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Coupe du monde de rugby 2023 / XV de France - Thomas Castaignède (ancien ouvreur des Bleus) : "Thomas Ramos pourrait être une réponse" pour remplacer Romain Ntamack à l'ouverture

Par Léo Faure
  • Thomas Castaignède, ancien international français, revient sur l'actualité récente du XV de France, et notamment sur le forfait de Romain Ntamack.
    Thomas Castaignède, ancien international français, revient sur l'actualité récente du XV de France, et notamment sur le forfait de Romain Ntamack. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Du haut de ses 54 sélections, il est l'un des joueurs les plus doués que compte l'histoire du rugby français. Observateur toujours attentif des choses du XV de France, il a, comme tout le monde, vécu comme un choc le forfait de Romain Ntamack. Une situation douloureuse qu'il avait lui-même vécue, en 1999. Dans un entretien exclusif, il livre les pistes qui s'ouvrent désormais au XV de France pour surmonter cette épreuve.

L’annonce du forfait de Romain Ntamack pour la Coupe du monde, ce lundi, a été un choc pour le rugby français…

(il coupe) Déjà, il y a une véritable question à se poser autour de ces matchs de préparation, avant les Coupes du monde. Les joueurs sont confrontés à de fortes adversités, une grosse intensité alors qu’ils sont au milieu d’une préparation physique très dure. C’est une accumulation de facteurs qui peuvent rendre ces rencontres très dangereuses sur le plan des blessures. L’intensité des efforts fournis depuis plus d’un mois amène de la fragilité.

Il faudrait alors éviter ces matchs de préparation ?

Le problème, c’est aussi que vous opposez deux équipes qui sont parfois à des niveaux de préparation différents, avec des programmations qui ne sont pas les mêmes. Sans faire injure aux Écossais, je ne crois pas qu’ils nourrissent les mêmes ambitions que nous dans cette Coupe du monde. Ils doivent chercher à être prêts très tôt, avec pour première ambition de sortir des poules. On peut penser que ce n’est pas la même chose pour le XV de France, qui a l’ambition d’être champion du monde et qui doit avoir ciblé la fin de la compétition pour construire sa préparation physique.

Quoi d’autre ?

On voit aussi que ces deux blessures ont touché Romain Ntamack et Cyril Baille, deux joueurs qui ont vécu une saison bien remplie et jusqu’en finale, fin juin. On voit également que ce sont deux joueurs qui ont autour de 25 ans ou plus (24 ans pour Ntamack, 29 ans pour Baille, N.D.L.R.). Ce sont des âges où "l’amie blessure" (sic) commence généralement à se rappeler à vous. Cette force que vous aviez quand vous étiez plus jeune commence à être usée par l’intensité des chocs et leur répétition, depuis plusieurs années. Il y a un peu de fragilité qui apparaît.

La blessure de Romain Ntamack, clairement identifié comme l’ouvreur titulaire et parmi les dépositaires du jeu des Bleus, doit-elle entraîner des modifications dans les plans de jeu du XV de France ?

Quand j’entends parler Fabien Galthié, il met souvent en avant la planification, que tout est prévu et anticipé. Je ne sais pas, c’est assez surprenant… J’imagine qu’ils avaient sûrement anticipé des blessures à des postes clés, comme cela vient d’arriver. Malgré tout, il persiste toujours quelques aléas. Maintenant que Romain est blessé, il y a plusieurs candidats à sa succession et il paraît assez dur de discerner qui sera l’élu. Déjà, votre question : veut-on jouer de la même façon ou veut-on adapter notre plan de jeu ?

Dites-nous ?

Ce sera très dur de remplacer Romain poste pour poste, profil pour profil. Il a un flegme très britannique, je dirais un mélange de Owen Farrell et Beauden Barrett. Il est à la fois très serein, fort pour garder ses nerfs dans les moments chauds, sans jamais laisser transparaître d’émotions positives ou négatives sur son visage. Mais il a aussi un coup de reins flamboyant, il est agressif sur la ligne d’avantage. Toutes ces choses font qu’il appartient à la caste des grands joueurs. Un grand joueur, ça ne se remplace pas facilement.

Qui privilégieriez-vous pour endosser le maillot de numéro 10 du XV de France ?

