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Coupe du monde de rugby 2023 - Reportage. Entre billig et rugby, la double aventure du Chili

Par Jérémi Blachère
  • Les Chiliens passent du bon temps en Bretagne.
    Les Chiliens passent du bon temps en Bretagne. Photos Ar Shewel, Philippe Cabel et J.B.
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Qualifiés pour la première fois de leur histoire à une phase finale de Coupe du monde de rugby, les Chiliens ont choisi la cité bretonne de Perros-Guirec comme camp de base.

Côte de Granit rose. Dans ces boutiques imprégnées d’air iodé, les touristes se font moins nombreux en cette fin d’été. Pourtant, en arrivant à quelques encablures de la mer, l’attraction de la saison est en place. Un poteau de rugby géant orné de drapeaux chiliens est planté à l’entrée Perros-Guirec où les Chiliens ont décidé de poser leurs valises à l’occasion de la dixième Coupe du monde de rugby à XV. Invitée pour la première fois dans la « grande Mecque du rugby mondial » après s’être défaite du Canada et des États-Unis en éliminatoires, la sélection chilienne a choisi les Côtes-d’Armor pour se donner toutes les chances d’exister dans cette compétition et continuer sa progression.

Ancien pensionnaire du lycée français de Santiago, le deuxième ligne Javier Eissmann revient sur cet exploit majeur pour le Chili dans un français quasi-parfait. « C’est vraiment incroyable ce qui se passe. L’arrivée de Pablo (Lemoine, sélectionneur, N.D.L.R.) a permis de créer un système de performance dans un rugby qui était complètement amateur. La professionnalisation de notre sport nous a permis de toucher du bout des doigts ce rêve que l’on pensait impossible il y a quelques années. »

Devenue réalité, l’utopie se vit donc depuis la Bretagne pour les Condors, qui ont choisi ce cadre bucolique afin de mieux respirer dans cette aventure rugbystique. « On voulait s’installer dans un endroit calme et isolé des demandes médiatiques, et trouver une ville avec des gens simples, comme nous. On a vraiment ressenti une bonne énergie à Perros-Guirec. On a cru en eux et on a pris la bonne décision », indique Felipe Romero, team manager du Chili.

Des infrastructures pensées « sur-mesure »

Au cours des quatre dernières années, les Perrosiens ont tout mis en œuvre pour permettre aux Condors de prendre leur envol. C’est en 2019 que tout s’est joué. « On était en pleine construction d’un projet sportif municipal axé sur le haut niveau. On s’est dit qu’il fallait absolument que les enfants le côtoient d’un peu plus près. Accueillir une délégation était l’opportunité parfaite même s’il y avait beaucoup de concurrence. C’est ça, la richesse du sport : parfois il y a des surprises, et on a gagné ! », se remémore Gildas Raoul, directeur du service Jeunesse Vie Scolaire et Sport de Perros-Guirec.

« Il y a tout de suite eu un bon feeling avec Felipe. En lien avec le staff chilien, nous avons mis à niveau toutes nos infrastructures pour correspondre au mieux à leurs envies », explique l’élu. Un point qui a d’ailleurs grandement pesé dans la balance pour les Sud-Américains. « On m’a montré des plans, demandé mon avis concernant la configuration des lieux et équipements comme la salle de musculation… J’ai senti que la ville mettait tout en œuvre pour nous faire vivre la meilleure expérience possible. Toutes ces attentions nous ont convaincus de nous installer ici », détaille le Team manager chilien.

Dans une compétition qui a vu et va voir les Condors jouer à Toulouse, Bordeaux, Lille et Nantes – soit près de 5 000 kilomètres parcourus en un mois, en avion et en bus –, la proximité de l’océan a été déterminante. « S’endormir avec le son des vagues, c’est très relaxant. On a passé une dizaine de jours ici avant notre premier match à Toulouse. Là-bas, comme dans toute ville, il y avait énormément de bruit : aéroport, voitures, supporters… Quand on est rentrés, les joueurs étaient presque surpris de ce calme. C’est un peu notre espace de retraite. On s’y repose et on recharge nos batteries au rythme des vagues. Tous les matins, les joueurs vont se baigner dans la mer pour bénéficier d’une récupération optimale », détaille Felipe.

