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200 ans d'histoire (44/52) : fin des années 90, le triomphe du jeu de possession

Par Jérome Prévôt
  • Les Australiens ont été sacrés champions du monde grâce à un jeu de possession.
    Les Australiens ont été sacrés champions du monde grâce à un jeu de possession. Midi Olympique
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Les Wallabies de Rod Mcqueen ont bâti un nouveau rugby, fondé sur la confiscation du ballon pour faire craquer leurs adversaires à l’usure. Il fallait désormais faire de la "conservation".

En 1999, la France est euphorique après sa demi-finale dantesque gagnée contre les All Blacks se brise contre un roc en finale mondiale. C’est bien l’Australie qui fut couronnée championne du monde sur un score de 35 à 12 sans bavure, le premier sacre de l’ère professionnelle. Ces Wallabies étaient entraînés par Rod MCQueen, commandés par John Eales et cornaqués par la charnière Gregan-Larkham. Ils furent en plus les promoteurs d’un nouveau rugby, celui de la possession : notion nouvelle qui nous rappelle combien notre perception peut changer avec le temps. Sur le moment ce rugby qui confisquait les ballons impressionna le grand public par son implacable simplicité. Mais dix ou quinze ans plus tard il fut qualifié "d’ennuyeux". Un mot symbole résuma le changement d’univers, on se mit à parler à tout bout de champ de la "conservation" du ballon. Il fallait donc s’approprier le cuir avec l’idée que c’était déjà la meilleure façon d’empêcher l’adversaire de s’en servir.

On vit alors émerger un rugby de rouleau compresseur, fait de longues séquences destinées à user l’adversaire. Il suffit de revoir les matchs des années 70-80 pour mesurer la différence, les attaques n’étaient plus conçues pour marquer des essais le plus vite possible sur des combinaisons astucieuses. Le rugby de Rod McQueen célébrait plutôt la patience et de l’obstination. Face à des défenses de plus en plus hermétiques, les Wallabies acceptaient de multiplier les temps de jeu, les regroupements avec passage au sol le plus rapide possible, pour faire céder la forteresse adverse. On découvrit alors un nouvel anglicisme : les picks and go. Il les voulait rapides, pour que l’attaque prenne forcément le pas sur la défense en train de se réorganiser. Il lui fallait pour ça des joueurs rapides, en pleine condition physique, plutôt puissants et, surtout, lucides, capables de repérer la faille qui apparaîtrait dans une arrière-garde adverse saoulée de subir de tels assauts.

Avec ces Wallabies de 1999, on commença donc à compter les phases de jeu. Dès 1998, l’arrière Matthew Burke avait marqué un essai face aux All Blacks à Christchurch après dix-huit phases de jeu : statistique édifiante pour l’époque.

Nous avons toujours eu la sensation que l’Histoire n’avait pas suffisamment rendu hommage à Rod McQueen. Peut-être est-ce une question de personnalité… Il n’avait jamais été un grand joueur, Il agissait comme le chef d’entreprise pragmatique qu’il était dans le civil, sans goût pour les déclarations tapageuses ou les remontages de pendules ("Je n’ai pas besoin du rugby pour gagner de l’argent", fit-il un jour remarquer.). C’est lui qui introduit l’informatique dans le quotidien des Wallabies, (chacun fut équipé d’un ordinateur portable), il fut le premier à observer les datas, les statistiques. Il sut bâtir un staff complet avec des hommes pointus aux postes clés sans craindre qu’ils lui fassent de l’ombre.

Un vrai "géo trouvetou"

Le parallèle avec le Treize était tentant. Les Australiens de 1999 aimaient en effet à se déployer à l’horizontale, en ligne avec le souci pour les avants de ne pas s’agglomérer inutilement dans les regroupements. D’ailleurs Mc Queen avait appelé à ses côtés deux techniciens venus de la maison d’en face : Steve Nance (futur Clermontois) pour la condition physique et John Muggleton pour la défense. Un autre futur entraîneur de Clermont, Tim Lane s’occupait de l’attaque tandis que Jeff Miller veillait sur le pack. Rod McQueen eut même l’idée de partager son pack en deux groupes distincts de quatre, pour mieux animer les offensives. Il avait fait ses armes chez les Brumbies en Super Rugby et son successeur creuserait toutes ses idées, il s’appelait Eddie Jones.

Sans trop la ramener, Rod McQueen avait changé le jeu. Après lui, toutes les équipes réfléchiraient sur les concepts de possession et de conservation. À son départ en 2001, il gagna le surnom flatteur de "Monsieur 80 pour cent", comme son pourcentage de victoires avec la sélection dont un titre mondial, ses Tri Nations 2000 et 2001 et son succès face à des Lions très forts, toujours en 2001.

À la fin des années 2000, les All Blacks ont dépassé ce jeu de possession en réhabilitant la vitesse d’exécution et le jeu de contre-attaque. D’ailleurs, vingt ans après la révolution MacQueen, le fait de tenir longtemps le ballon est désormais vu comme un signe de stérilité. Mais on ne lui enlèvera pas son statut de "Géo Trouvetou" en phase avec son temps. Et on retiendra le constat qu’il fit quand il quitta son poste : "Ce que je garderai de cette équipe, expliquait-il à la fin de son mandat, c’est le sang-froid dont elle a toujours fait preuve quand elle était sous pression. Lorsque nous avons rencontré un problème, nous avons toujours su le surmonter."

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