?

Ma petite amie, que j’irai directement voir puisqu’elle sera au match. Et ma famille ensuite. Ils ont été là pour moi, m’ont soutenu et aidé dans les moments durs cette saison. J’adorerais célébrer ça avec eux.

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Les commentaires (1)
Virgule Il y a 10 mois Le 16/06/2023 à 20:28

good for him un très grand rugbyman pleins de promesse j'espere le voir dans le XV de la Rose pour le mondial il le merite