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200 ans de légendes (30/52) - 1971, Durban et ses cinq minutes de folie

Par Jérôme Prévot
  • A Durban en 1971, les Springboks et les Français de Benoît Dauga ont sans doute battu le record de la plus longue bagarre de la scène internationale.
    A Durban en 1971, les Springboks et les Français de Benoît Dauga ont sans doute battu le record de la plus longue bagarre de la scène internationale. MO
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A Durban en 1971, les Springboks et les Français de Benoît Dauga ont sans doute battu le record de la plus longue bagarre de la scène internationale. Elle aurait duré... cinq minutes. Beaucoup refusent d'y croire. Et pourtant !

Cette scène dantesque n’a apparemment jamais été filmée ou alors les images ont été vite perdues ou dissimulées. Mais les récits nous l’ont fait vivre par procuration en insistant sur un chiffre : cinq, comme cinq minutes. Oui, le 19 juin 1971 à Durban, les Sud-Africains et les Français se sont battus pendant cinq minutes, une éternité. Mais le regretté Benoît Dauga nous l’avait confirmé : "Oui, en trois étapes, avec des négociations et des reprises." 

Ce rendez-vous de Durban succédait à celui de Johannesburg remporté facilement par les Springboks : 22-8. L’infirmerie était remplie d’hommes châtiés pas toujours dans les règles (Villepreux, Le Droff, Carrère, Walter Spanghero, Barrau). Les Sud-Africains commandés par le pilier Hannes Marais savaient se préparer, ils sortaient des vestiaires particulièrement exaltés, visiblement soigneusement mis en condition par leur staff.

Quelle fut la genèse de cette bataille ? Il y avait un contexte un peu particulier, les Français avaient amené un joueur noir Roger Bourgarel (excellent joueur au demeurant), ça faisait couler beaucoup d’encre. On disait que les Springboks voulaient se le payer, le deuxième ligne Frick Du Preez notamment. À 35 ans, il jouait sa dernière saison, ce n’était pas un tendre. Mais c’est un trois-quarts centre qui apparemment mis le feu aux poudres : Joggie Jansen qui prend Jo Maso à retardement (21e) et lui casse la clavicule. Maso est remplacé par Claude Dourthe. Il demande à Jean-Louis Bérot son demi d’ouverture de balancer une chandelle. Le ballon monte, l’arrière McCallum fait un arrêt de volée, "Le Chameau" arrive, un peu en retard, et lui met une marmite. Première bagarre, les avants se jettent sur lui, les Français s’interposent.

Dauga et Marais apaisent les esprits

Jean-Pierre Bastiat, parti trop tôt, nous avait expliqué ceci : "Croyez-moi, j’étais sur le terrain et l’épisode fut long. Si on ajoute les deux précédents, ça a dû durer bien plus longtemps encore", nous expliqua en 2020 Jean-Pierre Bastiat. Le deuxième ligne était alors âgé de 21 ans. Il se retrouva tout de suite au cœur de la tempête. "Il me semble avoir vu passer les images sur l‘Ina. Mais c’est sûr, il y a eu des photos, puisque j’en ai une sur mon bureau. C’est le moment où je mets la plus belle droite de ma carrière à un certain John Williams qui a basculé du haut de ses deux mètres."

Le dénommé John Williams avant de s’écraser au sol comme un Zeppelin, avait armé son bras pour frapper en travers Claude Spanghero qui ne le voyait pas venir. C’était bien la preuve que ce n’était pas "chacun le sien" dans cette bagarre, mais "dézinguez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens".

Quand nous l’avions appelé, le talonneur Michel Yachvili ne s’était pas montré étonné par le chiffre de cinq minutes : "Oui parce que j’ai le souvenir d’un long arrêt de jeu. L’arbitre appelle les capitaines, leur parle, et puis, paf, ça recommence, nouveau départ de bagarre générale. Il y a eu plusieurs phases comme ça. Je n’avais jamais vécu ce genre de situation. En championnat, j’étais habitué à des bagarres de trente secondes, une minute grand maximum, en général en début de match. Là ça a duré beaucoup plus, je n’avais jamais vu ça et je n’ai plus jamais vécu ça en 19 sélections. Et oui, je vous confirme que c’était très raide, dangereux même. Mais à mon souvenir, tout le monde est resté debout, personne n’a reçu de coups de pompe à terre. Heureusement, car les Springboks étaient vraiment méchants plus que les Britanniques. Les Anglais étaient chambreurs, mais pas méchants." 

Finalement Dauga croise Marais au cœur du cyclone et, en quelques mots de mauvais anglais, conclut une armistice. La violence s’éteignit presque instantanément. Il restait près d’une heure à jouer et la suite de la partie fut, paraît-il, magnifique, limpide et exempte de toute brutalité. On allait oublier : le résultat du match, 8-8 un match nul avec un essai de chaque côté (Cronje et Bertranne). Mais le plus drôle, c’est que cette rixe hors norme n’eut pas de suite. La tournée s’est finie comme ça. Aucune punition a posteriori, même officieuse. La presse française évoqua abondamment ce moment comme un fait d’armes glorieux, sans le stigmatiser. La presse locale et les journaux londoniens n’en rajoutèrent pas (c’est ce qui rend certains sceptiques sur la durée de cinq minutes). Le rugby de ce temps vivait avec ses soubresauts et ses prurits de violence, loin de ce temps d’hyper surveillance que Christian Montaignac résume "aux vidéos inlassables et aux ralentis sournois."

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Les commentaires (1)
orus33 Il y a 9 mois Le 30/07/2023 à 16:16

le bon vieux temps des générales ..... celui ou l'arthrose ne nous avait pas encore lachement attaqué