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Coupe du monde de rugby 2023 / XV de France- Portrait. Atonio : Uini pour un rêve

Par Vincent Bissonnet
  • Uini Atonio est un des patrons du XV de France.
    Uini Atonio est un des patrons du XV de France. Icon Sport
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L’histoire du Néo-Zélandais d’origine était déjà belle après qu’il se soit révélé en France. Uini Atonio l’a rendue encore plus remarquable en s’installant parmi les cadres des Bleus et les références mondiales à son poste.

Du haut de ses 117 sélections, le champion du monde Tendai Mtawarira en a croisé des piliers droits. De toutes sortes, de tous les profils. Parmi sa collection personnelle, « The Beast » garde un souvenir amusé de sa première rencontre avec Uini Atonio, le 10 juin 2017, à Pretoria : « Je me rappelle bien de lui. Je peux vous dire qu’il était loin de son niveau actuel à l’époque », sourit le meilleur gaucher de l’histoire des Boks. Et le colosse de Durban de poursuivre la description : « Il me donnait l’impression d’un pilier un peu paresseux, comme s’il ne se donnait pas à fond… Je lui avais réservé un petit traitement de faveur. Bismarck (Du Plessis, N.D.L.R.), qui était un sacré roublard, m’avait un jour conseillé de saisir la chair de mes adversaires au moment de la prise en mêlée. Je l’avais fait contre Uini et je me souviens de ses réactions à l’arbitre après chaque affrontement : « Mais il me pince, monsieur… » Ah ah. C’est le métier qui rentrait pour lui. »

Six années ont passé. Et « The Beast » ne sourira pas en voyant Uini Atonio s’avancer pour défier ses compatriotes, dimanche, au Stade de France : « Quand je le regarde désormais, je mesure tout le chemin qu’il a parcouru, félicite l’ex-Bok. Il a dû consentir beaucoup d’efforts. Maintenant, il se déplace, il charge avec le ballon, il défend. Et il est vraiment dominateur. C’est chouette de voir que des gars comme lui finissent par révéler tout leur potentiel. »

Le conte de fées - ou d’ogre, plus précisément - de Uini Atonio comporte deux chapitres. Dans le premier, un joueur semi-amateur en train de couper l’herbe au bord d’une rocade néo-zélandaise s’était, en un coup de fil, téléporté à La Rochelle où un nouvel horizon s’était offert à lui. Le deuxième chapitre, moins romanesque mais tout aussi captivant, a vu l’ascension d’un honnête international jusqu’à devenir référence mondiale à son poste. Au moment où il avait croisé Tendai Mtawarira, le Maritime d’adoption, 27 ans, comptait 25 sélections mais seulement huit en tant que titulaire. Et sa première participation à une Coupe du monde, en 2015, s’était résumée à une apparition face à la Roumanie. D’un Mondial à l’autre, à huit ans d’intervalle, la transformation saute aux yeux. Patrice Collazo, dès février 2022, l’avait prédit : le meilleur était à venir pour le natif de Timaru. « Il a tout pour être un joueur majeur de la prochaine Coupe du monde, nous avait affirmé l’homme qui avait déniché le spécimen à Hong Kong au cours d’un tournoi à 10. Il coche toutes les cases du haut niveau. Il y a beaucoup de très bons piliers en France actuellement mais s’il décide que ça doit être lui, Uini a toutes les chances d’y arriver. » À l’époque, rappelons-le, Demba Bamba et Mohamed Haouas, pour ne citer qu’eux, postulaient on ne peut plus sérieusement au maillot floqué du numéro 3. De débat, il n’existe plus à ce sujet.

« Il a fini par prendre conscience… »

Comment expliquer la progressive montée en puissance de Uini Atonio depuis le dernier Mondial, auquel il n’avait pas participé, la faute à la hiérarchie du moment puis à une blessure ? Ceux qui le connaissent et le côtoient évoquent en premier lieu ce qui ne se voit pas : « Il a longtemps eu tendance à jouer sur ses qualités mais il a fini par prendre conscience de ce qu’il devait faire pour passer un cap, dit de lui Patrice Collazo. Il a besoin d’être challengé. Son plus gros ennemi, c’est lui-même. Comme il a beaucoup de facilités, il peut s’installer dans une certaine forme de confort. Il a besoin de voir qu’il compte dans un système. Si vous l’impliquez, il vous le rendra largement. C’est mieux s’il a un lien fort avec la personne qui l’accompagne. »

