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Coupe du monde de rugby 2023 - Exclusif. Paolo Garbisi (Italie) : "Les Blacks ? Ça va être l’enfer"

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    Coupe du monde de rugby 2023 - Pablo Garbisi (Italie) Icon Sport - Icon Sport
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Paolo Garbisi - Le demi d’ouverture incarne la renaissance italienne de ces dernières années. Le jeune chef d’orchestre de la Nazionale (23 ans, 27 sélections) évoque les progrès observés depuis trois ans, l’impact de Kieran Crowley et la façon dont il aborde ces deux huitièmes de finale.

Quel est votre bilan à mi-chemin de cette phase de poules ?

On est où on voulait être après les deux premiers matchs. On voulait marquer dix points pour se qualifier au Mondial 2027 et heureusement c’était le cas. On est plutôt content par rapport à ça. Maintenant, il y a des choses à régler, pour se mettre au niveau des équipes que l’on va affronter, qui seront bien plus fortes que nos deux derniers adversaires. On est conscient de ça et du fait qu’il va falloir monter en puissance si on veut espérer quelque chose.

Au-delà des résultats, vous avez affiché de bonnes choses dans le jeu. Qu’en avez-vous pensé ?

C’est vrai. On a eu des difficultés contre l’Uruguay, notamment en première mi-temps, mais on a retrouvé notre jeu, surtout en attaque, car c’est notre force en ce moment. C’est une bonne chose. On peut garder de l’optimisme pour les matchs à venir.

Vous disiez que vous appréciez jouer premier centre, d’autant plus avec l’équipe d’Italie qu’avec Montpellier. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

En fait, vu la façon dont on joue, surtout avec le ballon, ici avec l’équipe d’Italie je peux vraiment m’appliquer en étant un deuxième numéro 10. J’ai la chance d’avoir beaucoup le ballon en main, j’ai pas mal d’opportunités et c’est ce que je peux apporter en numéro 12. Car je ne suis pas le premier centre le plus costaud du monde ! Donc je dois trouver d’autres moyens pour aider l’équipe. Mais dans la façon dont on joue, je peux vraiment aider l’équipe avec le ballon en essayant de mettre mes copains dans les espaces.

Est-ce moins le cas à Montpellier ?

On n’a vraiment pas la même façon de jouer. On est un peu plus conservatif à Montpellier, on joue plus au pied. Et c’est bien aussi car on a vu que ça nous fait gagner, on a été champion il y a deux ans. Ce sont juste deux façons différentes de jouer. Mais disons que pour moi, être numéro 12 en équipe d’Italie est plus amusant.

Top 14 - Paolo Garbisi sous le maillot de Montpellier
Top 14 - Paolo Garbisi sous le maillot de Montpellier Icon Sport - Icon Sport

Malgré tout, malgré la présence de Brex à vos côtés, c’est vous qu’on a vu attaquer la ligne à plusieurs reprises contre l’Uruguay. Vous ne pesez que 90 kg mais vous semblez aimer ça…

C’est vrai, même Brex m’avait demandé en début de semaine s’il devait faire lui-même cette partie-là du job. Mais j’ai pris l’habitude de le faire cette saison avec Montpellier. Ça ne me perturbe pas trop. Je n’aime pas forcément ça, mais il y a des moments où il faut le faire. Et quand il faut le faire, il faut le faire au maximum. Mais c’est sûr que ce n’est pas ma force naturelle.

C’est aussi le propre d’un cinq/huitième de faire jouer autour de lui…

Forcément ! Si j’étais comme Danty, j’aimerais taper les mecs à 10 000, c’est sûr (il rit). Mais on n’a pas du tout les mêmes gabarits donc je dois apporter autre chose à l’équipe.

La sélection de deux centres seulement dans le groupe par Kieran Crowley était-il un indicateur de votre positionnement ?

