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Portrait - La saison dingue de Jonathan Wisniewski

  • Jonathan Wisniewski consultant Canal +.
    Jonathan Wisniewski consultant Canal +. Icon Sport
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Alors qu'il cumulait déjà les casquettes d'homme d'affaires, consultant pour Canal + et entraîneur d'un club amateur la saison dernière, l'ancien demi d'ouverture intégrera en sus la prestigieuse école de managers de Limoges, dernière étape dans le cheminement vers le destin d'entraîneur qu'il se rêve depuis son plus jeune âge. 

C’est l’histoire d’un mec qui, sitôt les demi-finales de Top 14 terminées du côté d’Anoeta, a pris sa voiture des potron-minet pour avaler les 600 bornes qui le séparaient de Beaumont, Puy-de-Dôme, où son équipe des Vallons de la Tour disputait son quart de finale de Fédérale 3 face au futur champion sarladais (13-17). Un passionné de ballon ovale, un vrai, qui n’en a pas fini de se démultiplier la saison prochaine, quitte à flirter avec le double grand écart… À cette évocation, Jonathan Wisniewski se marre. "Cela fait vingt ans que nous sommes ensemble avec ma compagne, elle est la première à le savoir : pour moi, ma famille est vitale et mon sport est essentiel. Si tu m’enlèves l’un ou l’autre, c’est comme m’enlever le cœur ou les poumons. Sans mon rugby, je ne suis pas la même personne, j’ai besoin de lui." 

D’où cette nécessité de s’activer encore et encore, deux ans déjà après la fameuse "petite mort" du sportif jamais évidente à digérer. "Ces deux années m’ont permis de digérer totalement ma carrière, avoue l’ancien demi d’ouverture. Le fait de passer un certain temps sans rugby au quotidien, même s’il a été dur à vivre dans un premier temps, m’a aussi fait du bien dans le sens où il m’a obligé à respirer autrement, à voir d’autres choses. Cette transition m’a fait du bien au corps et à la tête, elle m’a permis de me poser les bonnes questions sur ce que je voulais faire, et surtout pour quelles raisons je voulais les faire." Un questionnement intime qui a accouché d’une évidence… "Depuis tout jeune, je sais que j’ai envie entraîner. Mais dans ma construction, je voulais m’ouvrir à d’autres choses. J’ai investi dans des restaurants, côtoyé des hommes d’affaires. J’ai passé du temps avec l’ancien pilote de F1 Olivier Panis, avec le club de Chambéry en handball, avec des chefs d’entreprise, Ugo Mola et Christophe Urios m’ont ouvert leurs portes dans le milieu du rugby… Et puis, j’ai aussi eu cette opportunité de devenir consultant avec Canal + qui m’a fait grandir. Quand tu es joueur tu te dis souvent "ça doit être cool de commenter" mais finalement, peu en ont l’opportunité. Et une fois de l’autre côté, ça te permet de voir par un prisme différent le monde dans lequel tu as vécu en immersion pendant tant d’années. Tu as des accès différents, un œil extérieur, et c’est une position très intéressante."

Une position à cheval entre deux mondes que Wisniewski s’amuse à dompter, d’un regard aussi critique que lucide. "Ce qui est drôle à observer, c’est que les clubs qui cherchent à conserver une certaine authenticité, à cultiver un côté spontané dans la communication, sont souvent ceux qui vivent le mieux et gagnent. Je le vois bien auprès des managers avec qui je discute avant les matchs : certains sont transparents, t’expliquent comment ils bossent, comment ils jouent, ce qu’ils ont cherché à travailler alors que d’autres viennent surtout te voir pour faire passer un message, te vendre une histoire… C’est assez marrant de voir ce côté-là, sans porter de jugement, sur les façons de fonctionner des uns et des autres avec les médias et la presse." Cette composante n’en étant finalement rien qu’une partie tant d’autre, dans ce drôle de métier qu’il rêve un jour d’embrasser.

