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Coupe du monde 2023 - Au cœur du RAID, qui protège les Bleus pendant le Mondial ?

Par Marc DUZAN
  • En haut : c’est dans leur sanctuaire de Bièvres, au cœur de l’Essonne, que les superflics du RAID nous ont dernièrement reçus afin de nous faire découvrir leurs méthodes d’entraînement, d’ailleurs largement inspirées de ce qui se pratique dans le rugby moderne. Le RAID possède une équipe de rugby depuis déjà plusieurs années: celle-ci participera d’ailleurs à une tournée en Afrique du Sud, dans la foulée du Mondial en France. En bas à droite : les hommes du RAID, une unité fondée par le commissaire Broussard, ici accompagné de l’actuel patron de l’unité d’élite Jean-Baptiste Dulion, assureront la sécurité des ix plus grosses équipes de la Coupe du monde, tout au long de l’automne. Photos RAID et ministère  de l’Intérieur
    En haut : c’est dans leur sanctuaire de Bièvres, au cœur de l’Essonne, que les superflics du RAID nous ont dernièrement reçus afin de nous faire découvrir leurs méthodes d’entraînement, d’ailleurs largement inspirées de ce qui se pratique dans le rugby moderne. Le RAID possède une équipe de rugby depuis déjà plusieurs années: celle-ci participera d’ailleurs à une tournée en Afrique du Sud, dans la foulée du Mondial en France. En bas à droite : les hommes du RAID, une unité fondée par le commissaire Broussard, ici accompagné de l’actuel patron de l’unité d’élite Jean-Baptiste Dulion, assureront la sécurité des ix plus grosses équipes de la Coupe du monde, tout au long de l’automne. Photos RAID et ministère de l’Intérieur
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Cet automne, les agents du RAID assurent la protection des Bleus et de plusieurs autres nations en lice pour la Coupe du monde. Avant que la compétition ne débute, on a donc rendu visite aux "sentinelles de la République", dont l’organisation ressemble à bien des égards à celle d’une équipe de rugby…

RAID. Quatre lettres qui claquent comme une gifle. Une monosyllabe qui frappe l’inconscient collectif et exhume le souvenir de quelques-unes des pages les plus marquantes de l’histoire du pays : de fait, le RAID (Recherche Assistance Intervention Dissuasion) intervient où la mort rôde, agit où le sang coule ou a déjà coulé. Jean-Baptiste Dulion, le patron de l’unité spéciale, dit ceci : "Il n’y a plus d’alternative, après nous. Nous sommes le dernier recours."

Depuis sa création en 1985 par Robert Broussard, l’homme ayant appréhendé Jacques Mesrine avant de devenir un dirigeant comme un autre du rugby français, le RAID a arrêté les chefs d’Action Directe en 1987, mis fin à la prise d’otages par Human Bomb dans une école maternelle de Neuilly-sur-Seine, coffré Yvan Colonna dans le maquis corse, neutralisé Mohamed Merah rue du Sergent-Vigné à Toulouse ou abattu Amedy Coulibaly lors de l’attaque de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, à Paris. "Ces affaires ne sont pourtant que la partie émergée de l’iceberg, enchaîne Dulion. Les opérateurs du RAID interviennent tous les jours sur des missions de personnalités menacées ou en renfort des forces de police pour l’interpellation d’individus considérés comme extrêmement dangereux."

Au cœur du RAID,  chez les sentinelles du Mondial
Au cœur du RAID, chez les sentinelles du Mondial

Pour atteindre les "sentinelles de la République", il faut tourner le dos à Paris et rouler une quinzaine de minutes en direction du Sud, longer l’aéroport militaire de Villacoublay puis s’enfoncer dans la forêt de Bièvres. Au bout d’une petite route goudronnée, surgit alors une énorme bâtisse : celle-ci fut à l’origine un cadeau du Roi Soleil à l’une de ses promises, Louise de la Vallière, avant d’être transformée en monastère à la fin du XIXe siècle. De ce temps naguère, subsiste à Bièvres une chapelle que les gars du RAID ont reconvertie en une vaste salle de sport où cohabitent quelques bancs de muscu, plusieurs rameurs et un ring de boxe.

Quand Arlettaz inspire les opérateurs

En 2023, la section d’élite de la police nationale englobe 500 opérateurs au total, dont 200 sont basés sur ce bout de terre de l’Essonne où paissent, indifférents au tumulte des hommes, quelques daims sauvages, quoique peu farouches. Mais le RAID compte aussi d’autres antennes que celle de Bièvres, des escouades basées dans toutes les grandes métropoles du pays ainsi qu’en Guadeloupe, en Guyane et plus récemment, à Mayotte. Il faut, pour intégrer l’écurie fondée par le père Broussard, se soumettre au préalable à une terrible batterie de tests, une trentaine d’exercices comme le combat rapproché, la traditionnelle séance de tir, la vénérable session d’endurance ou encore ce moment rare d’introspection… survenu du haut d’une grue culminant à 30 mètres.

Dulion, à la tête du service depuis 2017 après être passé par le service des opérations de la DGSI (sécurité intérieure), enchaîne ainsi : "Le concours d’entrée est ouvert à tous les policiers en exercice : on reçoit 200 dossiers et, après un premier tri, 80 se présentent en ces lieux. S’ensuit un examen d’entrée pour le moins difficile, qui se déroule à Bièvres et s’étale sur une semaine." Parmi ces 80 aspirants - à l’origine gardiens de la paix, officiers de police judiciaire ou "baqueux" - dix recrues (douze, les meilleures années…) resteront sur site. La plupart d’entre-eux seront opérateurs, hommes de terrain. Les autres, au nombre de six en région parisienne, deviendront "négociateurs" ou "négociatrices", retenus dans le squad pour leurs caractères empathiques, un sens évident de la diplomatie et leur capacité à répondre à des situations de stress ultime, la médiation avec Mohamed Merah ayant par exemple duré une dizaine d’heures : "Sachez qu’en face de vous, lâcha entre mille autres phrases le djihadiste au négociateur du RAID, vous avez un homme qui n’a pas peur de la mort. La mort, je l’aime même comme vous vous aimez la vie."

