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Coupe du monde de rugby 2023 - PORTRAIT. Louis Bielle-Biarrey, un phénomène de précocité

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À 20 ans et 87 jours, Louis Bielle-Biarrey va devenir face à l’Uruguay le plus jeune Tricolore à disputer un match de Coupe du monde. Un record de précocité dont le joueur de l’UBB a dit avec un naturel désarmant qu’il ne lui évoquait "rien de particulier, puisqu’il ne permettra pas d’être champion du monde." On a donc demandé à ses proches de l’évoquer, pour le comprendre…

Alors qu’il aurait dû courant septembre passer par les sessions de rattrapage dans le cadre de son DUT GEA, Louis Bielle-Biarrey deviendra ce jeudi le plus jeune joueur à disputer un match de Coupe du monde sous le maillot du XV de France, à l’âge de 20 ans et 87 jours. Tout sauf un étonnement pour ses proches à commencer par Marko Gazzotti, meilleur joueur de la dernière Coupe du monde U20, qui le côtoie depuis de longues années : "Quand on m’avait interrogé à son sujet lorsque la liste des 42 a été publiée, j’avais répondu que c’était désormais lui qui avait les cartes en main pour la suite. Il les a plutôt bien jouées, et je n’en doutais pas… Louis, c’est un phénomène. La preuve est qu’à chaque fois qu’il doit franchir une grosse étape, il y parvient : pour son premier match en pro, il a marqué trois essais, pour sa première sélection en Écosse, il a marqué, et pour son premier match de Coupe du monde, je suis certain qu’il va marquer."

"Pour son premier match avec les U20, il a fallu lui signer une décharge parce qu’il n’avait pas 18 ans"

Témoin privilégié de l’accession de Bielle-Biarrey au plus haut niveau, son président à l’UBB Laurent Marti ne disait pas autre chose, en se rappelant sans peine ce fameux 16 janvier 2022, lorsque son jeune arrière avait été baptisé en Champions Cup face aux Scarlets, sous la loupe grossissante des caméras de France Télévisions. "On avait fait un déjeuner partenaires ce jour-là. Avant le match, j’avais dit aux partenaires : "Retenez bien ce nom parce qu’on est peut-être en présence d’un futur champion." Et il avait marqué trois essais dans la foulée… J’étais surpris sans l’être, car sa précocité sautait aux yeux."

A 20 ans et 87 jours, Louis Bielle-Biarrey va devenir le plus jeune international français en Coupe du Monde !

On en parle dans le podcast du jour > https://t.co/6WSfXWVfct pic.twitter.com/htTqIh234Q

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) September 13, 2023

Une faculté à arriver plus haut et plus vite que les autres au sens propre comme au figuré, qui ne se dément jamais depuis plusieurs années. "En juin 2021, il avait été doublement surclassé avec les U20 Développement pour un match contre l’Italie à La Seyne, et il avait enchaîné directement avec le Tournoi U20 qui se déroulait en juillet, nous rappelait son père et premier éducateur Joël. Pour son premier match, il a même fallu que je lui signe une décharge parce qu’il n’avait pas encore 18 ans, à quelques jours près."

"Depuis l’âge de 5 ans, il porte le même casque"

Comme le signe supplémentaire d’un destin qui paraissait tout tracé, depuis son plus jeune âge… "Quand il a commencé le rugby, il a tout de suite adoré à tel point que dans son lit, il dormait avec son ballon de rugby, nous avait confié sa maman Sandrine. Quand il avait cinq ans, on lui a acheté un Canterbury rouge, et depuis il n’en a jamais changé. Et quand on lui demandait à l’école quel métier il souhaitait faire plus tard, il répondait toujours à sa maîtresse qu’il voulait devenir rugbyman professionnel."

