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Finale Top 14 - Reportage. Au plus près des chocs : la finale Toulouse - La Rochelle vécue du bord du terrain

  • La joie des Toulousains sur l'essai de Romain Ntamack
    La joie des Toulousains sur l'essai de Romain Ntamack Midi Olympique - Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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C’est un privilège unique qui nous a été offert, samedi au Stade de France. Celui d’assister à la finale au plus près des acteurs, au ras du gazon et juste derrière les bancs de touche. De quoi ressentir au plus vrai l’intensité extraordinaire d’une finale, et vous la faire partager…

Un sombre individu, faiseur de présidents de son état et pas vraiment embarrassé par son humilité, eut un jour l’étrange illumination selon laquelle « si à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ». Alors, pardon de nous montrer plus arrogant encore, mais on enchérira désormais en affirmant que celui qui n’a pas vécu avant ses 40 ans une finale de Top 14 au bord du terrain a lui aussi manqué la sienne. Parce qu’il faut vraiment voir, pour y croire, à cette mécanique si bien huilée que décrit Julien Telecki, responsable des compétitions de la LNR. « La finale au Stade de France, c’est un défi technique énorme qui consiste d’abord à enchaîner le match des cadets puis celui des grands. Ensuite, il s’agit de faire cohabiter deux réalisations TV, en faisant en sorte que tout reste le plus fluide possible. Le rendez-vous était important : il s’agissait de montrer, en avant-première de la Coupe du monde, que le rugby français était capable d’organiser de grands événements. Et l’affiche s’y prêtait, avec pratiquement toute l’équipe de France sur le terrain. »

Top 14 - L'entrée des Rochelais et des Toulousains en finale
Top 14 - L'entrée des Rochelais et des Toulousains en finale Midi Olympique - Patrick Derewiany

Difficile de mieux le dire. On n’ira pas donc pas plus loin, ici, avant de remercier tous ceux qui, membres de la Ligue ou collègues de travail, ont permis à un grand môme de réaliser un rêve de petit garçon. Parce qu’il faut vraiment, on peut en jurer après vingt ans de carrière à écumer les plus beaux terrains du monde, avoir le bonheur de descendre de son perchoir pour saisir enfin la bestialité de la chose. Et la beauté de l’événement. Pour sentir de toute son âme, de toutes ses tripes, les vibrations d’un stade au moment des hymnes, capables de remuer tout un corps jusqu’à lui chatouiller les glandes lacrymales. Pour saisir, au fur et à mesure d’un protocole toujours plus solennel, toujours plus spectaculaire, son cœur s’accélérer aux limites de la tachycardie, et battre la chamade si fort au point de sentir les jambes flageoler dans les dernières minutes. Pour apprécier la vitesse de replacement et de déplacement des acteurs, la qualité de leur communication, la méticulosité de leur organisation. Pour comprendre, au plus près, la violence autant que la beauté d’un affrontement sauvage entre gladiateurs qui se respectaient profondément. Entre géants de ce jeu qu’ils étaient tous, de Will Skelton à Antoine Dupont, de Grégory Alldritt à Jack Willis, de Tawera Kerr-Barlow à Emmanuel Meafou. Car de ce choc tellurique, de cette gigantesque tectonique des packs, il aurait fallu être bien sourd ou aveugle pour ne pas recueillir, à fleur de gazon, mille petites histoires…

Le bruit du genou de Meafou

Au rayon de l’anecdotique ? Il y eut, d’abord, cette drôle de scène qui vit Jack Willis jouer en chaussettes pendant deux minutes, la faute à un arbitrage sans doute trop zélé de M. Trainini qui voulut respecter le règlement à la lettre, et refusa d’arrêter le chronomètre pour donner à l’Anglais le temps de se rechausser. De quoi provoquer évidemment la colère du banc toulousain, pendant que celui de La Rochelle était davantage préoccupé par la commotion de Levani Botia. On peut en effet attester sur l’honneur avoir entendu, malgré le brouhaha de 80 000 spectateurs et un éloignement d’une vingtaine de mètres, le bruit du coup de genou involontairement donné par Meafou à la tête du Fidjien. Imaginez un peu la décharge… Autant dire que son retour sur le banc, en pleine santé, fut salué par un soulagement sincère par ses coéquipiers, avant de rapidement se recentrer sur le jeu. « Allez « Lep’s », surtout discipline, discipline ! », lui glissait ainsi Thomas Lavault au creux de l’oreille, avant d’exploser comme tous ses coéquipiers sur l’essai de l’espoir inscrit par Kerr-Barlow.

