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200 ans de rugby - Le rugby découvre les tirs au but

Par Jérôme Prévôt
  • Le rugby découvre les tirs au but
    Le rugby découvre les tirs au but Midi Olympique
Publié le
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La finale du championnat 1984 connut un épilogue inédit et non reproduit à ce jour : une séance de tirs au but avec, évidemment, un suspense insoutenable.

Quand, ce 26 mai 1984, les Biterrois et les Agenais pénétrèrent sur la pelouse du Parc des Princes, pas un ne se doutait qu’il la quitterait après une insoutenable série de tirs au but. "Nous savions juste que la finale ne serait pas rejouée car le XV de France partait le lendemain en Nouvelle-Zélande, nous rappela en 2014 Philippe Bonhoure, l’arrière de Béziers. Mais jamais on aurait imaginé finir comme ça. Même l’arbitre ne savait pas exactement ce qu’on allait faire." On imagine le pauvre Jean-Claude Yché obligé de siffler la fin du match à 21-21 après… 110 minutes de jeu et d’un duel de toute beauté. L’égalité était parfaite : quatre pénalités, un drop, plus un essai transformé. "Il y a eu un long moment de flottement. On a vu Charles Durand, le patron des arbitres, descendre sur le terrain avec le délégué du match et d’autres assesseurs."

Les capitaines Pierre Lacans et Daniel Dubroca sont appelés et se voient ordonner de désigner… trois tireurs. "C’est bizarre, se souvint Bernard Viviès, j’étais persuadé qu’il en fallait cinq. Dans les dernières minutes, j’avais calculé que nous n’en avions que quatre. Je me revois demander à mes entraîneurs de faire entrer le plus vite possible Pierre Montlaur. Je crois que les Biterrois voulaient faire entrer Léès. Mais ils n’y sont pas parvenus." Lacans et Dubroca apprennent finalement que la série se fera… à trois tireurs. Les palabres ont duré près de dix minutes pendant lesquelles le jeune Pierre Montlaur tape des pénalités à blanc pour s’échauffer.

Côté Béziers, Philippe Bonhoure est désigné en compagnie de Patrick Fort et de Pierre Fabre : "On a découvert qu’on devait tirer à quinze mètres de la ligne de touche. Je pensais qu’on ferait comme au foot, qu’on alternerait, mais j’ai aussi compris qu’une équipe tirerait d’abord en entier." Le scénario promet d’être cruel. Le tirage au sort permet aux Biterrois de s’élancer en premier. De la droite. Fort, buteur attitré, la réussit. Fabre et Bonhoure ratent : "Je me suis effondré, Agen était notre bête noire. On se disait qu’on ne pouvait pas gagner." Mais les Agenais ne font pas mieux, Montlaur et Mothe (blessé) échouent. Entre les deux, Viviès a réussi. Un sur trois partout. Le suspense est à son comble. Bonhoure rouvre les yeux : "Nous sommes repartis à gauche et nous étions tous droitiers, l’angle nous était donc favorable." Surprise, Fort manque. "J’ai eu les larmes aux yeux." Bonhoure poursuit : "Michel Fabre avait un moral d’acier. Il réussit son tir. Je suis bien obligé de revenir et Fabre me glisse : "Comme à l’entraînement Philippe !" Je frappe, ça passe."

Bernard Viviès craque

Trois à un pour Béziers. "Le match avait été grandiose, on savait que le dénouement serait cruel. Mais on pensait qu’on allait gagner. On avait tellement confiance en Viviès", poursuit Delbreil. Pierre Montlaur, 20 ans, s’avance. Il manque à nouveau. "Bien sûr qu’il y avait de l’émotion. C’était mon premier match officiel en première…", nous avait-il rappelé en 2014. Vache destin que de placer là un débutant. "Comme quoi, quand on n’a pas joué un match, c’est difficile de s’y faufiler dedans." Les Agenais n’ont plus droit à l’erreur. Il leur faut faire deux sur deux pour simplement accéder à une possible troisième série. Bernard Viviès, 29 ans, dix sélections, papa des lignes arrières s’avance : "J’ai trop ouvert mon pied." Le ballon s’échappe dans le décor. L’arrière s’écroule en gros plan devant des millions de téléspectateurs. Les Biterrois se jettent les uns sur les autres. Dire qu’on aurait pu les croire repus après neuf titres en douze ans… "C’était ma quatrième finale. Mais toutes furent différentes, on n’est jamais blasé", poursuit Bonhoure.

Les Héraultais fêtent le dixième titre d’Armand Vaquerin. Quant au pilier doit Jean-Louis Martin ; il célèbre un incroyable grand chelem : neuf titres en neuf finales. Les Agenais suffoquent avec l’idée que leur défaite fut sublime. Bernard Viviès cogite : "Heureusement que j’avais été champion deux ans avant. Cela m’a permis de tenir le coup." Pierre Montlaur repart au vestiaire forcément sonné : "Personne ne m’a rien dit. En douze ans de carrière au SUA, personne ne m’a reproché ces deux coups de pied manqués. Plus tard, on m’a dit que j’avais fait gagner l’équipe. J’ai toujours répondu que ce n’était pas vrai, puisqu’on ne m’avait jamais dit que j’avais fait perdre ce match. Mais la tristesse m’a accompagné, elle ne m’a quitté qu’en 1988 quand j’ai été enfin champion." Bonhoure confie : "Ce fut sans doute terrible pour lui. Mon épouse m’a dit qu’à l’échauffement, pendant les palabres, il avait tout passé. Pour ma part, je suis revenu en 2013 en finale comme arbitre vidéo, trente ans après. J’ai repensé à tout ça."

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