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Marko Gazzotti, meilleur joueur du Mondial U20 : "Plein d’autres joueurs auraient aussi mérité…"

Par Nicolas Zanardi
  • Marko Gazzotti ballon en main face à l'Irlande en finale
    Marko Gazzotti ballon en main face à l'Irlande en finale Steve Haag / Icon Sport
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C’est depuis les Baléares, moins d’une semaine après son double titre de champion du monde et de meilleur joueur de la compétition que le jeune Grenoblois Marko Gazzotti, numéro 8 de l'équipe de France U20, a pris le temps de livrer sa première interview. Des propos d’une étonnante lucidité, entre légère euphorie, perspectives d’avenir et analyse pertinente du rugby français…

Une semaine après votre titre de champion du monde moins de 20 ans, l’euphorie commence-t-elle à se dissiper ?

Ça commence à redescendre un peu. Disons que je suis en train de vraiment réaliser ce que nous avons fait. À mon retour en début de semaine, j’ai pris un peu de temps pour re-regarder les matchs au calme, les photos, les scènes de joie, tout ça… Là-bas en Afrique du Sud, sur le moment, on était euphorique mais je ne réalisais pas trop. Là, je suis en train de toucher du doigt la portée de l’événement et de redescendre de mon petit nuage.

Avez-vous conscience d’avoir marqué les esprits du grand public ?

Je suis rentré trois ou quatre jours à la maison avant de repartir en vacances, donc oui, j’ai pu constater que les gens nous avaient beaucoup suivis. Ne serait-ce qu’à notre arrivée en France, avant de reprendre le train, certaines personnes nous reconnaissaient venaient nous féliciter… ça fait plaisir de se sentir aussi suivis, mais surtout d’avoir procuré du plaisir à ceux qui ont regardé nos matchs. On est heureux d’avoir réussi à leur transmettre quelque chose.

Les images de joie qui ont suivi votre succès ont contribué à votre bonne image, celle d’une bande de juniors heureux de gagner… Que s’est-il passé, après ?

On a bien fêté ça, on va dire… On n’est reparti d’Afrique du Sud que deux jours après notre victoire, autant dire que nous avons bien eu le temps d’en profiter entre nous, tous ensemble. Ce sont des moments qui vont rester gravés à vie.

Au-delà de vos victoires, c’est par l’ampleur des scores et la qualité du jeu déployé que vous avez marqué les esprits. En avez-vous pris conscience ?

Pas sur le moment, mais plutôt lorsque j’ai pris le temps de revoir les matchs à mon retour en France. Ce qui m’a marqué c’est que souvent, nos adversaires nous tenaient en première mi-temps, notamment lors de la demi-finale et de la finale. Mais sur les secondes périodes, on arrivait très bien à dérouler et surtout à jouer tous les coups, à fond, quoi qu’il arrive. Je pense que c’est vraiment ça qui nous a permis de remporter nos matchs et de matérialiser notre domination.

Marko Gazzotti, élu meilleur joueur de la compétition, échappe à la défense anglaise en demi-finale
Marko Gazzotti, élu meilleur joueur de la compétition, échappe à la défense anglaise en demi-finale Steve Haag / Icon Sport

Vous souvenez-vous d’un moment sur le terrain où vous avez pu vous dire : "Bon sang, on joue bien, quand même…"

En théorie, on n’a pas trop le temps (sourire). Mais c’est vrai qu’en finale, lorsque nous sommes passés à 36 points, puis 43 et enfin 50 dans les dernières minutes, je me disais que nous étions en train de faire quelque chose d’énorme. Il y avait vraiment cette sensation du match parfait, aussi bien sur le plan de la discipline que de la conquête. C’est aussi ça qui nous a permis de gagner ces matchs, on a hissé notre niveau au moment des rencontres éliminatoires : avoir tous nos ballons en touche ou en mêlée, ne pas faire de fautes… Cela reste la base, à ce jeu.

Vous avez été élu homme du match lors de la finale après l’avoir été en demie contre l’Angleterre, et finalement meilleur joueur du Tournoi. Qu’est-ce que cela signifie, à vos yeux ?

Recevoir une distinction comme celle-là fait forcément super plaisir mais je suis profondément convaincu qu’il y a plein de joueurs au sein de notre équipe qui l’auraient mérité tout autant que moi… Ce prix est là pour me prouver que j’ai bien aidé mon équipe sur ce tournoi mais ce que j’en retiens surtout, vraiment, c’est ce qu’on a accompli ensemble. Ce titre qu’on est allés chercher en équipe, match après match, c’est une aventure collective énorme.

