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XV de France - "Derrière ses lunettes noires, Galthié est clair", assure Thomas Coville, navigateur français et proche du sélectionneur

Par Yanis GUILLOU
  • Navigateur français, Thomas Coville est proche du milieu du rugby par l'intermédiaire du sélectionneur Fabien Galthié. Il le décrit, sans détour.
    Navigateur français, Thomas Coville est proche du milieu du rugby par l'intermédiaire du sélectionneur Fabien Galthié. Il le décrit, sans détour. DR
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Au milieu des Thomas Pesquet, Nikola Karabatic, Jean-Louis Aubert, Jérémy Flores ou autre Laurent Tillie, le navigateur français Thomas Coville a été l’un des "grands témoins" voulus par Fabien Galthié. Intervenu auprès du XV de France avant un match contre le pays de Galles en 2020, celui qui a toujours flirté avec le rugby est un proche du sélectionneur des Bleus. Il décrit ses sentiments à son égard et exprime toute son admiration.

Vous êtes proche de Fabien Galthié. Que reconnaissez-vous en lui ?

C’est vraiment une inspiration très forte pour moi. D’ailleurs, quand on discute en ce moment de sa stratégie et de ce qu’il fait pour le Mondial, c’est très inspirant pour mon tour du monde. Je suis en capillarité avec lui. Aujourd’hui, il est adulé et à juste titre mais quand nous nous sommes rencontrés aux étoiles du sport, il sortait de son expérience à Toulon qui a été assez difficile et presque douloureuse. Mais ce que j’adore dans les grands champions et les grands coachs, c’est ce que j’ai appelé la période de rebond.

C’est-à-dire ?

Si vous faites une courbe avec des spirales, à un moment, vous sentez que vous arrêtez de progresser. Vous stagnez et ça décroît même avant de repartir. Ce moment où nous rebondissons c’est là où il y a le plus d’énergie à aller chercher de l’extérieur parce qu’il faut que ce rebond soit le plus court possible. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avions tous les deux besoin de rebond. Nous étions donc très en phase avec ce que nous vivions : les erreurs, les échecs… Pour un athlète, il y a de toute façon plus d’échecs que de victoires car le succès reste un Graal. Notre échange était touchant. Je pense que nous avons eu la sincérité et l’honnêteté de se livrer.

Vous avez donc accepté son invitation avant le match contre le pays de Galles en 2020, pour partager votre expérience auprès des Bleus…

Suite à cela, il m’a proposé effectivement d’être un des "grands témoins". Donc je suis allé à Marcoussis. C’est assez impressionnant car vous entrez dans l’antre du XV de France. En plus, je suis arrivé quand c’était le début de l’ère Galthié. Il avait demandé que les bâtiments soient rénovés, il avait introduit la diététique… Surtout, il avait commencé à vraiment former son staff sur la préparation physique et en particulier la data, ce qui m’avait beaucoup impressionné. En tant que navigateur, j’utilise énormément la data et sur cela, j’avais énormément de sujets de conversation avec lui. Mais j’étais intervenu auprès du groupe davantage sur la récupération et l’endormissement. Comment réussir à s’endormir avant un match comme moi quand je suis en mer et que je n’ai que quelques minutes pour m’endormir puisque mon sommeil doit être très court. J’ai aussi parlé de l’engagement total parce que lorsqu’ils entrent sur le terrain et quand moi je pars en mer, il y a cet engagement total.

Qu’est-ce qui vous avait frappé à l’époque ?

La vision que Fabien avait déjà des différents temps forts et temps faibles. Comment répartir et orienter la grille de jeu ? Il donne aux joueurs la lecture qu’il a pour ensuite leur permettre d’avoir une autonomie. C’est ce qui a permis de faire émerger les grands joueurs. Je pense à Antoine Dupont, Romain Ntamack et plein d’autres. Il ne cherche pas à les enfermer dans une méthode Galthié mais à leur donner les clés sur le terrain. Il est juste là pour instaurer le cadre.

Le staff a fait découvrir au grand public un aspect qui était jusque-là peu commun dans le rugby : la culture du chiffre. En tant que skippeur, cela vous a intéressé ?

Nous avons parlé tout de suite ensemble de la data. La data, ce n’est pas un point mais une surface de points, donc une surface de réponses possibles et même une probabilité de surface de réponses possibles pour chaque joueur.

Développez ?

Disons qu’un avant et un demi d’ouverture ne seront pas exposés au même danger de créer une pénalité ou un temps faible. Mais la data permet de voir sur quel point précis le joueur a été en difficulté sur les derniers matchs. Sur sa statistique, il faut que ce dernier travaille sur les deux ou trois points précis et pas sur l’intégralité des règles du rugby. C’est là où je trouve que Fabien Galthié est très concret. Du coup les joueurs adhèrent et une fois qu’ils sont sur le terrain, ils ont tout de même cette capacité à être créatifs, à s’exprimer, en étant au service du groupe. Ils sont en même temps beaucoup plus clairs dans la définition de leur poste. J’adore cette vision qui est pour moi sociétale.

Et pour en revenir aux chiffres ?

Derrière ses lunettes noires, c’est très clair. Lui n’est pas mathématicien et les maths ne le passionnent pas. Moi je suis ingénieur et mathématicien, je lis des livres et suis passionné par cela. La data est un gros mot en France et chez les Latins. Mais aujourd’hui, je suis évalué 24h/24h et 7j/7j quand je suis en mer et je sais que les mathématiques sont un trait d’union. J’ai appelé cela les irrévocables : si vous déterminez chez les athlètes leur accélération et que vous êtes d’accord sur un chiffre, alors nous avons un point d’appui pour pouvoir dire que nous avons été bons ou pas, ou que nous pouvons nous améliorer. C’est honnête, transparent. Il n’y a pas de jugement car c’est irrévocable. Nous allons jusqu’à la philosophie du chiffre et Fabien va beaucoup chercher des choses dans la philosophie. Nous nous sommes rejoints sur cela et la data est un point important. La data amène un dialogue commun, loin des émotions, ce qui permet de se mettre d’accord. Fabien a capté cela chez les joueurs, les préparateurs physiques et il les a convertis. Du coup, le staff du XV de France sait où il veut aller.

