Coupe du monde de rugby 2023 - La question qui fâche : la demi-finale indigente Angleterre - Afrique du Sud est-elle inquiétante pour le rugby ?
Les Sud-Africains ont fini par s’en sortir. Bousculés par des Anglais au plan de jeu restrictif mais bougrement courageux, les champions du monde sont allés se chercher une deuxième finale consécutive grâce à un essai de RG Snyman et une dernière pénalité de Pollard. Mais cette demie proche du néant, est-elle inquiétante pour l'avenir et la popularité du rugby ?
Emmanuel Macron aurait peut-être dû attendre la demi-finale de samedi soir entre l’Angleterre et l’Afrique du Sud avant d’affirmer (que) "le souffle du rugby ne s’arrêtera pas au soir du 28 octobre" et de promettre "de renforcer la place du rugby en France, à l’école, chez les jeunes et auprès du grand public." Cet affrontement, que certains jugeront légendaire, en a dépité plus d’un devant le poste, et on ne peut pas dire que l’ambiance tiédasse du Stade de France a rendu cette opposition mythique, glorieuse, fabuleuse. Les raisons de notre insolence ? L’absence totale de jeu, pardi ! Et même de prises d’initiatives, de débordements, de phases de jeu interminables, et de rythme. Surtout de rythme. Car je ne sais pas vous, mais l’ennui profond de ce spectacle, à bien des égards affligeant, nous fit ouvrir le calendrier pour savoir à quelle heure se jouait le prochain match du Top 14. Et ce n'est pas le temps de jeu effectif de 31 minutes et 58 secondes selon World Rugby (quand le ballon est en l'air, ça compte !), qui fera changer d'avis les bailleurs du samedi soir.
Les Anglais ont joué au pied 93 % de leurs possessions
Promis, aucune malhonnêteté ne vient polluer ce préambule au nom d’une quelconque amertume d’avoir vu l’équipe de France se faire éliminer bien trop tôt dans la compétition. Cette revanche de la dernière Coupe Webb Ellis avait de la gueule sur le papier après tout. L’Angleterre, dernière représentante du Nord, seule contre tous et contre les géants Sud Af’ : il y avait une certaine forme de logique historique et même de panache à voir l’enceinte parisienne soutenir les sujets de Sa Majesté. Un mot aussi pour nos amis météorologues : la pluie interminable qui tombait sur Saint-Denis toute la soirée rendait difficile les conditions de jeu. On le vit bien sur les "pizzas" envoyées par les talonneurs des deux équipes, mention spéciale à Jamie George en deuxième période qui eut le mérite de nous faire sourire sur son lancer cirqueste. Reste qu’eu égard des attentes légitimes que représente une demi-finale de Coupe du monde censée être la crème de la crème de notre sport, ce n’est pas suffisant. C’est même décevant. En témoignent ces deux statistiques édifiantes : 93 % des ballons qu’ils ont eus à négocier, les Anglais l'ont fait au pied (69 % pour l’Afrique du Sud). Pierre Villepreux a forcément éteint sa télévision avant la mi-temps. Malgré cet ennui profond, ce spectacle offrit une fin de match à suspense, où faute d’autre choix, les coéquipiers de Farrell réussirent à se faire plus de trois passes. Comme quoi...
Les Anglais jouent un jeu préhistorique ! Je ne pense pas qu’on va remplir les stades et faire venir les enfants au rugby avec ce triste spectacle
Parler de ce match en bien se résume à évoquer la fameuse « guerre de tranchées » (terme inventé pour évoquer élogieusement une purge), l'entrée d'Ox Nché en mêlée fermée, l’attitude défensive héroïque de Tom Curry et consorts ou le drop magistral d’Owen Farrell. C’est peu, et c’est aussi inquiétant car c’est laisser croire qu’un match de rugby de ce niveau ne se gagne que de cette façon. En témoigne la réaction du capitaine Kolisi à l’issue de la rencontre : "C’est tout le travail accompli qui a porté ses fruits. Aujourd’hui, c’était vraiment moche, mais il faut aussi en passer par là pour être champions." Pas forcément cher Siya. Ou du moins pas deux fois de suite. Car si l’ancien international Olivier Magne, finaliste malheureux du Mondial 99, a préféré s'indigner du jeu anglais sur Twitter : "Petit tas-Pied, Petit-tas-Pied, Petit tas-pied, les Anglais jouent un jeu préhistorique ! Je ne pense pas qu’on va remplir les stades et faire venir les enfants au rugby avec ce triste spectacle", pointons aussi du doigt les Springboks, incapables de proposer autre chose et de prendre le jeu à leur compte alors qu'ils ont prouvé depuis quatre ans leur capacité à le faire, et plus que bien.
Le Mondial s’est découvert une star : Ben O’Keeffe
C’est ici que la dixième édition du Mondial a tout faux. Sur les phases finales, en plus d’un contenu frustrant pour la plupart des rencontres, l’amateur de rugby comme le spécialiste après-tout, a plus parlé d’arbitrage que de jeu, en l’occurrence celui de Ben O’Keeffe, bourreau des Bleus pour une partie de la France, confirmé maladroitement par World Rugby pour arbitrer l’Afrique du Sud en demie bien que l’instance ait reconnu plusieurs erreurs sur son quart de finale. Tous complices, tous responsables ? Sans doute. Ben O'Keeffe le premier. Sachant pertinemment qu'il serait scruté, analysé, observé, sifflé, samedi soir, le Néo-Zélandais aurait pu avoir l'intelligence de se mettre en retrait et de privilégier le rythme à la parlotte incessante sur chaque décision. Carton rouge aussi aux entrées intempestives d'une ribambelle de soigneurs en tout genre à chaque arrêt de jeu qui anéantit le rare espoir d'intensité.
Inconnue du grand public avant le Mondial, l'identité du Néo-Zélandais est désormais connue de tous. Une semaine après la désillusion française, de quoi s'indignaient les réseaux sociaux à l'issue de la demie ? Malheureusement de ses décisions, une nouvelle fois lourdes de conséquences cette fois-ci contre l’Angleterre en fin de match. Ce débat sur l’arbitrage doit peut-être permettre aux décideurs de ce jeu de se poser les vraies questions : les règles du rugby ne sont-elles pas trop compliquées, et ne doivent-elles pas être modifiées pour limiter l’impact de l’arbitre de champ dans le score final des rencontres à suspense ? Croyons-y ! Espérons, enfin, que ce duel sudiste en finale nous offre un spectacle plus en adéquation avec les derniers sommets de ce jeu : la finale du Top 14, celle de Champions Cup, l’Irlande – France du Tournoi pour n’en citer que quelques-uns. Pour la santé mentale de Pierre Villepreux, d’abord. Pour que le Président n'enterre pas une nouvelle promesse, surtout !
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