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200 ans de légendes (29/52) - 1971, la transfusion Toulon - Nice

Par Jérome Prévôt
  • En 1971, Nice a changé de dimension.
    En 1971, Nice a changé de dimension. Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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En 1971, entre Toulon et Nice, on vit la transhumance la plus étonnante de l’histoire du championnat. Une dizaine de talents émigrent de concert dans le sillage d’André Herrero sur fond de polémique. Nice devint un nouveau bastion du rugby pendant une quinzaine d’années jusqu’à frôler le titre.

Entre le Var et les Alpes-Maritimes s’est joué l’un des tours de passe-passe les plus étonnants de l’histoire du rugby domestique français. En 1971, après une finale perdue face à Béziers, on vit dix joueurs du RC toulonnais quitter le club pour aller en deuxième division jouer sous les couleurs du RRC Nice, dont le plus célèbre de tous, André Herrero, capitaine et numéro 8, 33 ans et 22 fois sélectionné en équipe de France. Depuis les bisbilles entre Perpignan et Quillan dans les années 20, on n’avait jamais vu, ainsi, un club en siphonner un autre. Pourquoi en était-on arrivé là ? André Herrero entraîneur-joueur avait annoncé que la finale du championnat serait son dernier match. Il était en conflit avec ses dirigeants et empêtré dans une rivalité avec Christian Carrère, autre Toulonnais devenu en 1968 capitaine du XV de France vainqueur du Grand Chelem.

On disait Herrero saturé, désireux de couper avec le rugby et même de partir en Argentine. En 2020, Jean-Claude Ballatore, pilier du RCT nous avait expliqué que pour le remplacer, le RCT avait nommé deux entraîneurs qui ne convenaient pas à un gros noyau de joueurs. Une ambiance délétère s’installe avec une ville, Toulon coupée en deux, pro et anti Herrero. Dans sa biographie écrite par Jacques Verdier, André Herrero a parlé sans fard de cette période ultra-troublée. « La mairie s’est mise au milieu du débat et politise en quelque sorte l’affaire en laissant courir le bruit que les joueurs avides d’autogestion veulent monter un club de gauche. La situation était irrespirable, des frères se sont fâchés, des journalistes se sont retrouvés au placard pour nous avoir soutenus. » Herrero se prend le chou avec le maire, Maurice Arreckx en personne, et son bras droit Ange Sicardi.

La retraite sur une expulsion

Dans l’adversité, les dissidents décident de rester ensemble pour vivre une contre-aventure car un homme est venu à leur rencontre, Marcel Volot. Cet ex-international, devenu entraîneur à Nice, en deuxième division est mandaté par son président Alfred Méarelli, un prospère industriel. Il est prêt à engager tout le monde d’un coup… Les dix dissidents persuadent Herrero de les accompagner, le choisissant comme leur chef incontesté. Ce commando se retrouve embarqué dans une aventure rocambolesque et invraisemblable.

« Nous travaillions tous et habitions tous à Toulon. Nous allions deux ou trois fois par semaine à Nice, et nous faisions une séance supplémentaire entre nous à Toulon. » Plus fort, les transfuges s’entraînent en sachant qu’ils seront privés de la majorité des matchs car la FFR leur avait réservé une série de licences rouges. Tous ne pouvaient jouer en même temps. Arrivés à Nice, les Toulonnais changent de monde, l’ambiance est plus feutrée, la ville moins à leur dévotion. Mais la greffe va prendre, très vite, malgré les contraintes. Le pari est réussi, la bande à Herrero retrouve l’Elite et une place dans le gotha du rugby français. En plus, les Toulonnais exilés mettaient en point d’honneur à montrer qu’on pouvait faire du Toulon ailleurs qu’à Toulon. Le RCC Nice devient donc un bloc qui se motivait en interne. Dès la première année, les Azuréens forgent leur légende à l’issue d’un match infernal à Lavelanet (lire Midi Olympique du 9 avril 2020), un vrai western de Sergio Leone. Seule la pluie de sanctions qui en découla empêcha les Niçois de se qualifier.

André Herrero était à la baguette de cet équipage de corsaires. Sa présence écrasante valait un seizième homme. On avait la curieuse impression qu’il commandait aussi bien ses partenaires que les arbitres et même ses adversaires.
Le Nice des années 70 était une attraction en soi, une référence en termes de rugby courage. Certains voulaient s’y mesurer de toutes les façons possibles et ça faisait des étincelles. Les Azuréens n’étaient pas là pour convoquer les muses du beau jeu, mais pour célébrer le Dieu Mars. Le bilan se passe de commentaires : un quart en 1974. Une demie en 1977 et un huitième d’anthologie en 1976 12-12 face à Agen futur champion qui vacilla sérieusement face à la brigade Herrero. Le président Méarelli mourut en 1976, en 1977, André Hérrero prit sa retraite à 39 ans, sur une expulsion, le même jour que Walter Spanghero qui l’affrontait avec Toulouse. Après sa sortie, à 9-16, ses coéquipiers trouvèrent l’énergie à quatorze pour renverser le score 17-16 avec un hommage paradoxal de ses trois-quarts (Gaby Giuliano et Roger Fabien).

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