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Coupe du monde rugby 2023 - Pierre Bourgarit : "Cette image de joueur qui râle a été un frein"

  • Pierre Bourgarit fait partie des trois talonneurs convoqués par Fabien Galthié pour la préparation de pré-saison à Monaco
    Pierre Bourgarit fait partie des trois talonneurs convoqués par Fabien Galthié pour la préparation de pré-saison à Monaco - Icon Sport
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S’il avoue avoir débarqué à Monaco avec la frustration de la finale perdue derrière lui, le talonneur maritime sait qu’il doit composer en bleu avec un statut de numéro 3 qui doit beaucoup à ses errements du passé, qu’il s’applique désormais à corriger au quotidien.

Dans quel état vous sentez-vous, alors que le stage de Monaco touche à sa fin ?

Forcément qu’après des journées comme ça, on s’est parfois demandé ce qu’on faisait là (rires). J’avoue, la préparation physique n’est pas ma partie préférée, mais c’est devenu partie intégrante du métier. On le sait. Alors, même si on râle un petit peu pendant les séances, on termine toujours en se disant que c’est bien de l’avoir fait.

Pas de quoi rêver de Thibault Giroud, alors…

Non… À côté de son travail, il est assez cool, donc ça va. Vous, vous ne voyez que ses mauvais côtés, mais on a les bons de temps en temps, ça nous aide à le supporter (rires).

Avez-vous une idée de ce que vous allez faire la semaine prochaine ?

Je ne sais pas… Je sais qu’il y a les Francofolies à La Rochelle, peut-être que j’y passerai faire un tour avec ma compagne dans le week-end ou lundi (l’interview a été réalisée jeudi après-midi, N.D.L.R.). Il ne s’agira pas à proprement parler d’une semaine de "repos" puisque nous allons avoir des devoirs à effectuer à la maison, mais c’est sûr que cette coupure est là pour nous faire du bien à la tête. On aura à faire à peu près les mêmes séances qu’ici, mais le faire chez soi, avec du temps libre à côté, ça permet de se déconnecter un petit peu et de faire le plein de fraîcheur. Sachant qu’après la finale nous n’avons pas eu une longue période de coupure, ça ne peut être qu’une bonne chose.

Mesurez-vous votre chance de pouvoir rentrer à votre domicile ou de bientôt partager avec votre famille le stage de Capbreton, alors que les précédentes équipes de France vivaient en vase clos pendant quatre mois ?

Comme il s’agit de ma première préparation de Coupe du monde et que je n’en ai pas forcément discuté avec les anciens, j’avoue que je n’en mesure pas trop la portée… Mais clairement, oui, c’est un luxe. Je pense qu’il s’agit aussi d’une adaptation du staff pour être le plus performant possible dans le contexte actuel, avec des saisons qui finissent de plus en plus tard. Les premiers tests-matchs arrivent dans un mois, la Coupe du monde dans moins de deux pour ceux qui auront la chance d’y participer… Ça ne laisse pas le temps de traîner, alors il faut s’adapter.

Vous parliez du contexte de la fin de saison. Un tout petit mois après, la frustration de la finale est-elle encore un peu présente ?

Non, sincèrement, la frustration est complètement évacuée, même si on croise des Toulousains tous les jours. Mais on est dans un autre contexte, avec d’autres objectifs. Il n’y avait pas le choix, de toute façon, il fallait très vite digérer cet échec. Bien sûr, quand on se connecte sur les réseaux, on revoit assez facilement des images de ce match puisqu’elles tournent en boucle, et c’est toujours douloureux. Mais bon, c’est fait, et on a désormais tiré un trait là-dessus. Les Toulousains sont plus des copains que des adversaires aujourd’hui, et il y a en plus beaucoup de respect entre nous. Personne ne se branche jamais par rapport à ça.

Pierre Bourgarit lors de la finale de Top 14 perdue face au Stade toulousain en juin 2023.
Pierre Bourgarit lors de la finale de Top 14 perdue face au Stade toulousain en juin 2023.

Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, on imagine toutefois que cette dernière action de la finale va vous trotter dans la tête… Vous en souvenez-vous ?