Vous avez des exemples concrets ?

Grégory Alldritt, qui est un mec extraordinairement puissant. Le staff a pu lui expliquer grâce à cela que sa puissance devait être canalisée sur des points précis car sinon il pouvait se mettre à la faute. Du moment où il a été transformé comme cela, il est devenu imbattable.

C’est donc ce staff qui a hissé ces joueurs au top niveau ?

Bien sûr ! C’est le staff qui a créé ces joueurs-là. Je parle d’Alldritt car ce mec est un cœur de lion qui me fascine, mais les statistiques de Penaud sont aussi extraordinaires. Sur quinze ballons, il marque huit essais ! Et il faut se rendre compte de la confiance que tu donnes à un garçon quand tu lui dis : "On s’en fout que tu touches quinze ballons dans le match, mais nous voulons que lorsque tu touches un ballon, il se passe quelque chose." Si le staff n’avait pas fait cela, Penaud aurait peut-être eu la culpabilité de ne pas se livrer assez.

Vous ne tarissez pas d’éloges !

Sur Fabien Galthié, je suis intarissable (rires). J’essaie d’expliquer par des points concrets pourquoi il est aussi compris en ce moment alors qu’il avait déjà ça avant. Il est en plus d’une intégrité incroyable. Regardez quand Bernard Laporte a eu ses problèmes, il a quand même reconnu que c’était Bernard Laporte qui l’avait fait venir et qui lui avait donné carte blanche. Fabien a besoin d’avoir carte blanche et je suis pareil que lui. Nous sommes très similaires : des créatifs qui ont besoin d’une liberté. Or dans les Fédérations et dans les clubs, il n’y avait pas encore eu cette autonomie. Il y a des dirigeants de clubs qui se mêlent du recrutement !

Fabien Galthié est aussi reconnu pour donner sa chance dans la durée aux joueurs qu’il apprécie…

J’avais vraiment une affection particulière pour Mohamed Haouas. Ce mec était très touchant. Le XV de France, c’était la chance de sa vie et Fabien avait compris cet homme à qui il avait donné sa chance. Il a perdu mais j’adore cette notion de donner sa chance avant que les gens y croient. Parce que des gens qui croient en votre truc après que ça a marché, vous en rencontrez beaucoup.

Arthur Vincent et Gabin Villière font eux partie du groupe des trente-trois convoqués pour la Coupe du monde malgré leurs récents déboires physiques. Comment appréciez-vous cette confiance ?

Ça, c’est Fabien. Il sait quand un mec a faim. Quand on donne sa chance à quelqu’un comme ça, on sait qu’il va donner ses tripes. Fabien a cette humanité, il comprend que le mec s’est blessé mais connaît la blessure pour savoir si le joueur a une chance de revenir. Ça c’est beau et pour gagner de grandes victoires, il faut que la victoire vous dépasse. Le XV de France fait en ce moment quelque chose qui le dépasse. Les joueurs n’ont pas peur de gagner car c’est quelque chose qui les dépasse.

Ça va plus loin que le rugby ?

Lorsque je suis devenu l’homme le plus rapide à faire le tour de la planète en quarante-neuf jours, trois heures, sept minutes et trente-huit secondes, énormément de gens étaient là parce que mon témoignage était beaucoup plus fort que juste une victoire. Et ce que fait Fabien Galthié vis-à-vis d’un jeu et d’une nation, c’est pareil.

Vous avez échoué quatre fois avant de réussir votre cinquième tentative pour le record du tour du monde. L’échec est-il envisageable même pour ces Bleus lors de la Coupe du monde ?

L’échec, c’est le brouillon. D’avoir la prétention qu’il n’y a pas d’échec possible, ce serait déjà se tromper. C’est même le meilleur moyen de se prendre les pieds dans le tapis. Je dis juste que tout ce qui a été bâti en quatre ans est déjà prodigieux. C’est un souffle et une ère différents.

Pour le XV de France, l’échec semble avoir été la génération précédente, qui n’a jamais réussi à se hisser au niveau…

On a l’air de dire en comparant les générations que celle d’avant était nulle. Non, elle ne l’était pas, elle était même super forte. Mais le niveau des joueurs est mieux valorisé par Fabien.

Comment fait-il ?

Vous remarquerez que Fabien ne les engueule pas du tout. J’avais été choqué de cela une fois à La Rochelle, quand Collazo entraînait. Les engueulades dans le vestiaire… Vous avez réussi quelque chose d’un gamin que vous avez engueulé ? Moi pas.

Galthié continuera d’être sélectionneur du XV de France après la Coupe du monde. Cela vous plaît ?

Le fait qu’il ait reconduit son désir, prenons-le comme un cadeau du ciel. S’il avait été juste dans son ego, il aurait arrêté après la Coupe du monde. Pour moi, cette décision de dire "je vais aller encore plus loin" est très forte, très belle philosophiquement. S’il avait arrêté, il se serait en plus mis un enjeu terrible sur cette Coupe du monde. La victoire, elle est souhaitée mais c’est un moyen, pas une fin en soi.

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Les commentaires (1)
Mudros Il y a 7 mois Le 20/09/2023 à 10:43

Merci pour cet article, tres interessant pour comprendre la methode Galthie!!