Le revers de la médaille est qu’après cette distinction et la médiatisation qui va avec, vous serez d’autant plus attendu la saison prochaine. Avez-vous commencé à vous projeter par rapport à cela ?

Non… je ne veux surtout pas me projeter par rapport à ça en ce moment, je suis d’ailleurs justement parti une semaine pour décompresser un peu et essayer de couper, car la saison a été très longue (sourire). Depuis le début de la dernière préparation avec Grenoble vers la fin du mois de juin 2022, il s’est écoulé plus de treize mois, c’est quand même beaucoup… C’est pourquoi cette semaine de coupure totale m’était nécessaire avant de revenir sur les terrains.

Encore faut-il saisir sa chance lorsqu'on nous l'offre. Mais ce serait mentir que de dire que le contexte actuel du rugby français ne nous aide pas beaucoup plus que les générations qui nous ont précédées voilà une dizaine d'années

Le fait d’avoir évolué en Pro D2 l’an dernier vous aide-t-il à mesurer la portée du chemin qu’il vous reste à accomplir vers le très haut niveau ?

Complètement. Sur les postes du pack, quand on évolue en moins de 20 ans, on n’est pas encore à maturité physique. Quand tu joues tous les week-ends contre des mecs qui ont entre 25 et 35 ans et qui sont en pleine forme, c’est complètement différent du niveau U20 où nous avons tous le même âge. Le niveau international U20 est plus intense en termes de vitesse et de temps de jeu effectif, le jeu de Pro D2 est en revanche beaucoup plus physique, et le Top 14 encore un niveau au-dessus. Cela démontre tout le chemin qu’il reste à parcourir et tout le travail qu’il reste à réaliser pour s’imposer dans ces équipes-là, au niveau professionnel.

Mesurez-vous la chance de votre génération que d’évoluer dans un contexte aussi favorable, alors que le contexte du rugby français était fondamentalement différent par le passé ?

On le mesure, oui. D’abord, on a eu la chance d’arriver après le covid et donc de pouvoir jouer. Pendant trois ans, il n’y a pas eu de Coupe du monde U20, c’est dommage pour ces générations… Et par rapport au contexte dans lequel évoluait le rugby français voilà une dizaine d’années, cette règle des quotas de Jiff a bouleversé bien des choses. On sait que grâce à elle, les jeunes joueurs comme nous ont davantage d’opportunités pour s’exprimer. Alors, bien sûr, encore faut-il savoir saisir ces opportunités quand on nous les offre. Mais ce serait mentir de dire que le contexte ne nous aide pas beaucoup plus que nos prédécesseurs, alors qu’il y avait pourtant de très belles générations.

Vous parliez de la période covid. À Grenoble, on nous a justement dit qu’elle vous avait été très profitable…

Je pense que ce moment a beaucoup compté dans mon développement physique, c’est une évidence. Pendant un an et demi sans jouer, on a fait beaucoup de musculation (il a pris 12 kg, N.D.L.R.) et de travail physique, mais pas seulement. On a aussi réalisé beaucoup de petits ateliers techniques qui m’ont permis à titre personnel de beaucoup progresser, ce qu’on n’a pas forcément le temps de faire quand on est en pleine période de compétition. Mais bon, je ne vais pas vous dire que cette période a été une partie de plaisir : tous, nous aurions évidemment préféré "matcher". C’est peut-être aussi pour ça que lorsque nous avons eu la chance de rejouer, cela a été un tel bonheur que nous avons voulu continuer dans cette voie du plaisir avant tout.

Le troisième ligne centre inscrit un essai en demi-finale contre l'Angleterre
Le troisième ligne centre inscrit un essai en demi-finale contre l'Angleterre Steve Haag / Icon Sport

Des nations comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie ont clairement souffert de leur isolement pendant le covid, faut-il y voir un des facteurs de la domination de votre équipe cette année ?

Je ne peux pas dire si l’effet covid a contribué à notre domination, je n’ai pas les éléments pour savoir si nous avons vraiment été meilleurs que les autres pays dans la gestion de cette période. Ça m’est impossible de répondre à cette question. De toute façon, je crois profondément que ce qui a fait la différence avec nos adversaires réside surtout dans le fait que nous avons beaucoup plus "matché" au niveau pro que les autres. Ça, c’est une certitude, parce qu’on l’a vraiment ressenti en termes d’expérience, lorsqu’il s’agissait de gérer les moments chauds sur le terrain.