Mission accomplie avec une belle avance, qu’il s’agit désormais de couronner d’ici quelques semaines d’un autre exploit. "C’est un peu dommage qu’il n’ait pas été avec nous pour cette Coupe du monde U20 mais c’était pour une bonne cause, taquinait Gazzotti. Et puis, quand il sera lui aussi champion du monde, ça me fera plaisir de rejouer avec lui à l’UBB." On veut bien en accepter l’augure…

Le gabarit taillé pour la vitesse

"Flashé" à 35 km/h à Monaco pendant la préparation, Louis Bielle-Biarrey présente un gabarit taillé pour la vitesse, comme le souligne son partenaire à l’UBB Jean-Baptiste Dubié. "Lors de ses premiers entraînements avec les pros, on a vu arriver ce grand bébé qui n’avait pas de poil sur le visage, avec de longues jambes, ce profil élancé. Les anciens comme moi, ça les a interpellés. Quand tu vois un jeune taillé comme ça, tu te dis qu’il doit pédaler." Et pourtant, paradoxalement, l’évolution de "LBB" vers ce profil longiligne s’est effectuée sur le tard.

Face à l'Uruguay, Louis Bielle-Biarrey sera titulaire sur l'aile de l'équipe de France. Il deviendra ainsi le plus jeune Français de l'histoire à disputer une Coupe du monde, pas de quoi le déstabiliser.https://t.co/topSiOJAVw

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) September 12, 2023

"À 16 ans, il ne mesurait qu’un mètre 65, se souvenait son père. C’est à partir de la catégorie Crabos qu’il a commencé à développer des qualités de vitesse. Louis a pleinement bénéficié du savoir-faire des prépas physiques du FCG." "Cette année-là, il a comblé son retard et on a ressenti chez lui un déclic en matière de vitesse qui l’a aidé à prendre confiance en lui, confirmait Nicolas Bonnet-Gros, son entraîneur à Grenoble. Il a commencé à prendre confiance en lui, s’est épanoui et à partir de là, il y a eu un effet boule de neige." "Il y a aussi eu cette période covid qui, comme à tous, lui a permis de se développer, physiquement et techniquement, prolongeait Marko Gazzotti. Ensemble au pôle de Grenoble, avec Zacharie Affane, Barnabé Massa et quelques autres, on se tirait la bourre. Derrière, il a tout de suite enchaîné avec les U20 et la suite, vous la connaissez…"

La technique : un "QI rugby" supérieur

Ce qui frappe, chez Louis Bielle-Biarrey ? C’est qu’en plus de disposer de qualités supérieures de vitesse, celui-ci ne s’en sert jamais à mauvais escient, jouant presque toujours justement les coups. "Il va à 20 000, mais il y a d’autres mecs qui vont très vite, sauf qu’eux peuvent passer du 100 au 0, confirmé Dubié. Lui, il arrive à gérer son timing et ne jamais se faire prendre avec le ballon, ce qui fait de lui un super joueur de rugby. Depuis la fin de saison dernière, je l’ai trouvé de plus en plus fort là-dessus, notamment lors de notre barrage à Lyon." Une capacité à calculer les bons angles de course qui ne doit rien au hasard, mais bien à un QI rugby très au-dessus de la moyenne. "Avant de le retrouver en Crabos 2e année, j’ai d’abord entraîné Louis en minimes, tout en m’occupant de lui à travers la Section sportive du lycée Vaucanson, se remémorait Nicolas Bonnet-Gros. On utilise parfois l’expression à tort et à travers, mais Louis, il pue vraiment le rugby. En minimes, je proposais parfois des schémas de circulation beaucoup trop évolués pour des gosses. Le seul qui pigeait tout instantanément, c’était lui."

"Loulou, c’est un enfant de la balle, synthétise Laurent Marti. Quand je l’ai vu à l’entraînement, je l’ai tout de suite comparé à Baptiste Serin ou Matthieu Jalibert. Tout de suite, tu sens chez ces gosses-là une technique individuelle et une compréhension du jeu supérieures, qui leur permettent de se sortir de toutes les situations même sans avoir d’énormes gabarits. À 18 ans, Baptiste traversait le terrain au milieu des pros, Matthieu pareil, et Louis était dans cette veine. Il fait vraiment partie de ces joueurs différents."