Anecdote : En « présence » de Mathias et Aléandro

On avoue ne pas être un fervent adepte des intelligences artificielles. Mais il serait absurde de ne pas concéder que les avancées technologiques ont du bon lorsqu’elles sont utilisées à bon escient, comme ce fut le cas lors de cette finale… On en veut pour preuve cette initiative prise par la LNR en partenariat avec la marque de robotique Awabot : celle de permettre à des enfants malades d’assister eux aussi, depuis leur lit, à la rencontre depuis le bord de la pelouse, grâce à un robot leur permettant de se « déplacer » virtuellement au bord de la pelouse aussi bien que d’interpeller les acteurs. C’est ainsi notamment que le jeune Aléandro (9 ans), supporter de la Rochelle, ainsi que Mathias (17 ans), ce jeune Bagnérais fan de Toulouse devenu tétraplégique à la suite d’un plaquage, ont pu assister à la finale. De quoi permettre aux joueurs de leur adresser en direct toutes leurs pensées, à l’image notamment d’Ange Capuozzo, avec qui on surprit Mathias en grande conversation avant le coup d’envoi… N. Z.

De quoi, pour les Rochelais, regagner les vestiaires au pas de course avec le moral gonflé à bloc, avant que la partie n’en prenne un tour plus épique encore, poussant les joueurs dans leurs plus extrêmes retranchements, que ce soit sur le plan technique, physique ou mental. Pour la plus grande joie des uns. Pour la plus immense détresse des autres où colère, déception et injustice se mêlaient, à l’image d’un Romain Sazy qui, pour le dernier match de son immense carrière, avait manifestement beaucoup de choses à reprocher à M. Trainini au coup de sifflet final. À commencer par ce choix d’avoir ordonné cette mêlée après la commotion subie par Lespiaucq-Brettes, alors que Romain Ntamack s’était semble-t-il isolé, et que tout laissait à penser qu’il allait être sanctionné d’une pénalité…

La double prédiction de Mola

C’est alors, on le sait, que le match se hissa dans la légende. Au bout d’une action longue d’une minute et 43 secondes qui sembla durer le triple, tant les cœurs et les respirations du banc toulousain donnaient l’impression de s’arrêter à chaque ruck, jusqu’à l’ouverture finale vers le paradis. Y croyait-il vraiment ? On l’ignore mais, on l’assure, Ugo Mola avait eu 10 minutes plus tôt cette réflexion à notre adresse, ou nous voyant lui adresser une moue un brin dubitative : « Si on parvient à tenir le ballon au moins une fois, on va gagner. » Pari gagné, dans un vacarme si assourdissant qu’on se rappellera longtemps du tremblement de terre ressenti sous nos pieds lorsque les Toulousains laissèrent exploser leur joie, à l’image d’un Mola dont le sprint fou d’une trentaine de mètres, seul en direction de son propre en-but, le ramena très vite à des pensées plus concrètes. « « Juan-Chi », ils vont jouer la récupération au milieu du terrain, il faut que tu nous la prennes », anticipait le manager à l’adresse de son ailier argentin, pour mieux sécuriser le dernier renvoi d’Antoine Hastoy. Bingo…

C’est ainsi que Romain Ntamack put libérer tout un peuple, et que Saint-Denis bascula dans l’hystérie. Qu’une véritable ruche se mit à bourdonner aux quatre coins de la pelouse pour réunir, en un tour de main, tout le matériel nécessaire à l’installation des plateaux télé et de la cérémonie de clôture. Un ballet réglé à la perfection dans un chaos total, dantesque, brindezingue. Véritable épreuve pour les sens, entre une vue éblouie par les jeux de lumière et les feux d’artifice tirés comme une voûte étoilée au-dessus du Stade de France, une ouïe agressée par une sono démoniaque, un odorat attaqué par différents effluves de sueur, de sang et de fumée pyrotechnique, le goût des premières bières décapsulées à même la pelouse et, bien sûr, le toucher. Si incontournable. Si essentiel. Parce qu’il était temps, à cet instant, de se resserrer. Pour les vaincus, au moment d’affronter la détresse ensemble. Et pour les vainqueurs, à l’heure d’aller cueillir ce damné bout de bois au sommet des tribunes. Si loin, si haut, qu’on aurait pu en rester encore longtemps rêveur, si un vieux sage comme Émile Ntamack n’était pas venu nous tirer de notre délire onirique et sensuel. « Ce qui est arrivé aujourd’hui est la meilleure chose possible pour le XV de France, nous glissait à l’oreille le père du héros du jour. La Rochelle est un beau champion d’Europe, Toulouse est redevenu celui de France. Et ensemble, maintenant, ils doivent aller conquérir le monde. » Impossible d’imaginer plus juste conclusion…

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Les commentaires (2)
BouzignacMichel Il y a 10 mois Le 20/06/2023 à 04:07

Très bel article ! J'étais avec vous au bord de touche en vous lisant ! Bravo !

fojema48 Il y a 10 mois Le 18/06/2023 à 22:55

Emile N'Tamack a parfaitement raison