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Coupe du monde de rugby 2023 / XV de France - Grégory Alldritt, portrait d’une machine aux qualités hors normes

  • Grégory Alldritt a encore montré sa puissance face à la Nouvelle-Zélande.
    Grégory Alldritt a encore montré sa puissance face à la Nouvelle-Zélande. Icon Sport - Icon Sport
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Élu homme du match vendredi soir, le numéro 8 a fait étalage de ses nombreuses facultés, résultat de qualités naturelles et d’un développement personnel sur la durée. Plongée dans les rouages de la machine avec l’intéressé en guise de guide.

"Ce que j’aime le plus dans mon poste ? Sa polyvalence. Je peux jouer comme un gars du cinq de devant sur certaines actions et comme un centre sur d’autres. Il y a autant de boulot offensif que défensif. Ça me donne l’opportunité de participer à tous les types de rugby." Ces mots de Grégory Alldritt (26 ans, 42 sélections) ont trouvé un vibrant écho, vendredi soir, dans la bouillante arène du Stade de France.

Le Rochelais était partout face aux All Blacks : il a parcouru 71 mètres balle en main et battu deux défenseurs, a signé douze passes dont trois après contacts, a plaqué à 16 reprises pour un seul échec, a gratté deux ballons au sol… Son impact tout terrain a permis aux Bleus de résister aux assauts néo-zélandais dans un premier temps puis de prendre l’ascendant en seconde période. Logiquement élu homme du match au terme de ce bras de fer dantesque, acclamé par le public lors du premier acte après avoir mis un genou à terre et s’être relevé, Grégory Alldritt a déployé, le jour J, l’étendue de toutes ses facultés mentales, physiques et techniques. Aux grands hommes les grands rendez-vous, tout simplement. William Servat ne disait pas autre chose, samedi, dans les travées du "SDF" : "Les grands joueurs élèvent leur niveau quand le niveau s’élève, vantait le coentraîneur de la conquête et des tâches spécifiques. Aujourd’hui, Greg est un grand joueur. Il a fait une magnifique performance mais parce qu’il s’adapte au niveau face auquel il joue."

Le Maritime a su exploiter pleinement son potentiel de départ pour s’élever au sommet. Focus sur celui que l’on peut raisonnablement considérer comme le meilleur 8 de la planète et qui est plus que jamais un fer de lance des Bleus.

La touche, son nouveau défi

Avec Ollivon, Flament, Woki et autres Cros, l’alignement français disposait de nombreuses options en touche face à la Nouvelle-Zélande. À la 59e minute, Grégory Alldritt s’est immiscé dans le bal de sauteurs pour capter un lancer sur le premier bloc avant de lancer un maul récompensé par une pénalité. Le numéro 8 intervient de plus en plus fréquemment comme une solution de complément et une alternative au contre adverse. Il s’agit sûrement là de son principal chantier en tant que joueur : "Pour être honnête, ce secteur ne m’inspirait pas du tout à l’origine, reconnaissait-il y a quelque temps. Ce n’est vraiment pas la partie du rugby qui m’intéressait. Il faut dire que je n’ai pas trop le profil pour. Depuis cette année, le fait d’être souvent aligné avec Yo (Tanga) et Will (Skelton) à La Rochelle m’a amené à être presque tout le temps dans l’alignement. Cette spécialité, je la découvre et je commence à l’apprécier. Il faut que je m’améliore, c’est sûr. J’ai une grosse marge de progression. Il faut dire que je n’ai pas sauté pendant presque quatre ans." Le défi est de taille. Il n’en devient que plus intéressant : "Ça me permet de compléter ma palette technique et d’être encore plus polyvalent. Ça me demande de la dextérité. Et même si je suis un peu lourd, il faut que je me fasse le plus léger possible pour les lifteurs. Je dois être dynamique sur les pieds et les appuis pour le saut."