Le caractère : entre humilité et "connerie"

S’il est un point commun entre les représentants de la génération dorée du rugby français, c’est bien d’affronter leur destin avec humilité et simplicité. Ce pour quoi Louis Bielle-Biarrey ne dénote en rien… "C’est une génération de joueurs qui prend tout avec légèreté, sans être des branleurs pour autant, admire Jean-Baptiste Dubié. Je les trouve vraiment plus matures et plus prêts que nous à leur âge." Un sérieux qui n’empêche évidemment pas un certain sens de la déconne, bien dans la tradition des lignes arrières girondines. "Nicolas Depoortere et Loulou, ce sont un peu nos petits frères à Nans Ducuing et à moi, s’amuse Dubié. Petit Louis est un vrai arrière, racé et élégant, et ces mecs sont toujours plus foufous que les autres. C’est un vrai piment, ça peut même être un imbécile, mais un imbécile heureux. Comme on les aime."

Louis Bielle-Biarrey is one to watch on the wing for @FranceRugby this Thursday \ud83c\udf1f\ud83d\udc99 pic.twitter.com/kEdQowVTbT

— Guinness Six Nations (@SixNationsRugby) September 12, 2023

Et Dubié de prolonger, exemple à l’appui. "Avec Nans, on avait fait une chanson à la con autour d’un doigt, qui s’appelait "doigt, doigt, doigt". Évidemment, sitôt qu’on a fait cette chanson, je m’en suis pété un… Depuis, chaque fois qu’il me croise, il me la chante." Un sens du chambrage propre à ceux qui se sentent à l’aise dans un groupe, ainsi que le confirmait son paternel. "Louis est comme ça, son bonheur, c’est juste de jouer au ballon avec ses copains, souriait Joël Bielle-Biarrey. Dans un groupe, il est toujours bien il ne pose jamais de problème. Et dès qu’il rentre à la maison à Grenoble, il retourne toujours voir ses anciens coachs et ses copains, que ce soit à Seyssins et au FCG. Régulièrement, il passe même saluer les FABulou’S du RCS, une équipe de sport adapté pour personnes en situation de handicap mental que j’ai eu le plaisir d’accompagner à leur formation. Il ne change pas." Sans doute parce qu’il n’y a pas grand-chose à changer…

La culture on l’appelle "Rugbypédia"...

Dernière marque de fabrique du personnage Louis Bielle-Biarrey ? Celui d’être, à l’image de cadres comme Antoine Dupont ou Thomas Ramos, d’être profondément passionné de rugby, de son histoire au jeu proprement dit. "Quand on l’avait reçu avec son père pour la première fois et évoqué l’histoire de l’UBB, il avait évoqué de lui-même la pénalité ratée par Lionel Beauxis à Toulouse en 2015, rembobine Laurent Marti. Il s’en souvenait alors qu’il n’avait que 12 ans à l’époque. C’était plaisant parce qu’en plus de savoir qu’il avait un talent fou, il était évident qu’il avait quelque chose en plus." "Quand tu parles d’anciens joueurs avec lui, parfois même très anciens, il les connaît, confirmait Dubié. Je me souviens que souvent, il me mettait des pièces en me citant des noms de mecs qui avaient arrêté il y a 30 ans."

D’où le surnom de "Rugbypédia" dont l’auraient affublé certains de ses proches, qui va toutefois bien au-delà de l’histoire pour s’étendre à l’ensemble du jeu, notamment de par ses facettes stratégiques et tactiques. "La stratégie, c’est quelque chose qui l’a toujours intéressé, souligne Gazzotti. Je ne vais pas dire que c’est un analyste du rugby, mais il a toujours eu une vision extérieure assez pertinente et a toujours aimé discuter stratégie avec les entraîneurs." "C’est un garçon qui pige et qui a une vraie intelligence de jeu, conclut Dubié. Quand tu vois comment il joue à son âge, tu comprends pourquoi : au-delà de son talent qui est dingue, c’est aussi un môme qui comprend et aime profondément son sport." Et qui en touche les fruits aujourd’hui…

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