Grand écart, ou pas…

En attendant ? Au-delà de son expérience télévisuelle qui lui permet de garder un lien avec l’élite le samedi, le pur passionné que demeure Wisniewski n’a pas pu s’empêcher de conserver un lien étroit avec le terrain le dimanche, en s’investissant plus que jamais avec son club de La Tour du Pin, fraîchement promu en Fédérale 2, dont il a contribué à redessiner cet été les contours d’un projet de jeu global, de l’école de rugby jusqu’aux seniors. "On me parle souvent de grand écart, mais honnêtement, il n’est finalement pas si grand. Pros ou amateurs, les joueurs n’ont qu’une envie : gagner et se régaler. Ce sont juste les moyens qui différent. Après, ça reste le même rugby, avec le même terrain, les mêmes poteaux et les mêmes principes. Si tu sors tes ballons assez vite et que tu gères bien tes hommes en les faisant adhérer à ta manière de fonctionner, ce sport reste assez simple… La difficulté reste de faire passer ses idées, d’emmener les mecs dans son univers. Et ça, en haut ou en bas, c’est du pareil au même, peu importe le sport. Je viens de terminer les livres de Pep Guardiola et Phil Jackson, et il en ressort exactement la même chose. Tu as beau être le meilleur technicien du monde, si tu n’emportes pas les joueurs dans ton univers, tu ne peux pas t’en sortir."

Un mantra, une conviction, que Wisniewski s’est évidemment forgé après quinze années de rugby professionnel qui l’ont vu côtoyer les plus grands managers de l’histoire récente du rugby français, de Guy Novès à Fabien Galthié en passant par Pierre Berbizier, le tandem Travers-Labit, Gonzalo Quesada ou Pierre Mignoni. Entre autres… "Au-delà du jeu et des systèmes, l’essentiel, c’est l’histoire que tu vas raconter aux mecs, par quels moyens et pour quels objectifs tu veux construire ton aventure collective, appuie Wisniewski. Alors bien sûr, dans le très haut niveau, il y a une partie politique qu’il faut également maîtriser, mais c’est la seule grosse différence avec le niveau amateur, en plus de la journée de récupération du lundi. Pour le reste, les niveaux amateurs ou professionnels, c’est finalement la même chose, avec deux séances d’entraînement à haute intensité par semaine qui sont le cœur de la semaine d’une équipe pro. Sauf que les amateurs font ça en plus de leur travail, ce qui t’oblige à être le plus pertinent possible pour les intéresser. Ça, c’est quelque chose que le rugby amateur m’a beaucoup apporté. À La Tour, je me suis aperçu que lorsque que tu as trop de moyens, trop de matériel et trop de temps à ta disposition, tu peux rapidement t’y perdre…"

Limoges, le clin d’œil d’Ugo Mola

Et les résultats n’ont pas tardé, La Tour du Pin concluant sa dernière saison par une montée historique en Fédérale 2 après plusieurs échecs, preuve de l’apport indéniable de Wisniewski au sein du staff. "Pour la première fois, j’ai vécu des phases finales sur le banc… C’était étrange mais enrichissant. J’ai découvert que ton moment d’expression en tant que coach, c’est du lundi au vendredi, mais qu’après plus rien ne t’appartient. Le fait qu’on ait pu se qualifier tôt nous a donné du temps pour planifier les phases finales, pour nous organiser. Le jour du match de la montée, quand nous nous sommes retrouvés avec les coachs le matin, on s’est regardé et on s’est dit que si on pouvait revenir en arrière, on ne changerait pas grand-chose car nous étions prêts, et que le travail avait été bien fait. Ce sentiment, c’était bien… Je prends l’exemple du cuistot qui arrive et qui n’a pas préparé ses sauces à cinq minutes du coup de feu: même si tu es le meilleur du monde, tu es mort."

Un discours et des convictions déjà bien rodées, que Jonathan Wisniewski ne demande désormais plus qu’à affiner. Cela tombe bien puisqu’au premier octobre, celui-ci intégrera la prestigieuse école de manager de Limoges, histoire de blinder encore un peu plus son agenda déjà démentiel. "Le CDES m’est apparu comme quelque chose d’évident, une étape très importante dans ma formation. C’est un honneur et une fierté que d’intégrer cette treizième session qui va démarrer au 1er octobre. Petit clin d’œil du destin, c’est Ugo Mola, qui a fait partie d’une promotion antérieure, qui m’a annoncé la nouvelle. Il m’a dit qu’au moment où il avait stoppé avec Brive, il avait pris du temps pour lui, et que l’école de Limoges lui avait beaucoup apporté. Cela a eu un écho dans ma tête. J’ai envie d’être un bon entraîneur et je veux prendre le temps de bien m’interroger : est-ce tu veux être un bâtisseur, un gagneur, es-tu là pour bosser sur du long terme, ou juste pour gagner et partir ? J’espère trouver des réponses. En tout cas, j’ai vraiment envie de cocher un maximum de cases avant de me lancer pour de bon." Bonne saison de dingue, alors, M. Wisniewski…

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