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Rugby à 7 - Pourquoi la transition du XV au VII d'Antoine Dupont ne devrait pas poser problème

Par Nicolas Zanardi
  • Antoine Dupont participera aux JO 2024.
    Antoine Dupont participera aux JO 2024. Icon Sport - Icon Sport
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C’est mercredi, par le biais d’un communiqué, que la FFR a officialisé le serpent de mer de l’intégration d’Antoine Dupont au groupe qui préparera les jeux Olympiques de Paris à partir du mois de janvier. Restera au capitaine du Stade toulousain à réaliser le plus dur, à savoir une transition expresse entre les deux codes. impossible ? Pour lui, évidemment pas…

Comment rebondir, après l’échec d’une Coupe du monde perdue sur son propre sol dès les quarts de finale, dans les conditions que l’on sait ? À cette interrogation qui touche au bas mot un tiers de son groupe, le manager du Stade toulousain Ugo Mola nous avait glissés cette réponse sibylline, voilà quelques jours : "La clé pour eux sera de se fixer très vite de nouveaux objectifs et de reprendre plaisir par le jeu." Difficile donc, dans ces conditions, d’imaginer Antoine Dupont renoncer à son rêve de jeux Olympiques, malgré un dernier appel du pied de Fabien Galthié pour disputer le Tournoi 2024. L’accord antre le Stade toulousain et la FFR, au marbre depuis de longs mois, a ainsi été finalisé et le début de l’aventure officialisé mercredi, par le biais d’un communiqué de la FFR indiquant qu’Antoine Dupont allait intégrer "le groupe qui préparera les jeux Olympiques 2024 dans la discipline de rugby à VII". Ce qui implique forcément son absence lors du Tournoi, puisque Dupont participera, dans le même temps, au circuit mondial, à savoir les tournois de Vancouver (23 au 25 février) et de Los Angeles (2 et 3 mars).

La question de sa présence aux JO ? Si toutes les parties vont s’amuser à faire planer un secret de Polichinelle, elle ne se pose évidemment pas, tant la participation de Dupont (qui a officialisé cette semaine une figurine officielle à son effigie, grande première pour un rugbyman) à cet événement constituerait un événement en soi, susceptible d’accroître plus encore l’intérêt des médias et des supporters. En revanche, celle de son niveau de performance peut bel et bien se poser, tant les différences sont nombreuses entre les deux codes et difficiles à assimiler en un laps de temps si court… Rémy Grosso, ancien ailier international qui avait préparé les JO 2016 avec France 7, n’en fait pas mystère… "Pour avoir pas mal échangé à l’époque avec des mecs comme Vincent Inigo ou Julien Candelon, ils m’avaient dit que cela leur avait pris une bonne année pour s’adapter et devenir des vrais joueurs de VII. Candelon, qui n’était pourtant pas très lourd et bien affûté, m’avait par exemple dit qu’il avait perdu six kilos ! Ça m’avait marqué. Du coup, on pourrait se dire que le temps d’adaptation pour Antoine sera un peu court, sauf qu’il n’est pas n’importe qui. Pour l’avoir connu jeune à Castres, je sais que c’est un phénomène. Même s’il n’est pas un surhomme, sa phase de transition peut être raccourcie."

Même son de cloche du côté de Marvin O’Connor, qui fit les beaux jours du VII de France entre 2015 et 2020. "Le passage des quinzistes lors des précédents JO n’a pas toujours été un succès, rappelle l’actuel ailier de Clermont. À Rio, en 2016, il y avait Sonny Bill Williams et Bryan Habana mais on ne peut pas dire qu’ils aient marqué les esprits. Mais là, on parle d’Antoine Dupont et c’est encore autre chose. Il n’a pas la trentaine compostée, comme les stars de 2016. On parle juste du meilleur joueur du monde à l’heure actuelle donc évidemment, tout est possible, dans la mesure où il comprend tout plus vite que les autres et qu’il dispose de qualités physiques et techniques hors-norme. Néanmoins, au tout début, il va forcément rencontrer des difficultés auxquelles il n’est pas habitué et c’est en cela que les deux tournois vont lui servir."