La passe : plus d’audace, de vista

Depuis des mois, Grégory Alldritt cherche à passer un cap dans sa capacité à faire jouer derrière lui : "Je tente de plus en plus de faire des passes après contacts, nous expliquait-il en début d’année. Ça se travaille à l’entraînement aussi mais c’est avant tout une démarche globale : il faut prendre le réflexe et l’habitude de regarder ce qu’il y a autour de soi plutôt que de vouloir gagner trois-quatre mètres de plus et de finir par passer par le sol." Vendredi, le Rochelais a vu ses efforts et sa démarche valorisés dans le feu de l’action : avec trois passes après contacts et plusieurs habiles transmissions sur le pas, il a, entre autres joueurs, permis au jeu tricolore de trouver de la continuité et de l’avancée balle en main en seconde période. En la matière, le Gersois a dû quelque peu forcer son naturel : "Je suis plutôt du genre à vouloir rester propre, à faire le geste de moins que le geste de trop mais, sur la lecture du jeu comme sur l’exécution, je vois mon travail commence à payer." Sur ce point encore plus que les autres, tout est question d’équilibre et de justesse. Sa nouvelle attitude au contact (voir ci-contre) est de nature à lui permettre de s’exprimer encore plus librement.

Plaquages, une technique payante

Grégory Alldritt a terminé meilleur plaqueur du match inaugural, au côté de Charles Ollivon (15/16). Dans ce domaine, le Rochelais affiche une régularité épatante, comme en atteste son ratio de la saison passée (234/247, 94,7 %). Il s’agit peut-être là de son talent le plus naturel, primitif. Défensivement, il a encore gagné en efficacité grâce, là aussi, à de savants réajustements. L’ancien joueur d’Auch s’en explique : "Avec le jeu après contact, varier mes plaquages a été mon autre optique de développement. Avant, j’attaquais tout le temps en haut. Il y avait déjà le risque de perdre des mètres précieux. En plus, les adversaires étaient au courant que je plaquais souvent de la même manière. Pour eux, il devenait facile de me "lire". J’essaye d’aller chercher plus bas désormais. En créant du doute, en alternant, il est désormais plus dur pour eux d’appréhender la confrontation avec moi." À l’instar de ce qu’il a entrepris comme évolution en attaque.

Une mentalité de gagnant aiguisée

Le mental fait la différence entre les bons et les grands joueurs. Grégory Alldritt est de la trempe de ceux qui abordent les grandes échéances dans les meilleures dispositions, de ceux qui bonifient la pression. Cette impression de maîtrise et de force tranquille dégagée par le Rochelais a rejailli sur ses partenaires, vendredi soir, tout particulièrement au cœur de la première période. Comme ça a si souvent été le cas avec La Rochelle – souvenez-vous du scénario fou de la finale de Dublin – et en sélection, déjà : "Mon parti pris est assez clair : une fois que l’on rentre sur le terrain, il n’y a plus d’émotions, nous expliquait-il récemment. Il n’y a que des machines en quelque sorte." Résultat : ses choix sont très souvent justes et ses erreurs rares.

Le Gersois, qui a su mêler les vertus de son éducation gersoise, l’apport du perfectionniste Ronan O’Gara et son vécu au plus haut niveau, s’est affirmé comme un gagnant à toute épreuve. Son goût des choses simples et bien faites n’a pas d’autre visée : "La manière, pour moi, c’est de gagner la rencontre en étant propre sur la stratégie, propre sur les basiques, sur notre défense. Ce sont des choses capitales. Après, marquer des essais de 100 mètres, si ça arrive, c’est magnifique. Reste que, ce qu’il y a de plus important à mon sens, c’est de savoir gagner les matchs." Et des trophées : "L’objectif est clair : il est de gagner le moindre match et tous les trophées possibles. C’est une chose de le dire. C’en est une autre de le faire." Grégory Alldritt n’est pas du genre à taire ses ambitions. Il les assume. Mieux : il place les actes en face des paroles : "Je suis le premier à me fixer des exigences très élevées. Quand je veux quelque chose, je fais tout pour l’avoir. Relever des défis, c’est ce qui me fait avancer."