Oui, d’autant que j’étais sorti du terrain depuis quelques minutes, et que j’ai dû y retourner après le K.-O. de Quentin Lespiaucq, pile pour cette fameuse action… La séquence défensive était longue, parce que cela faisait quatre-vingts minutes qu’on était dans le rouge, pour le dernier match de la saison. Après… Je me souviens surtout que lorsque nous nous sommes retrouvés sous les poteaux, même si on se dit qu’il restait encore quelques secondes et un dernier ballon, tout le monde savait que ce serait très délicat. Toulouse sait gérer ces ballons-là. Et au coup de sifflet final, c’est très dur. Quatre minutes avant, tu te voyais grimper les marches du Stade de France avec le sourire, pas avec la gueule enfarinée… Mais, bon, malgré cela, on a tout de même réussi à faire un peu la fête entre nous, parce que la saison avait tout de même été belle, avec un titre à la clé. C’était moins difficile d’évacuer cette frustration, on va dire.

Dans cette optique, le fait de basculer deux semaines plus tard sur la préparation de la Coupe du monde n’a-t-il finalement pas été une chance ?

Dans notre malheur, on savait qu’on avait malgré tout la chance de ne pas être blessé et de pouvoir basculer très vite sur la Coupe du monde. Tout n’était pas noir. Ça a effectivement permis d’éviter de ressasser ces deux minutes pendant quatre ou cinq semaines, et il est certain que le fait d’arriver à Monaco quinze jours après la finale a contribué à passer à autre chose.

Au sujet de cette préparation, le poste de talonneur semble le seul où il n’y aura pas "d’éliminés" au moment du passage de 42 à 33. Cela vous offre-t-il un confort supplémentaire ?

Si on regarde les sélections sur les quatre dernières années et même sur toutes les Coupes du monde, il y a effectivement toujours eu trois talonneurs. On imagine donc forcément qu’il y en aura encore trois le 21 août, mais est-ce que ça amène vraiment de la tranquillité ? Pas vraiment… On n’est pas là à se dire : "C’est bon, on y sera" parce que si on se place dans cette perspective, on va forcément beaucoup moins s’investir, et aucun d’entre nous ne pense comme ça. Tous les trois, on est là pour s’engager à 100 % et repousser nos limites, afin de donner le meilleur pour nous autant que pour l’équipe. On y est aujourd’hui, c’est bien, mais on se dit que si on ne travaille pas fort, on n’y restera pas. C’est aussi simple que ça.

D’autant que Gaëtan Barlot effectue tous les efforts pour se rétablir, après sa terrible blessure…

Ça n’a pas dû être évident pour lui. Comme tout le monde, j’ai lu ce qu’il avait traversé. Je suis d’abord très heureux pour Gaëtan que sa blessure n’ait pas été beaucoup plus grave, parce que c’est un mec que tout le monde apprécie. Des images comme ça sont de celles qui marquent le rugby ces derniers temps, ce n’est malheureusement pas le premier à en subir une. Heureusement, cela a été plus de peur que de mal.

Sans vous faire injure, Julien Marchand et Peato Mauvaka sont aujourd’hui devant vous dans la hiérarchie au poste. Comment vous situez-vous par rapport à ce statut ?

Je suis arrivé à Monaco avec l’idée de me donner à 100 %, sans calculer. Je ne suis pas naïf : depuis que Fabien Galthié a pris en main l’équipe de France, il y a une hiérarchie qui s’est créée et je sais quelle est actuellement ma place. Toutefois, à chaque fois que j’ai la chance d’être appelé, je ne viens pas en me disant "je suis le numéro 3, c’est comme ça, il en faut un" et avec la seule idée de prendre mon mal en patience. Je viens là avec mes armes, mes qualités, mes défauts, et j’essaie de tout donner pour gagner du temps de jeu. Je sais que tout peut arriver, cela m’est encore arrivé il y a quatre mois… Évidemment, je ne souhaite la blessure de personne, mais je continue à travailler pour répondre présent si un jour le staff fait appel à moi.

Que vous a-t-il manqué pour bousculer cette hiérarchie au cours du mandat ?

Il est certain que cette image un peu négative du joueur qui râle et bougonne n’a pas forcément servi à faire pencher la balance de mon côté, à un moment donné… (sourire) C’était même plutôt un frein, clairement. J’en avais discuté avec le staff d’ici, aussi avec celui de La Rochelle. Mais bon… C’est aussi mon caractère, je n’ai jamais été le bon petit perdant et je ne le serai probablement jamais. J’essaie de travailler là-dessus en club, on a aussi la chance de pouvoir le faire avec les Bleus auprès de Roberta Antonini et Mickaël Campo. Il s’agit d’évacuer autant que possible ces mauvaises ondes et de l’exprimer différemment. Ça ne veut pas dire que mon tempérament a changé, simplement que j’essaie de l’exprimer différemment pour qu’il y ait le moins possible de répercussions sur le groupe.

Par quoi cela passe-t-il, en pratique ?