À ce titre, du côté de Grenoble, il se dit que vous aviez été très déçu de ne pas être sélectionné pour la finale de Pro D2 contre Oyonnax à Toulouse…

Tout joueur est déçu de manquer une finale (sourire). J’avais participé à la demie contre Mont-de-Marsan une semaine auparavant alors forcément, c’était une déception que de louper le match le plus important derrière. Après, il s’agissait un choix sportif des coachs que je devais respecter.

Que peut-on vous souhaiter la saison prochaine avec le FCG ?

Jouer, continuer à progresser. Et surtout, gagner le plus de matchs possible !

Votre contrat expire à la fin de la saison prochaine et de nombreux clubs du Top 14 vous font la cour. Concernant votre avenir, il vous faudra bientôt prendre une difficile décision...

C’est sûr que je commence à me poser des questions… Mais il est beaucoup trop tôt pour me prononcer sur ces choses-là, surtout alors que je suis en pleine semaine de coupure. On verra bien à mon retour ce qu’il convient de faire pour l’avenir.

Y a-t-il un club en particulier qui vous a fait rêver, plus jeune ?

Quand j’étais môme, les clubs qui dominaient étaient plutôt Toulon ou Clermont alors c’est naturellement leurs matchs que je regardais le plus, mais pas forcément en mode "supporter". Je regardais beaucoup de matchs en général, mais je n’étais pas plus fan d’une équipe que d’une autre. même si j’avais bien sûr un regard particulier sur le FCG qui est le grand club de la région, le plus proche de chez moi.

Rester à Grenoble un an de plus peut-il aussi être une option ?

Je ne sais pas, je ne peux pas le dire. C’est impossible, à ce moment précis, de présager ce qui arrivera dans le futur.

Pour revenir à votre titre de meilleur joueur du Tournoi, l’exemple de Jordan Joseph en 2018 saute aux yeux. Tous deux vous étiez surclassés, jouez numéro 8… Y a-t-il des leçons à en tirer pour vous ?

Comme je vous l’ai dit, cette récompense signifie à mes yeux que j’ai bien aidé mon équipe à gagner, mais pas plus. Il y a plein d’autres joueurs qui auraient pu la gagner… Je n’ai pas eu besoin de recevoir ce prix pour savoir qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire et de travail à accomplir, je ne m’enflamme pas du tout par rapport à ça.

Fait amusant, vous allez côtoyer au FCG le Gallois Sam Davies, qui a lui-même été élu meilleur joueur de la Coupe du monde U20 en 2013…

J’ai vu un article qui parlait de ça dans le Midol (sourire). Ce sera intéressant pour moi qu’il me partage son expérience.

Votre grand ami Louis Bielle-Biarrey prépare actuellement la "vraie" Coupe du monde. On imagine que vous brûlez de le rejoindre un jour… En parlez-vous avec lui ?

On est toujours en contact, bien sûr, c’est un super pote à moi. Pour le reste, c’est trop tôt… Il a la chance de préparer en ce moment la Coupe du monde avec les grands, j’espère de tout cœur que ça va le faire pour lui et qu’ils vont lui donner sa chance, même si la concurrence est très rude. C’est à lui de jouer, il a toutes les cartes en main.

Votre avenir, c’est aussi la prochaine saison avec l’équipe de France U20 qui peut nourrir de grosses ambitions, puisque 16 joueurs étaient surclassés lors de la dernière Coupe du monde…

Il y avait beaucoup de 2004 dans cette génération, alors il est certain que l’ossature semble belle pour la saison prochaine. Mais avant de penser à la Coupe du monde, il y a d’abord un Tournoi des 6 Nations, et peut-être un grand chelem à aller chercher dès cet hiver. Gagner ce titre sera le premier objectif, avant de chercher à conserver l’autre.

Vous aurez en outre l’opportunité de quérir cette double quête avec votre coéquipier en club Barnabé Massa, un des rares "malheureux" du Mondial…

C’est vrai que pour lui, ça a été compliqué, avec cette histoire de carton rouge… Une fois sa sanction connue, nous avons tous essayé de l’épauler, de lui faire sentir qu’on était là pour lui. Les premiers temps ont été durs, c’est sûr, mais je pense que notre victoire en finale a été aussi une libération pour lui. Même s’il n’était pas sur le terrain, il est champion du monde autant que les autres. Et il l’a fêté autant que les autres… (rires) Mais c’est vrai que maintenant, aller chercher le grand chelem puis un nouveau titre de champion du monde ensemble sur le terrain, on ne peut pas nous souhaiter mieux…

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