Impacts abaissés, efficacité améliorée

Vendredi soir, sur ses onze courses balle en main, Grégory Alldritt a constamment trouvé de l’avancée ou tout du moins gagné ses impacts. Porteur de balle de haut niveau, le Rochelais est devenu encore plus pénétrant grâce à un récent réajustement de sa posture. "On travaille au quotidien avec lui. C’est un petit truc entre nous", glissait William Servat vendredi soir. Sur les conseils du technicien, le numéro 8 a revu ses attitudes au contact en attaquant plus bas ses collisions, à hauteur des hanches. Une option payante, les défenseurs ayant plus de difficultés à le contenir. Les centimètres ici gagnés ont alors une incidence de taille, puisqu’ils lui permettent de plus en plus souvent de jouer après contact : un "plus" dans son jeu d’autant plus appréciable que de base, Grégory Alldritt possède une faculté assez rare à remporter ses duels grâce à sa solidité naturelle et un allant jamais démenti pour le contact : "Le défi physique, la lutte pour le gain du terrain, j’adore ça. J’ai été bercé dans cette culture même si je peux aussi chercher l’évitement." Cette appétence est mise au service d’un physique performant, quand bien même le Gersois ne peut être considéré comme un numéro 8 lourd ou hyperpuissant à un poste où certains spécimens atteignent les 130 kg : "Je suis à 114 kg. C’est à ce poids que je me sens le mieux. Je commence à connaître mon corps. Je continue de me renforcer mais je ne suis pas dans une optique de prendre des kilos. Peser plus pourrait nuire à ma mobilité."

La mobilité, le point qui a tout débloqué

Samedi, Grégory Alldritt a tenu 80 minutes d’une rencontre de Coupe du monde de haute intensité. À ses débuts en équipe de France, en 2019, il était régulièrement confronté au plafond de verre de l’heure de jeu : "Il fallait vraiment que je progresse sur l’endurance afin d’être compétitif sur 80 minutes et être capable d’assumer l’enchaînement des tâches. Ça a été le plus gros travail pour moi au début."

Le Rochelais, doté d’un fort potentiel mais sans superpouvoir à la base, a passé un voire deux paliers sur le plan physique. Tout particulièrement au niveau de sa mobilité et de sa capacité à répéter les tâches : la saison passée, il tournait à trois défenseurs battus par match, un plaquage toutes les neuf minutes et une charge toutes les cinq minutes… "Vu mon style de jeu, ça ne me servirait à rien d’avoir une vitesse de pointe à 35 km/h ou de faire des courses de 100 mètres. En revanche, être rapide sur les cinq ou dix premiers mètres et répéter les petites accélérations, c’est très important. Que ce soit pour le déplacement en défense ou les charges balle en main, c’est ce qui est déterminant." Son intelligence de jeu lui permet d’agir au bon moment, de prendre les bonnes décisions, pour optimiser ses efforts. Sa préparation estivale a été pensée pour l’amener dans une forme optimale pour cette Coupe du monde : "Je sens que j’ai vraiment pu progresser." À le voir sprinter sur plusieurs dizaines de mètres pour tenter de contrer Richie Mo’unga en première période, on ne peut qu’être d’accord avec lui.

Les rucks pour allier l’utile à l'agréable

Privé de Jonathan Danty puis de Julien Marchand, ses deux grands spécialistes du grattage, le XV de France a pu compter sur l’abattage de Grégory Alldritt dans le jeu au sol pour contrarier les offensives all blacks. Le Rochelais a régulièrement ralenti les libérations adverses et a récupéré deux pénalités dans ce secteur, dont une particulièrement précieuse sur un temps fort néo-zélandais dans le camp tricolore (35e) : "La phase de ruck m’a toujours plu car c’est un lieu de bataille et de lutte. C’est ce que j’aime à la base dans ce jeu." Avec ses 191 centimètres sous la toise, le numéro 8 arrive à intervenir rapidement au sol. Sa lecture du jeu, sa résistance physique et son appétence pour les travaux de l’ombre font le reste.

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Les commentaires (3)
TerrePromise Il y a 7 mois Le 12/09/2023 à 14:22

Son match face aux Blacks est légendaire, dantesque

dupinsurlaplanche Il y a 7 mois Le 12/09/2023 à 13:14

Lui c'est déjà une légende !

fojema48 Il y a 7 mois Le 12/09/2023 à 09:01

C'est LE grand joueur du rugby moderne