Avant la blessure de Menoncello, qui était sûr de sa place avant de se blesser, on avait prévu de venir avec trois centres. Kieran (Crowley, N.D.L.R.) m’avait dit que j’étais considéré seulement comme un ouvreur. Il a dû revoir ses plans. Vu sa blessure, et le fait qu’on avait que deux centres, je m’imaginais qu’il y aurait de la place pour moi au centre aussi. Et effectivement, Kieran m’a dit qu’il avait les moyens pour moi de jouer au centre.

Qu’est-ce que ça fait de vivre ce Mondial en France, alors que vous avez rejoint ce pays il y a deux ans maintenant ?

C’est moins bizarre pour moi que pour mes coéquipiers. En vivant en France depuis un moment, j’ai pu voir le développement de cette Coupe du monde, j’ai senti la tension monter pour ce Mondial, et disons la "hype". Je savais que ce serait une Coupe du monde exceptionnelle au niveau des stades, des supporters, de tout…

Avec le recul, n’était-ce pas risqué de changer de vie et de pays pour rejoindre le très compétitif championnat français à seulement 21 ans ?

Ça l’était mais j’étais convaincu de cette expérience. Je dois dire que mes coéquipiers et les gens au club m’ont très bien accueilli. C’est pour ça que j’étais bien malgré mon âge et la distance avec ma famille. La première fois que tu t’éloignes de ta famille, c’est toujours particulier car tu dois grandir en tant qu’homme et pas seulement en tant que joueur.

Imaginiez-vous une seule seconde, en arrivant, être titulaire indéboulonnable de la Nazionale et participer à la Coupe du monde ?

Il y a deux ans et demi, je n’imaginais pas être titulaire pour cette Coupe du monde en France, en jouant en France etc. Les choses sont allées tellement vite. Et être champion de France la première saison, c’était incroyable !

À vos débuts en équipe d’Italie, vous enchaînez douze titularisations pour douze défaites. Comment avez-vous traversé cette période ?

C’était très dur. En fait, la joie de pouvoir représenter ton pays était mise de côté tout de suite à cause de la frustration des résultats qui étaient tous négatifs. De l’autre côté, j’ai pu constater tous les progrès qu’on a faits depuis mes débuts.

Vous avez surmonté cette période et désormais l’équipe d’Italie semble avoir changé de dimension, du moins sur le plan mental…

Oui parce que sinon, le fait de perdre devient une habitude. Une fois que c’est installé, c’est trop compliqué à changer. On joue dans un sport où la force mentale est trop importante. Il faut être accroché pour progresser. Mais en travaillant jour après jour, les résultats arrivent. Et nous, peut-être qu’on va en récolter les fruits maintenant.

Les résultats du dernier Tournoi des 6 Nations ne semblent pas vous avoir tourmentés, à voir votre préparation et votre début de Mondial…

On n’a pas gagné mais on a fait de bons matchs (pendant le Tournoi). C’est bon d’avoir de la continuité. Si tu vois notre match contre l’Uruguay, avec le même score à la mi-temps, deux ans en arrière on aurait craqué. La confiance s’est vraiment développée. On a su rester calme. C’est vraiment là qu’on a progressé.

Tournoi des 6 Nations 2023 - Paolo Garbisi (Italie) face à l'Écosse
Tournoi des 6 Nations 2023 - Paolo Garbisi (Italie) face à l'Écosse SUSA / Icon Sport - SUSA / Icon Sport

Et avant d’affronter les Blacks, vous avez remporté quatre victoires d’affilée. C’est la première fois au XXIe siècle…

(il rit) D’abord, je ne savais pas ça. La confiance qu’on a, c’est aussi grâce à Kieran Crowley. C’est lui le premier qui a cru en nous. Quand tu vois un entraîneur comme ça à fond derrière l’équipe, tu te dis qu’il y a des choses à faire. Et c’est comme ça qu’on a basculé.

Pouvez-vous nous décrire Kieran Crowley ? Quel genre d’entraîneur est-il ?

C’est quelqu’un qui ne parle pas beaucoup, qui est tranquille et serein 95 % du temps. Et il donne beaucoup de libertés sur le terrain. Dans nos préparations, il dit toujours que nous sommes sur le terrain. C’est pourquoi il nous laisse de la place pour nous exprimer et c’est bien je trouve.