Chez ses concurrents directs, on trouve d’autres profils. Des joueurs qui ont justement ce coup de reins incroyable, cette capacité à provoquer et attaquer la ligne d’avantage. C’est toujours spectaculaire et intéressant pour le public, mais je trouve qu’il y a moins de maîtrise sur le jeu.

Sans le nommer, vous parlez de Matthieu Jalibert…

C’est vrai pour Jalibert mais aussi, un peu, pour Antoine Hastoy, même si son jeu a évolué depuis ses années à Pau. Il est moins provocateur, plus en contrôle, il a aussi appris à faire jouer autour de lui et à se faire oublier. Ce qui différencie le Hastoy de Pau de celui de La Rochelle, c’est aussi qu’il était l’élément central dans son ancien club, alors qu’il n’est désormais plus "que" un élément important parmi d’autres sous les couleurs rochelaises. Cette répartition des responsabilités lui a permis d’évoluer, de gagner en maîtrise sur le jeu, en n’étant plus seulement un premier attaquant agressif sur la ligne d’avantage.

Jalibert est un super numéro 10, un attaquant racé, très plaisant à voir jouer. Mais j'ai l'impression que cet ADN s'exprime moins bien dans le cadre de jeu du XV de France. Il exploite moins bien ses points forts

On vous sent hésitant sur le choix du futur numéro 10…

Il y en a un qui peut tout chambouler, c’est Thomas Ramos.

Vraiment ?

Pour moi, c’est un des joueurs les plus talentueux que le rugby français a connu depuis longtemps. Quand je discutais de lui avec Didier Lacroix, je lui disais qu’il devait le signer pour une multitude d’années. Il apporte toujours un plus, au-delà du fait qu’il peut évoluer à beaucoup de postes. C’est un mec de caractère, qui impose un ascendant psychologique à ses coéquipiers et à ses adversaires. Ce caractère lui a parfois joué des tours, mais il sait débloquer des situations et donner de la confiance autour de lui. Il a aussi un très bon jeu au pied. Pour moi, Ramos pourrait être une réponse dans un match où il faudrait un ouvreur plus passeur et capable de gérer au pied…

Ramos ne joue pas souvent à l’ouverture, mais il a à son actif deux finales gagnées…

Il a joué de grands matchs et il a fait gagner de grands matchs au poste d’ouvreur. En tout cas, il y a clairement contribué. Ne pas se tromper : une finale commence toujours devant. Mais ensuite, Thomas avait apporté les deux fois des solutions à son équipe. Il avait débloqué des situations et fait mieux que répondre aux attentes.

On vous sent séduit par le joueur…

Je l’ai toujours adoré. Thomas a une intelligence, une force intérieure remarquable. Aujourd’hui, il est peut-être l’élément le plus important du Stade toulousain. Et il a un parcours particulier. À chaque étape, il a dû faire ses preuves. Rien ne lui a été offert. Il a accepté de repasser par le Pro D2 avant de se faire une place en Top 14. En club, on a récemment recruté Melvyn Jaminet et Ange Capuozzo à son poste. Il est toujours sorti plus fort de ces épreuves. Son histoire avec l’équipe de France ressemble à sa carrière. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais il me semble qu’il lui a fallu du temps et de l’acharnement pour prouver, pour faire sa place. Il n’y a rien de simple dans son parcours mais il franchit toujours les étapes. Ça forge un grand caractère. Avec des mecs comme ça, tu peux voyager. Une dernière chose…

Laquelle ?

Quand des joueurs se connaissent, ils savent intuitivement comment l’autre va réagir et vous gagnez des dixièmes de secondes qui valent de l’or, à haut niveau. Il y avait cette connexion entre Dupont et Ntamack, elle existe aussi entre Dupont et Ramos. Il ne faut pas négliger ce point. C’est un sacré avantage.

Quand tu fais le bilan de ta carrière, à la fin, tu te dis : "Merde, il y a eu de beaux moments mais j’ai manqué un truc important."

Le voir propulsé à l’ouverture ne serait-il pas dur pour Jalibert, qui semble être le successeur naturel à Ntamack dans la hiérarchie ?

Je n’ai rien contre Jalibert. C’est un super numéro 10, un attaquant racé, très plaisant à voir jouer. Mais j’ai l’impression que cet ADN s’exprime moins bien dans le cadre de jeu du XV de France. Alors qu’on le sait capable de faire de grandes différences, on le sent sur la retenue quand il joue avec les Bleus. Il exploite moins bien ses points forts, c’est dommage.

