L'édito : Beauté fatale
On ne va pas se mentir : la finale tant attendue n’a pas accouché d’une extase de rugby, voire d’un match à l’envergure folle qui se serait joué toutes voiles dehors. Comme il fallait s’y attendre, les retrouvailles des Stades nous ont d’abord offert un affrontement colossal, qui manqua parfois d’ampleur jusqu’aux dernières secondes et la folle cavalcade de Romain Ntamack signant un trait de génie à la beauté fatale, si injuste pour les Rochelais.
En libérant les siens, l’ouvreur stadiste a confirmé l’étendue de son talent, de ses pouvoirs magiques qui l’ont fait transformer le plomb en or et de sa capacité à dessiner les contours d’un chef-d’œuvre digne de celui qu’avait réalisé Denis Charvet en 1989. Ce sont ces moments de lumière, l’émotion et le frisson partagés qui font la grandeur du sport et qui signent le bonheur exclusif d’aller au stade. Pourvu que ça dure jusqu’en octobre prochain. Et pourvu que ça infuse chez les Bleus…
Mais cet essai de soliste à la grâce sublime ne raconte pas seulement la part du talent individuel dans le dessein collectif, ou la chance française de pouvoir s’appuyer sur une telle génération flamboyante en vue du Mondial. Il nous dit aussi combien le Stade toulousain reste un finaliste à part : rarement repu par ses succès, il est animé par un instinct de victoire et cette hargne qui semble se transmettre de génération en génération.
Résultat, les Rouge et Noir collectionnent les Brennus (22 remportés en 31 finales) et les autres constatent les dégâts. L’an dernier, au moment des phases finales, l’un d’eux nous avait confié : "On bat rarement le Stade toulousain en finale. C’est possible en demi-finale, mais après cela relève de l’exploit…" L’exploit des Rochelais est passé tout près et voilà Toulouse, dans une sorte de logique implacable, qui jaillit du néant pour remporter une finale mal embarquée.
C’est une question de caractère, d’ambition, d’habitude, de confiance et de croyance aussi parce que les partenaires de Dupont savent que c’est possible. Ce n’est certes pas un apanage rouge et noir, mais c’est clairement un savoir-faire maison assumé et savamment cultivé, qui influe autant sur le moral des troupes que sur le mental de leurs adversaires.
Les Rochelais ont ainsi été rattrapés par cette pression qui, jusqu’ici, leur avait glissé sur les épaules. L’issue est férocement cruelle. Puissent-ils se souvenir qu’ils ont eux-mêmes renversé le Leinster par deux fois dans les derniers instants de leurs finales européennes, et se convaincre qu’ils ont tout pour gagner en finale de Top 14, ces prochaines années. Avec le cuir tanné par cette rivalité appelée à durer et le goût du sang qui aura changé de bouche… Puissent-ils ne rien oublier.
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