Un défi physique et mental

La première de ses difficultés ? Elle pourrait résider, à en croire Fulgence Ouedraogo, dans l’approche mentale de cette nouvelle discipline, qui avait grandement perturbé l’ancien troisième ligne du XV de France lors de sa participation à la campagne préparatoire des JO de 2016. "Quand tu n’y es pas préparé, c’est très bizarre de jouer un match le matin puis de couper pendant un long moment, avant de se remettre dedans, sourit l’ex-capitaine emblématique de Montpellier. Au départ, ça m’avait rappelé les plateaux disputés dans les tournois de gamin mais c’est toute une mécanique mentale qui n’est pas évidente à trouver. C’est dur de se lever, avaler son petit-déjeuner, puis jouer au rugby dans la foulée avant d’attendre plusieurs heures. Ce n’est pas facile non plus de se dire que les matchs les plus importants se déroulent le deuxième, voire le troisième jour dans le cadre des jeux Olympiques. La gestion mentale et physique est totalement différente et il faut passer par des tournois pour l’apprivoiser." Tout comme il faut passer par la pratique pour saisir toutes les spécificités physiques qui font le sel et la difficulté de la pratique à VII. "Dès l’échauffement de mon premier entraînement, j’avais vu la différence en termes de volume et d’intensité et pourtant on nous avait ménagés. C’est tout bête mais pour une vague de passes, dans le cadre du seven, tu te mets à quatre sur toute la largeur du terrain : tout est multiplié par deux, c’est beaucoup plus sollicitant et quand tu viens du XV, tu tires la langue très fort… Par rapport à ça, c’est conforme à l’image qu’on s’en fait comme quinziste."

Problème qui devrait toutefois s’avérer tout relatif pour Dupont, à en écouter Marvin O’Connor. "Antoine, c’est une telle machine que l’aspect physique n’est pas du tout ce qui m’inquiète pour lui. Il va juste comprendre très vite qu’on ne peut pas être pied au plancher pendant quatorze minutes et qu’on tombe vite dans le lactique, donc qu’il faut apprendre à gérer ses efforts pour garder de la lucidité. Mais honnêtement, pour lui, ce ne sera pas un problème. En ce qui concerne la défense non plus, je ne m’inquiète pas. Là où il pourra avoir un temps d’adaptation, en revanche, c’est dans l’utilisation du ballon qui est très différente de ce qu’il a pu connaître."

Des réflexes de quinziste à déconstruire

Un sujet qui a évidemment été la difficulté majeure de tous les transfuges du XV au VII et auquel Antoine Dupont ne devrait malgré ses qualités pas échapper. "Le plus dur, quand on commence, c’est de déconstruire ses réflexes de quinziste, souligne Grosso. Quand j’ai débuté à VII, je voyais des trous partout et c’est justement le piège car tu n’évolues pas face à des piliers droits que tu peux facilement prendre de vitesse mais des gars qui savent défendre les espaces et te laisser dix ou quinze mètres pour mieux te manœuvrer sur leur vitesse. Je me souviens que Fred Pomarel m’engueulait en me disant d’arrêter de prendre des faux trous, sinon on ne s’en sortirait pas !" Des propos corroborés par O’Connor, détails à l’appui : "À XV, Antoine Dupont gagne beaucoup de ses duels dans des zones proches des rucks, en utilisant son raffût pour échapper à des avants qui cherchent à le prendre au niveau du ballon, parfois à bout de bras. À VII, il va devoir apprendre à jouer ses duels face à des adversaires qui plaquent beaucoup plus bas et qui vont tous aussi vite que lui. Ça fera une première grosse différence et pour un joueur de duels comme lui, je pense que ce sera le plus "difficile" à assimiler pour lui. D’autant plus que l’attitude des défenseurs après le plaquage n’est pas du tout la même : à XV, le mec va chercher soit à se relever pour gratter, soit ralentir un peu la sortie. À VII, ça contre-rucke à 10 000 à l’heure et pour appréhender ça, aussi, cela passe par un temps d’adaptation." "À titre personnel, il a fallu que je passe par le VII pour découvrir la vraie règle des rucks, prolonge Grosso. Là aussi, il s’agit de déconstruire ses réflexes de quinziste et termes d’attitude et de panoplie technique."