L’idée de faire glisser Dupont à l’ouverture est-elle farfelue ?

Pour moi, ce serait une erreur. On l’a d’ailleurs vu en demi-finale de Champions Cup, face au Leinster. Antoine serait très bon en 10, pas de problème, il sait tout faire. Mais quand vous avez le meilleur joueur du monde, vous voulez qu’il touche le plus de ballons possible, parce que c’est ainsi qu’il influe le plus sur le match. Et c’est à la mêlée qu’il en touche le plus. Même quand il se contente d’un rôle de passeur, il crée des espaces pour les autres parce que les défenseurs se focalisent sur lui dès qu’il met les mains sur le ballon. Il faut donc qu’il en touche un maximum. Je ne comprendrais pas l’intérêt de se priver d’un tel avantage.

Castaignède : "Ce sera très dur de remplacer Romain poste pour poste, profil pour profil. Il a un flegme très britannique, je dirais un mélange de Owen Farrell et Beauden Barrett."
Castaignède : "Ce sera très dur de remplacer Romain poste pour poste, profil pour profil. Il a un flegme très britannique, je dirais un mélange de Owen Farrell et Beauden Barrett." ActionPlus / Icon Sport

Pour finir, craignez-vous que cette blessure au pire moment ne marque durablement la carrière de Romain Ntamack ?

C’est un moment très dur dans la carrière d’un joueur. En 1999, quand Philippe Carbonneau a dû déclarer forfait, j’ai été marqué par la douleur qui se lisait sur son visage. Je me souviendrai toujours de cette image. J’ai aussi vécu cela, quelques semaines plus tard. C’est très dur, oui. Ça laisse des regrets. Romain dit qu’il reviendra et je n’ai aucun doute, il reviendra. Mais cela restera malgré tout une profonde blessure. Quand tu fais le bilan de ta carrière, à la fin, tu te dis : "Merde, il y a eu de beaux moments mais j’ai manqué un truc important." C’est terrible pour Romain, parce qu’il méritait de jouer cette Coupe du monde. Il avait fait tout ce qu’il fallait pour se présenter à cette compétition en pleine maîtrise de son rugby. Ces dernières années, je trouve qu’il avait acquis beaucoup de maturité.

Et pour l’équipe de France ? Est-ce un coup d’arrêt ?

La force de cette équipe, ce qu’elle a toujours voulu démontrer et qu’elle réussit admirablement bien, c’est d’arriver à changer les joueurs en gardant un rendement élevé. Cela reste vrai. Quand un titulaire se blesse, son remplaçant est à 95 % ou 97 % de la même efficacité et ce sera toujours vrai. Malgré tout, la perte de Romain Ntamack reste un moment important sur le chemin de cette Coupe du monde. Et même si l’équipe de France ne baisse pas son niveau, je constate que les autres nations se rapprochent. À l’approche de la compétition, je trouve que les écarts se resserrent. Rien ne sera simple.

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Les commentaires (8)
EN DEUX Il y a 7 mois Le 26/09/2023 à 13:18

Pourquoi autant d'hostilité vis a vis de l'autre Grand Antoine
Minet Minet que vous évoquez dans vos intertitres ne sait pas défendre, médiocre face aux perches, le Teddy Thomas de l'ouverture.
Cela ne vous suffit pas Vous le mettez tjs en avant comme successeur naturel
C'est du Grand n'importe quoi N'est pas NAYROU qui aimerait.
On aimerait bien connaître votre palmarès rugbystique excepté comme spectateurs assidus du Stade Toulousain ou peut être de l'UBB 6eme ave peine du Top 14

CasimirLeYeti Il y a 8 mois Le 21/08/2023 à 13:30

Ces matchs de préparation sont une calamité entre la préparation physique et l'esprit de compétition des équipes

Clide64 Il y a 8 mois Le 17/08/2023 à 09:12

Le décès de Leclerc va nous aider à faire oublier la blessure de Romain . Nous sommes vraiment manipulés par les médias

jmbegue Il y a 8 mois Le 17/08/2023 à 10:06

Vous voulez parler de la mort du Maréchal Leclerc ?