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200 ans d'histoire (41/52) : une Coupe d’Europe est née

Par Jérôme Prévôt
  • Emile Ntamack soulève le trophée.
    Emile Ntamack soulève le trophée. Fabien Agrain-Védille.
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Enfin, on vit des matchs internationaux de clubs dans l’hiver 95-96. Sous la pression, les fédérations acceptent la création d’une Coupe d’Europe. Concept séduisant qui marche encore vaille que vaille.

On en avait envie depuis si longtemps. Il fallut attendre évidemment, le grand tournant de 1995 et le passage au professionnalisme pour la voir enfin sortir de terre, assez laborieusement. Mais l’essentiel était là, le rugby aurait enfin sa Coupe d’Europe, comme le football la connaissait depuis quarante ans. Le 7 janvier 1996, Émile Ntamack, le capitaine de Toulouse put donc brandir le premier trophée continental dans un Arms Park de Cardiff pas assez garni, tout juste 21 000 spectateurs, ça faisait un peu triste pour une rencontre appelée à rester dans les mémoires.

Le Stade venait de battre le Cardiff RFC en finale 21 à 18 après prolongations, avec un Christophe Deylaud et un Thomas Castaignède au sommet de leur art.

La compétition avait commencé au mois d’octobre précédent, à Constantza en Roumanie dans une atmosphère vraiment très confidentielle. Toulouse s’était facilement imposé 54 à 10 face au club local, personne ne savait vraiment où toute cette aventure allait aboutir.

Officiellement, la décision venait d’en haut. Elle avait été prise par le Comité des 5 Nations, "afin de proposer un nouveau niveau de compétition professionnelle transfrontalière". Mais comme pour le passage au professionnalisme, les Fédérations étaient montées dans un train en marche. La dynamique avait été lancée dès le début 1995 par des clubs anglais déjà très ambitieux. Dans nos colonnes en 2016 pour les 20 ans de l’épreuve, René Bouscatel, président du Stade toulousain gardait un souvenir très précis de la genèse. Tout était parti d’un coup de fil de Jean-Jacques Gourdy, alors président de Brive qui lui dit : "J’ai été contacté par des clubs anglo-saxons qui veulent faire une Coupe d’Europe. Ils cherchent deux présidents qui ont les c… pour s’opposer aux Fédérations et la créer. J’ai pensé à toi."

Voilà comment René Bouscatel se retrouva dans un hôtel près de l’aéroport de Gatwick avec des présidents anglais visiblement hors de contrôle de la RFU : "Les Anglais ont été les précurseurs et savaient où ils voulaient aller. Ils avaient déjà tout écrit, même le mode de choix des arbitres, les sponsors, les télés… La première année s’organisait sur invitation. Il fallait trois, voire quatre représentants par pays." Rapidement, un aréopage de présidents français s’organise pour faire bonne figure. Il y a là Jacky Rodor de Perpignan, Loris Pedri de Toulon (décédé en 2022) et Pierre-Yves Revol de Castres. Il fallait tenir la route face à des interlocuteurs déterminés. "Les Anglais nous ont proposé un projet ficelé… Je ne suis pas sûr qu’ils nous voulaient vraiment. Ils nous ont proposés vite fait car ils étaient fâchés avec leur Fédé. Pour nous, ça a été la grande surprise", confia Jacky Rodor.

La création, un moment euphorisant

Rivaux traditionnels en championnat, les présidents défendent cette fois les mêmes couleurs. Ils travaillent en catimini et avec des codes. Ainsi, dans la première mouture, Moncuq, Tarascon, Pompertuzat sont employés pour désigner les futurs participants. "C’était une aventure fantastique, décrivit Loris Pedri, coprésident de Toulon. Au-delà de l’aspect purement sportif, l’amitié qui nous unissait m’a vraiment marqué. C’étaient des moments de partage et d’échange qui n’existaient pas avant. Il y avait aussi tous les déplacements et réunions en Angleterre. Être à la création d’un tel projet était euphorisant."

Les présidents décident alors de mettre la FFR devant le fait accompli. Leur position était claire, ils étaient moins jusqu’au-boutistes que les Anglais, leur objectif était de présenter un projet à la FFR pour qu’elle ne puisse que l’accepter. Bernard Lapasset mis au courant par Gourdy comprend le danger. Il dit amen à cette nouvelle épreuve en sachant qu’il ne pouvait pas faire autrement. "Dès que la Fédé a peur de perdre quelque chose, tout va plus vite, constate Jacky Rodor. Si vous ne vous battiez pas, vous n’obteniez rien."

Le pays de Galles, l’Irlande et l’Écosse avaient fait pareil que les Français, ces pays n’avaient pas d’investisseurs pour se passer de leur Fédération. Mais les clubs anglais ne parviennent plus à imposer leur vue. Échaudés, ils quittent la table des négociations, la première Coupe d’Europe se ferait sans eux. "Dès que les Fédérations ont été impliquées, ils ont décidé d’abandonner" expliqua Loris Pedri. Depuis Paris, tout est revu et corrigé en un temps record, en cinq mois environ. "C’était très expérimental, tout le monde faisait face à l’imprévu. Mais ça a été ficelé dans les temps." On part quand même à douze en quatre poules de trois avec Toulouse, Castres et Bègles, des Gallois et des Irlandais, deux équipes roumaines et une italienne. Ce fut un peu brinquebalant, mais l’histoire était en marche.

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