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Coupe du monde de rugby 2023 - Toujours plus d’avants sur les bancs, pourquoi ?

Par Nicolas Zanardi
  • Le 26 août dernier, les Sud-Africains d’Eben Etzebeth ont ouvert la voie en s’autorisant de commencer leur match contre les Blacks avec sept avants sur le banc. De quoi laminer le pack adverse. Et créer la tendance stratégique du prochain Mondial ?
    Le 26 août dernier, les Sud-Africains d’Eben Etzebeth ont ouvert la voie en s’autorisant de commencer leur match contre les Blacks avec sept avants sur le banc. De quoi laminer le pack adverse. Et créer la tendance stratégique du prochain Mondial ? PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
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En alignant sept avants remplaçants contre les All Blacks, les Springboks ont déclenché une révolution, poussant un cran plus loin la logique déjà contestée des bancs en 6-2. Une stratégie qui provoque d’ores et déjà des remous, dont le prochain Mondial sera sûrement le juge de paix…

C’est en évoquant une blessure contractée par son arrière Willie Le Roux à la veille de la rencontre que le sélectionneur des Springboks Jacques Nienaber a justifié son changement de dernière minute et la composition d’un banc de touche à 7 avants, vendredi dernier à Twickenham. Le genre de bobard balourd que même Pinocchio n’aurait pas osé, tant la largeur de son effectif aurait aisément pu permettre au Supremo sud-africain de remplacer Le Roux poste pour poste… N’en croyez donc rien, bonnes gens, et voyez plutôt ici dans cette petite supercherie "à la Novès" la volonté de surprendre les All Blacks par un drôle de stratagème. À savoir le parti-pris de l’usure physique et l’utilisation d’un "double pack" avec le seul Pieter-Steph Du Toit comme huitième avant, histoire d’éprouver le pack néo-zélandais jusqu’à le faire exploser. Alors certes, la présentation de l’affaire par les Springboks n’est guère finaude. N’empêche que c’est bien à une petite révolution dans la manière de penser le jeu et le coaching que nous avons assisté la semaine dernière à Twickenham, de la part de ceux qui étaient déjà devenus champions du monde en 2019 en utilisant six avants sous le sobriquet évocateur de "bomb squad", en avance sur toutes les autres nations du monde…

Foster : "On ne peut que féliciter les Springboks"

Alors, bien évidemment, des voix se sont levées pour protester quant à l’utilisation de ce banc à sept avants, le jugeant contre l’esprit du jeu. Ce fut notamment le cas de l’ancien sélectionneur de l’Écosse Matt Williams, dont la sortie a marqué les esprits. "World Rugby aurait dû le voir venir car pendant des années, certaines équipes – l’Afrique du Sud mais aussi la France – ont choisi un banc en 6-2. Il n’aurait jamais dû être autorisé à en arriver là. Si World Rugby obligeait à ce que 3 joueurs soient reconnus comme trois-quarts, ce problème n’existerait pas. Ce que l’Afrique du Sud a fait l’autre jour va totalement à l’encontre de l’esprit du jeu et certainement de la sécurité des joueurs. Je suis totalement contre." Une diatribe à laquelle l’ancien ailier des Wallabies Drew Mitchell a toutefois répondu, avec l’aplomb qu’on lui connaît : "Je ne peux pas comprendre le tollé autour du 7-1 des Springboks. Les gens se plaignent seulement parce que ça a marché. Si ça avait échoué, personne ne dirait que c’est contre l’esprit du jeu. On joue avec ses forces, c’est ce qu’ont fait les Sud-Africains. Trouvez un moyen de les battre, plutôt que vous plaindre…" L’entraîneur des Kiwis Ian Foster, beau perdant, n’a d’ailleurs pas dit autre chose. "Ils connaissaient la part de risque dans leur stratégie et elle a fonctionné à la perfection. On ne peut que féliciter les Springboks pour cette innovation, et travailler pour s’y préparer si nous devions d’aventure recroiser leur route."

Prise de risque et perspectives stratégiques

En effet, s’il est facile de crier à l’injustice en voyant une équipe évoluer potentiellement à 15 avants contre 13, on ne peut occulter également la prise de risque qu’impliquent les bancs en 6-2, qui plus est au niveau international où la règle des changements n’est pas aussi souple qu’en Top 14. Pour peu qu’on s’en souvienne, certains équipes ont payé très cher le fait de ne compter que deux trois-quarts sur le banc, comme la France en Irlande lors du Tournoi 2023 ou Toulouse face au Leinster en demi-finale de Champions Cup. De fait, on peut certainement considérer aujourd’hui la composition des bancs en rugby comme le seul paramètre où la stratégie du sélectionneur peut influer sur une rencontre comme dans d’autres sports, à l’image des changements de formation en football. De quoi augurer que les bancs à six, voire sept avants et les coachings massifs et précoces pourraient constituer une des tendances majeures de la prochaine Coupe du monde, avec tout ce qu’ils impliquent de perspectives ? Fabien Galthié n’était pas loin de le penser dimanche dernier, lui qui avait procédé de la sorte en lançant un 5 de devant tout neuf face à l’Australie dès la 50e. "Cela fait un moment déjà que nous utilisons ce banc en 6-2 pour insuffler de l’énergie", souriait-il, énigmatique. Il faut dire ici qu’en poussant le bouchon bien au-delà du strict aspect physique, on pourrait imaginer beaucoup de choses à partir de ces bancs à sept avants comme, par exemple, la possibilité d’utiliser des annonces en touche ou des schémas de circulation complètements différents d’une mi-temps à l’autre. Une révolution est en marche, que cette Coupe du monde va très probablement consacrer…

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 8 mois Le 05/09/2023 à 15:52

C'est vilain, je suis un ancien avant mais je trouve que cette façon de laisser aux arrières, de plus en plus la portion congrue souligne bien, un sentiment général, dépassant même le cadre du Rugby, aujourd'hui seule la force prime. Franchement, en dehors d'un demi de mêlée, d'un arrière ou d'un demi d'ouverture, c'est bien d'avoir un autre joueur issu des lignes arrières, avec d'autres qualités et qui modifie de façon sensible, le style voire le système de jeu ? Alors que quand tu fais rentrer un pack frais (ou presque), tu ne privilégie qu'une stratégie, la domination physique !