Les All Blacks n’avaient pas perdu un match de poule jusqu’à maintenant. Leur préparation n’a pas été de tout repos. À quoi vous attendez-vous dans ce match ?

Ils resteront toujours un mythe. S’ils perdent contre nous, ils disent au revoir au Mondial dès la phase de poules. Ils vont être à 3 000 %, ils vont nous tuer. On est en train de le préparer le mieux possible. On sait qu’ils vont mettre de l’intensité, de la violence même. Ça va être l’enfer. On va avoir des moments difficiles, mais c’est notre capacité à réagir qui va être déterminante.

Justement, la pression n’est-elle pas surtout sur leurs épaules ?

Complètement. On entre dans un match sans être les favoris. Dans notre tête, il n’y a vraiment aucune pression. Mais si on arrive à la mettre chez eux dans ce match, peut-être que ça confirmera les doutes qu’ils ont en ce moment.

D’autant plus que deux "huitièmes de finale" se profilent pour vous…

Et on ne va choisir ni l’un ni l’autre, on va jouer les deux à fond ! Pour l’instant, ça n’est qu’un rêve mais à nous de montrer qu’on peut le faire.

Vous avez un rapport tout particulier avec les All Blacks…

Quand tu es gamin, c’est normal de les admirer. Je commençais déjà à comprendre que je voulais être demi d’ouverture et forcément, je regardais les demis d’ouverture dans les meilleurs pays du monde. Dan Carter était gaucher, moi aussi et ça a eu son influence. Ça part de là en fait.

Paolo Garbisi a déjà joué face à la Nouvelle-Zélande en 2021
Paolo Garbisi a déjà joué face à la Nouvelle-Zélande en 2021 Ipp / Icon Sport - Ipp / Icon Sport

Qu’est-ce qu’il vous manque pour arriver à son niveau ?

(il rit) Tout, en fait ! S’il boite j’ai peut-être une chance. Même s’il jouait maintenant il serait meilleur que moi. C’est quand il aura 60 ans que je pourrai rivaliser !

Vous avez mentionné Jonathan Danty. Ce sera probablement vôtre adversaire la semaine prochaine. Comment se préparer face à un tel profil ?

C’est sûr qu’il sera douze, lui (il rit). J’ai la chance de jouer en Top 14 car chaque semaine je dois plaquer pas mal de mecs costauds. On peut dire que je suis déjà plutôt habitué. J’ai déjà joué trois fois contre lui. Il va juste falloir s’appliquer, s’envoyer et essayer de plaquer bas pour le stopper net.

La prestation défensive de Sexton contre les Springboks est-elle une référence ?

Surtout que le mec a 38 ans ! Si lui arrive à 38 ans à stopper les mecs d’Afrique du Sud, je n’ai pas d’excuse pour ne pas me filer à 100 %. J’espère que ça va bien se passer.

Tommaso Allan était l’ouvreur titulaire avant votre arrivée en sélection. Mais votre absence cet été lui a permis de marquer des points. Comment se passe la cohabitation avec lui ?

Ça se passe plutôt bien, en tout cas de mon côté. On essaie d’aider l’équipe au maximum. Que ce soit lui en 10 et moi en 12 ou alors lui en 15 et moi en 10, ça se passe bien. On a pas mal de bons matchs ensemble. C’est quelqu’un avec beaucoup d’expérience, un joueur très important pour notre équipe. Il m’aide pour ce qui touche à la gestion de l’équipe, à la gestion du match… C’est positif pour moi et pour tout le monde. Ça n’est pas par hasard qu’il arrive à avoir quatre-vingts sélections. Dire qu’il a seulement 30 ans… Il a la place pour arriver à cent bientôt !

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Les commentaires (2)
CasimirLeYeti Il y a 6 mois Le 30/09/2023 à 12:31

L'analyse lapidaire de Garbisi, dans le titre était prémonitoire...

Josh15 Il y a 6 mois Le 29/09/2023 à 14:10

Sympa, humble et lucide le Paolo!