En la matière, il a été servi. Et s’en est bien servi : « Il avait bossé très fort avec Patrice qui a été son grand mentor, évoque Romain Carmignani. « Dato » Zirakashvili et Gurthrö Steenkamp l’ont à leur tour stimulé dans sa progression. Puis il y a eu Ronan aussi qui en fait un plus grand compétiteur encore. Toutes ces personnes l’ont aidé à prendre confiance en ses moyens. Et à côté de ça, il y a Philippe Gardent (le préparateur physique de La Rochelle) qui ne le lâche pas d’une semelle. Car il a besoin de son corps pour être performant. »

La tête et le reste : tout est éminemment lié. « Il lui faut s’entraîner sérieusement pour lutter contre son embonpoint et être performant », sait Patrice Collazo. Ce physique massif avait, un temps, pu le desservir au niveau international. Il est devenu un de ses principaux atouts : « De manière globale, il a pleinement pris la mesure de son impact, explique l’ancien pilier. Ça se voit par les énormes tampons qu’il met sur le haut du corps. Il a cette capacité rare à marquer l’adversaire. Dorénavant, il le fait autant en défense qu’en attaque. Pour le reste, s’il ne fera jamais 125 kg et n’aura jamais la mobilité d’un Cyril Baille, vous pouvez le faire jouer dans tous les registres avec sa technique de trois-quarts. C’est tout ça qui fait sa force et le rend atypique. » Le rythme et l’exigence des tests-matchs ne lui posent plus souci. Une question d’endurance, évidemment, mais d’intelligence, aussi. Deux atouts bonifiés avec l’âge : « Il est très malin, vous savez, et il comprend très bien le jeu, loue Romain Carmignani. Avec son cerveau, il a toujours un ou deux coups d’avance sur les gars d’en face, il sait où se placer et quand intervenir. »

« Il a une philosophie de vie réjouissante »

Dans sa nouvelle dimension de top 5 mondial à son poste, la mêlée tient une part prépondérante, incontournable : « Il est beaucoup plus régulier sur ce secteur, reprend Collazo. Désormais, il prend autant de plaisir à pousser qu’à réaliser une passe sur un pas. C’était un grand changement pour lui. Il s’est façonné au fil des saisons avec La Rochelle. Avant, il se contentait de faire peser sa masse. Au fil du temps, il s’est intéressé à la technique, il a gagné en maîtrise, en contrôle alors qu’il pouvait avoir une certaine irrégularité à ce niveau. » La constance est devenue un de ses maîtres mots.

Une bénédiction pour Ronan O’Gara puis Fabien Galthié. Aux yeux de Patrice Collazo, il est là plus question d’évolution que de révolution : « Le début de sa carrière internationale avait été en dents de scie, certes, mais on lui avait demandé d’être quelqu’un qu’il ne pouvait pas être. Son utilisation est bien meilleure désormais, avec ce rôle de premier attaquant qui lui va bien. Ce que tout le monde voit avec les Bleus, c’est ce qu’il fait avec La Rochelle depuis un bon moment. Les gens ne se sont pas assez penchés sur sa régularité, ils ne se rendent pas compte de ce qu’il a accompli. À l’exception du souci qu’il a eu aux cervicales, il n’a jamais été blessé et il a accumulé les saisons à 30 matchs, comme peu de piliers le font. » « C’est en enchaînant autant à très haut niveau qu’il a franchi les paliers, prolonge « Carmi ». Il s’est nourri de tous les mecs qu’il a croisés au niveau international. »

Le géant a mûri sans pour autant se départir de son insouciance. Un autre de ses moteurs. Les années passent mais ne le lassent pas : « Dans sa tête, il a encore 20 ans et, quand je dis ça, je l’ai connu à cet âge-là, sourit Patrice Collazo. Il est porté par une jeunesse qu’il garde en lui. »

Ronan O’Gara a succombé : « Pour moi, Uini incarne toutes les bonnes raisons de se lancer dans le rugby : il aime apprendre, il est ouvert, il veut s’améliorer alors qu’il a déjà de bonnes compétences… »

Cette ouverture d’esprit n’est pas le moindre de ses atouts dans son émancipation comme référence mondiale à son poste et cadre du XV de France : « Il est solaire, on ne peut que l’adorer, reprend l’entraîneur des avants maritimes. Il a une philosophie de vie réjouissante : rien n’est grave, il y a toujours des solutions. » Son drôle de parcours le lui a prouvé, depuis les pelouses de Hamilton aux plus grandes arènes mondiales. Dans une, deux ou trois rencontres, le plus Néo-Zélandais des Français tirera sa révérence internationale. Avec les honneurs, à n’en pas douter. Et peut-être avec le plus beau des trophées en mains. Comme un certain Tendai Mtawarira, en 2019…

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Les commentaires (1)
xxVaan Il y a 6 mois Le 14/10/2023 à 19:22

Uini, une belle personne et solaire, absolument d'accord. Je l'ai rencontré et c'est ce que cet homme dégage.