Grosso : "je le verrais bien 5"

De quoi poser, in fine, la question qui fâche : celle du positionnement sur le pré d’Antoine Dupont dans le cadre d’une équipe de seven. "Il pourrait jouer partout mais je le vois bien 4 ou 5, peut-être même plus 5 (l’équivalant de l’ouvreur et du chef d’attaque, N.D.L.R.) se mouille Grosso. On connaît sa capacité de lecture et sa propension à envoyer toujours le ballon dans les bons espaces, quelle que soit la manière. Alors, il y a à mes yeux tout intérêt à lui faire toucher un maximum de ballons au milieu du terrain." Même si les qualités de distributeur de Dupont devront, elles aussi, passer sous les fourches caudines des spécificités du jeu à VII. "À XV, on n’attaque jamais sans grosse profondeur, compare Marvin O’Connor. Le but est d’attaquer la ligne d’avantage et de ne surtout pas perdre de terrain. À VII, c’est beaucoup plus subtil que ça, il y a ce que l’on appelle des "poches de défense" qu’il s’agit d’éviter, quitte à accepter de perdre un peu de terrain. Quand on vient du XV, tout ceci n’est pas naturel tout de suite, même si on voit dans le jeu d’Antoine qu’il procède déjà un peu comme ça, notamment pour bonifier certains ballons quand ils ne sortent pas proprement. La question peut aussi se poser sur un de ses points forts, le jeu au pied offensif. Le pied, à VII, c’est quelque chose de très spécial. Quand tu ne le maîtrises pas à la perfection, ça peut très vite se retourner contre toi, si bien qu’à l’époque, nous nous interdisions d’y avoir recours. Il faudra qu’il en discute directement avec Jérôme Daret, pour voir si cela peut apporter un plus à l’équipe. Ou pas…"

On n’en doute, à vrai dire, pas vraiment. Et si certains pisse-froid commencent déjà à gloser quant au fait que son manque de taille dans le secteur des duels aériens pourrait conduire Dupont à manquer le train des JO, comme d’autres quinzistes avant lui, on préférera leur soumettre la conclusion de Fulgence Ouedraogo. "Je ne pense pas qu’ils lui fassent ce coup-là, car ça n’aurait pas la même résonance qu’avec nous, se marrait "Fufu". Les JO, c’est une compétition qui fait rêver. Sans cet objectif-là, on n’aurait certainement pas fait tous ces efforts à l’époque, tout comme Antoine Dupont ne les ferait pas non plus. C’est une compétition vraiment planétaire, c’est un peu ce qui manque à notre sport et pour son développement. C’est une opportunité incroyable d’avoir un ambassadeur comme lui." Comme le basket avait eu Michael Jordan et la Dream Team en 1992, en souhaitant aux Bleus un même destin…

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Les commentaires (2)
Celte29 Il y a 5 mois Le 17/11/2023 à 09:00

Donc il va déstabiliser le 15 de France et il va mettre le titulaire du poste à 7 sur le banc .
Au faite qui regarde le rugby à 7 ? j'aimerais connaître les audiences et l'affluence.

Desmedt Il y a 5 mois Le 17/11/2023 à 09:50

Pari tenu pour les audiences aux J.O. Et pardon, mais le rugby est un vrai sport d'équipe. Dupont, aussi bon soit-il, n'est pas l'équipe de France à lui tout seul.