Au cœur du RAID,  chez les sentinelles du Mondial
Au cœur du RAID, chez les sentinelles du Mondial

En face, les agents du RAID jonglent donc tout à la fois avec l’adrénaline, la peur ou la pression. Nicolas, un des chefs opérateurs de la section d’élite, explique : "Ça fait partie du truc, oui… Mais la pression ne nous tétanise pas. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la phrase qu’avait lâchée Patrick Arlettaz (l’ancien manager de l’Usap, NDLR) à ses joueurs avant de disputer un match capital face à Toulouse dans la course au maintien : "Ce n’est pas un match à pression, les gars… C’est un beau match…" Car c’est vraiment ce que je ressens, en mission."

Maul pénétrant, alignement en touche, plaquage…

Depuis ce jour de 1985 où Pierre Joxe, alors ministre de l’Intérieur, baptisa le RAID, trois opérateurs (Fernand Seither, René Canto et Christian Caron) ont malheureusement perdu la vie dans diverses opérations. Jean-Baptiste Dulion, appelé entre ces murs "Laser 1", "patron" ou "le 1", enchaîne ainsi : "Notre devise est "servir sans faillir" . Il faut savoir que l’activité des opérateurs du RAID est quotidienne sur l’ensemble du territoire, que chaque jour ils se mettent en danger et peuvent parfois le payer au prix fort, ou rester marqués à vie." En opération, un agent du RAID porte au bras un bouclier de 18 kg, un casque de 5 kg sur le crâne et, sur le corps, un gilet pare-balles de 25 kg : de fait, les superflics de la République ont, avant de faire carrière dans la police, brillé dans des sports collectifs ou individuels, boxe anglaise, judo, handball, karaté ou lutte. "Nous avons aussi des pilotes de rallye, confie Nicolas. Ce peut être un atout important pour suivre les "go-fasts" (grosses cylindrées utilisées par les trafiquants pour transporter des stupéfiants, N.D.L.R.)."

Cette année, et comme ce fut le cas lors de la Coupe du monde 2007 en France, les opérateurs du RAID (à raison de six hommes par délégation) sont donc chargés de la protection du XV de France et de toutes les équipes des poules A et B de la compétition. Ceci étant posé, qui serait toutefois assez sot pour donner l’assaut à trente mecs de 110 kg, pour les moins bien pourvus d’entre-eux ? Jean-Baptiste Dulion nuance aussitôt : "Il n’y a pas, ici, de protection rapprochée de piliers de 130 kg mais une protection de l’équipe dans son ensemble. Car on n’est jamais à l’abri d’une tentative d’intrusion, d’une agression voire pire… En s’en prenant à une équipe nationale, certains estiment s’en prendre à des symboles."

Au cœur du RAID,  chez les sentinelles du Mondial
Au cœur du RAID, chez les sentinelles du Mondial

Existent aussi, entre le RAID et le rugby, des dizaines de passerelles : en opération, la colonne d’intervention formée par les agents a par exemple les faux airs d’une situation de touche où le rôle du patron d’alignement, qui annonce les combinaisons, serait ici endossé par le chef de colonne, lequel contrôle donc le mouvement global ; en position d’assaut et protégés, en première ligne, par l’énorme bouclier Ramsès, les opérateurs du RAID se placent aussi autour du porteur de bouclier comme le font des avants lors de l’organisation d’un maul pénétrant, avec deux soutiens latéraux et un autre, en soutien axial ; l’interpellation en pleine rue, elle, s’inspire enfin largement du plaquage proprement dit, une percussion pleine puissance au niveau du thorax. Nicolas, à Bièvres depuis maintenant sept ans, ajoute : "En opération comme au rugby, le plus petit peut sauver le plus grand. Nous avons enfin, comme les Tricolores de Fabien Galthié, nos entraînements à haute intensité : le mercredi après-midi, nous nous mettons en condition quasi réelles afin de nous rapprocher au maximum du stress engendré par la réalité de l’opération. Ces jours-là, ce sont des agents de police extérieurs qui prennent le rôle de victimes ou de forcenés. Mais on tire à blanc, évidemment…"

En grossissant le trait à l’extrême, on dirait même que les super flics de Bièvres ont aussi un rituel s’apparentant à une séance vidéo d’après-match, voire à une authentique troisième mi-temps : "On ne peut pas dormir après une intervention, conclut Nicolas. L’adrénaline est trop présente. À 7 heures du matin, il nous arrive donc souvent de débarquer dans un resto où nous avons nos habitudes pour avaler une omelette et débriefer l’intervention." Après la Coupe du monde, l’équipe de rugby du RAID devrait enfin participer à une tournée en Afrique du Sud où elle affrontera, à Johannesburg, les forces spéciales de la "rainbow nation". Pour l’anecdote, c’est l’ambassadeur de France en Afrique du Sud, David Martinon, qui a facilité le voyage. Son Excellence Martinon, que les agents du RAID avaient d’ailleurs exfiltré d’Afghanistan en 2021, lors de la prise de Kaboul par les Talibans…

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Les commentaires (1)
CasimirLeYeti Il y a 7 mois Le 19/09/2023 à 23:55

Beau sujet, la quintessence de l'excellence française !