Par relativiser beaucoup de choses, d’abord. De prendre aussi sur moi, parce que tout ne peut pas venir comme ça. Le sentiment d’injustice, c’est vraiment quelque chose qui peut me faire bouillir. Quand on est sanctionné d’une pénalité que j’estime ne pas être méritée, j’ai tendance à l’exprimer de la mauvaise manière mais c’est justement là-dessus qu’il faut que je sois meilleur… Même si j’ai le sentiment d’y parvenir de mieux en mieux.

Le procès que l’on vous fait toujours est-il justifié ?

Il y a eu une période où ce procès était justifié. Aujourd’hui, j’ai davantage l’impression qu’il s’agit d’une étiquette qui me colle à ma peau. Et quand on a une étiquette, ce n’est jamais facile de la décoller… Je pense pourtant que mon comportement a considérablement évolué par rapport à ce qu’il était il y a encore deux ans. Le problème est qu’il faut peu de choses pour se bâtir une réputation, et un temps fou pour la faire changer… Alors, je ne m’attarde pas plus que ça sur les commentaires que je peux lire ici ou là. Je sais précisément où j’en suis, je me donne les moyens pour aller où je veux.

En ce qui concerne la conduite des mauls portés, Pierre Bourgarit est un maître en la matière
En ce qui concerne la conduite des mauls portés, Pierre Bourgarit est un maître en la matière

Où voulez-vous aller, alors ?

Ce qui m’obsède, c’est prendre du plaisir, et comme tout compétiteur, je prends surtout du plaisir en gagnant.

On vous sait fan de Harry Potter…

Oh p…, qui vous a dit ça ?

Vous-mêmes, il y a deux ans…

Ah, ça va. Je craignais que ce soit les collègues de La Rochelle qui vous aient tuyauté, Greg Alldritt adore me mettre des pièces par rapport à ça. J’ai installé le jeu sur mon téléphone et j’y passe un peu de temps, alors je me fais pas mal chambrer pour ça… Mais j’assume. Je connais la saga pratiquement par cœur mais dès qu’elle repasse à la télé, je la re-regarde.

Si vous pouviez lui emprunter un sortilège aujourd’hui, quel serait-il ?

Oh, elle est compliquée, celle-là… (il marque un temps de réflexion) Je me dis que ce qu’on aime tous, c’est gagner des titres et faire la fête, non ? Il faudrait que je revoie les films, il y a peut-être un sortilège pour ça qui traîne !

La fête, c’est ce qu’il y a de magique dans le rugby ?

Ça a toujours fait partie des valeurs de ce sport, en tout cas. J’ai été bercé là-dedans, je viens d’une terre où il est inconcevable de ne pas lier les deux, où le bon vivre fait partie intégrante de la culture. Même si on doit aujourd’hui faire la fête avec modération, car les contraintes physiques sont de plus en plus importantes, on n’imagine pas chez nous un rugby sans troisième mi-temps. Ce n’est pas possible.

Vous avez connu les festivités sur le port de La Rochelle. Imaginez-vous ce que cela pourrait donner à l’échelle d’un pays ?

Ouais, j’imagine un peu… Mais on en est encore loin, très loin. Avant de songer à cela, il y a encore beaucoup d’étapes à franchir, et il ne faut surtout pas commencer à rêvasser. Ce qui est certain, c’est que tous les efforts qu’on consent aujourd’hui, c’est pour arriver à ça.

On vous pose souvent la question, mais tout de même : avec des garçons comme Greg Alldritt, Antoine Dupont ou même Anthony Jelonch qui va peut-être revenir, mesurez-vous le chemin parcours depuis vos années auscitaines ?

Je n’ai pas la même relation avec Toto que peut l’avoir Greg, par exemple. On n’est pas de la même génération avec Antoine : la première fois où nous avons joué ensemble, ce n’est pas avec Auch, mais avec France U20… Mais c’est vrai qu’on ne prend pas le temps de se poser la question. Quand on est à fond dans le moment présent, tout passe à dix mille à l’heure et on ne mesure pas bien le chemin parcouru. Mais quand même, quand nous avons gagné la Coupe d’Europe avec Greg, nous nous sommes dit : "Tu te rends compte où nous étions il y a dix ans ?" Jamais on n’aurait imaginé en arriver là, ou alors par magie… Mais le fait est qu’aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir accomplir quelque chose d’encore plus immense, dont on pourra se rappeler jusqu’à la fin de nos jours. Si on y parvient, on aura tout le temps d’être nostalgique, mais pas maintenant…

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