Au-delà de l’aspect pratique, le littoral breton a charmé les Chiliens. « La côte de granit rose et l’océan sont très très beaux. La marée nous a surpris, on ne voit pas ça au Chili car on est un pays sismique » précise le seconde ligne chilien, qui s’est vu offrir un maillot de bain aux couleurs de la ville comme le reste du groupe.

Les Chiliens se sont essayés aux danses traditionnelles bretonnes.
Les Chiliens se sont essayés aux danses traditionnelles bretonnes. Photos Ar Shewel, Philippe Cabel et J.B.

Engouement local et extra-rugby

Leur participation à une Coupe du monde est une grande première. Venir en Bretagne l’est tout autant. « Si ce n’était pas pour le rugby, je ne me serais jamais rendu ici », confie Javier Eissmann. Pour s’imprégner de la culture locale, la délégation chilienne a pu compter sur les Bretons pour leur concocter un programme aux petits oignons. Entre partie de golf, voile, excursion sur l’archipel des 7 îles… et initiation au billig, cette plaque de fonte ancestrale utilisée pour cuire crêpes et galettes. « On a développé de nouvelles compétences. La première crêpe n’était pas évidente, la deuxième un peu mieux. Ça travaille la motricité fine de trouver le bon geste », plaisante le joueur chilien.

Partout en ville, les vitrines sont habillées de rouge, blanc et bleu, à l’image du drapeau chilien. « C’était facile, ils ont les mêmes couleurs que nous », note Gilles Ravassard, caviste et amateur de rugby. Lui aussi conquis par les Condors. « On les croise un peu partout au gré de leurs promenades et exercices. Ils ont toujours le sourire, sont très avenants et très ouverts. Il n’y a pas de distance entre eux et nous », poursuit le commerçant, amusé de voir ces golgoths sur leurs petits vélos électriques prêtés par la mairie.

Asado et Cidre, l’improbable duo

Après s’être pliés aux coutumes locales, les Chiliens ont partagé un bout de leur histoire avec les Perrosiens, le 18 septembre dernier. Soit le jour des « Fiestas Patrias », la fête nationale du Chili au cours de laquelle le pays s’embrase deux jours durant pour célébrer son indépendance, acquise le 18 septembre 1810. « Tous les habitants ont l’habitude d’y participer. On est très patriotes : on sort les drapeaux et les enfants portent des costumes traditionnels. Pour célébrer ce grand jour, la ville nous a reçus, et on a fait un grand Asado (grand barbecue placé au centre de l’espace et près duquel tout le monde se rassemble, N.D.L.R.) », explique Javier, qui a pu respecter la tradition à 11 297 km de chez lui.

« On tenait absolument à fêter ça avec eux. On avait d’ailleurs tout préparé dans la salle des fêtes pour les recevoir. Mais contrairement à nous, les Chiliens vivent majoritairement dehors. Nous avons tout réinstallé dans les jardins annexes », se souvient Gildas. « Comme toujours, les Perrosiens ont mis les petits plats dans les grands pour nous. C’était important de partager ce moment avec eux pour leur faire découvrir notre culture », renchérit Felipe Romero qui avait, pour l’occasion « un peu changé les habitudes ». Et troqué la bière pour du cidre breton.

Beau voyage et héritage

« On est très reconnaissants de la façon dont on a été accueillis. L’idée, c’est aussi de laisser un héritage ici », confie Felipe. Heureux de ressentir l’engouement local à chaque entraînement de l’équipe, au rythme des « Chi-chi-chi, le-le-le, viva Chi-le ! » scandés depuis les tribunes garnies du stade Yves Le Jannou. Une aventure humaine et sportive qui devrait bénéficier au club de rugby local de Lannion-Perros sur le long terme, selon son vice-président, Alain le Bouffant.

« Avec la dynamique créée sur le territoire et l’image extrêmement positive véhiculée par le Chili, on espère accrocher les 400 licenciés », détaille le passionné, qui comptait 320 adhérents à la fin du dernier exercice. Pour les Chiliens, l’objectif est clair : marquer les esprits. « On veut laisser une trace de notre passage et s’installer durablement sur la scène internationale. On a gagné le droit d’être ici. Désormais, on veut montrer qu’on est capable de jouer à ce niveau », affirme Javier Eissmann. Après avoir affronté le Japon, les Samoa et l’Angleterre, ne reste désormais que le rival Argentin à affronter pour continuer de se frayer un chemin vers les sommets du rugby mondial.

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