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200 ans d'histoire (42/52) : La double bataille France-Angleterre

Par Jérôme Prévot
  • Serge Blanco pris par deux Anglais lors du 1/4 de finale de la Coupe du monde 1991 perdu 19-10.
    Serge Blanco pris par deux Anglais lors du 1/4 de finale de la Coupe du monde 1991 perdu 19-10. Agence Ferguson / Icon Sport
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En quatre mois, entre octobre 1991 et février 1992, Français et Anglais se sont livrés deux combats mémorables au Parc des Princes. Sommets de rivalité malsaine et fin d’une certaine époque.

Cette histoire est double. Elle concerne deux matchs qui au fond, ne font qu’un. C’est le récit de deux France-Angleterre jumeaux, le premier en octobre 1991, le second en février 1992, tous les deux perdus à domicile par les Tricolores. Le premier affrontement fut un quart de finale de Coupe du monde 91, le second un match classique du Tournoi. Mais les France-Angleterre à l’époque étaient particulièrement sulfureux. La nation fondatrice, après des années de vaches très maigres, était revenue au sommet, avec des joueurs de fort tempérament, les Français commençaient à nourrir un complexe face aux voisins de plus en plus sûrs d’eux et dominateurs. Les Anglais profitaient sans doute de la création de leur premier championnat d’élite, mais aussi d’une génération de soldats, durs au mal, dans son pack : les Moore, Dooley, Probyn, Winterbottom et consorts. Ackford faisait figure de magnifique tour de contrôle. Rob Andrew était à la baguette à l’ouverture, et le capitaine Carling au centre, cristallisait tout l’énervement des Français. Les duels devenaient vraiment saignants et les Anglais avaient entamé une série de sept victoires de rang (89-95). On n’avait jamais vécu une telle rivalité entre les deux grandes nations du Tournoi qui promettaient d’écraser la compétition fortes de leur masse de joueurs (heureusement, ce ne fut pas le cas).

"Plus jamais ça"

Après le match de février, Midi Olympique trouva l’un de ses meilleurs titres : "Plus jamais ça !" L’image la plus terrible de ce double affront ce fut la sortie prématurée de Vincent Moscato, talonneur béglais particulièrement turbulent, déjà truculent. Le match du Tournoi, la France l’a perdu largement, 31 à 13 en finissant à treize contre quinze. Le match de la Coupe du monde, la France le perdit 19 à 13 déjà dans une atmosphère irrespirable. En octobre, Français et Anglais s’étaient toisés comme Champ et Skinner, les yeux dans les yeux. Le XV de la Rose avait monté un plan anti-Blanco pour le punir à la réception des chandelles. Un ailier nommé Heslop avait mission de le cueillir, il se ferait ressemeler en retour, évidemment. Winterbottom avait distribué un bon coup de pompe à Marc Cécillon. Quatre mois plus tard, les feux n’étaient pas apaisés. Le Guardian avait résumé le match en ces termes : "Le match de 1991, c’est la bagarre générale à la fermeture du bar. Celui de 1992, c’est sa poursuite sur le parking."

Nous avons toujours eu la sensation que cette paire de matchs avait aussi marqué la fin d’une époque, celle d’un rugby où en termes d’engagement, on se permettait beaucoup de choses. On a souvent décrit ces Anglais-là comme des maîtres provocateurs, motivés et préparés pour faire disjoncter les Français avec le talonneur Brian Moore dans le rôle de l’aboyeur en chef. Il était avocat d’affaires dans le civil, ça ne se voyait pas. Son titre de gloire : en cinq matchs, il n’a jamais perdu au Parc des Princes. Le nouveau sélectionneur Pierre Berbizier se servirait de ce terrible rendez-vous pour imposer les fondations de son rugby. Avec lui, l’accent serait mis sur la discipline. Rien ne serait plus comme avant. D’où la force du "Plus jamais ça" à la une de Midi Olympique. Plus jamais deux expulsés français dans le même match comme l’avaient été Grégoire Lascubé (coup de pied à joueur à terre) et bien sûr Vincent Moscato passé pilier, jugé responsable d’une "entrée en tronche" (avec Tordo talonneur) . "Un coup de boule en mêlée comme il y en a dix millions depuis que le rugby existe", expliquera-t-il.

Le Béglais récolta dans la foulée six mois de suspension. Sa carrière internationale s’arrêta là. Mais il saurait faire parler de lui dans le futur. Au milieu de ce pancrace, l’Irlandais M. Hilditch fut ballotté comme fétu de paille, les Anglais le connaissaient et se doutaient de sa réaction face aux Français à fleur de peau. "Notre plan était de résister le plus longtemps possible, les empêcher de déployer leur jeu, pour générer de la frustration, se souvient Rory Underwood. Et in fine, qu’ils perdent leurs nerfs." Rien n’a été laissé au hasard par le staff de Geoff Cooke, le sélectionneur : "On savait que l’arbitre – l’Irlandais monsieur Hilditch – était un professeur tendance vieille école et passion discipline. On en a tenu compte dans notre façon de jouer", poursuit Jeff Probyn (cité par France Info).

En octobre, son prédécesseur, le Néo-Zélandais Graeme Bishop, avait été secoué dans les couloirs du Parc des Princes par Daniel Dubroca, alors entraîneur des Bleus. Dans le monde des arbitres, l’affectation pour ce genre de chocs était sans doute vue comme un bâton de maréchal, ou un parachutage sur une zone de guerre.

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