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L'édito du vendredi - Une valse à mille temps pour les entraîneurs français

Par Léo FAURE
  • Patrice Collazo, en échec à Brive, a rebondi du côté de Montpellier.
    Patrice Collazo, en échec à Brive, a rebondi du côté de Montpellier. - Icon Sport
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Dans l'édito du vendredi, Léo Faure évoque les changements d'entraîneurs récents (Brive, Montpellier), et cette valse à mille temps qui secoue le rugby français.

Thierry Henry peut bien revendiquer une statue à son effigie de joueur aux abords de l’Emirates Stadium de Londres, où évolue aujourd’hui son club d’Arsenal, il n’en reste pas moins un manager en quête de preuves et de résultats, chez nos voisins du foot. Encore aujourd’hui, où les récents résultats de ses Bleuets sont sujets à critiques. Preuve, s’il en fallait encore, que les talents des grands joueurs ne sont pas toujours ceux des grands meneurs d’hommes.

Hier attaquant de classe planétaire, Henry s’essaye aussi à la philosophie, de temps à autre. Il puise dans ses fulgurances personnelles plutôt que dans la bibliographie des classiques du genre. Comme ce jour, dans un documentaire diffusé par Canal + : "Le temps, c’est un truc qu’on n’a pas. Même le temps n’a pas le temps pour le temps. Le temps ne s’arrête pas. […] Le temps n’a pas de temps. Mais il faut du temps. Et tu es jugé sur les résultats."

On rigole ? C’est sûr, c’est drôle. Et pas si éloigné des meilleures saillies de Jean-Claude Van Damme à ses heures de grand penseur. À bien entendre, par-delà la formulation cocasse, tout n’est pourtant pas à jeter dans le trait d’esprit de Thierry Henry. À commencer par la corrélation entre les variables de temps et de résultats.

Le temps, c’est la ressource la plus précieuse de notre époque. Tiens donc. Parce qu’il s’accélère, il se raréfie. Et plus encore quand les enjeux se dopent à l’hystérie du "tout, tout de suite, maintenant" qui agite les grands de ce monde. Sans épargner ceux du rugby.

À Brive, Patrice Collazo aura donc eu dix mois et 23 matchs pour faire ses preuves, dont une bonne moitié avec un effectif malade et qu’il n’avait pas choisi. Et puis ? Dehors. Pas que les productions des Corréziens soulevaient les foules, c’est sûr, mais la sentence est vite tombée.

À Brive toujours, c’est Broncan qui prend place. Il y a un an, il était à Castres, finalement viré en février 2023, huit mois (seulement) après avoir conduit les Tarnais en finale du Top 14. Tout va (trop) vite, comme pour Richard Cockerill, écarté du MHR moins de cinq mois après avoir posé ses valises dans l’Hérault.

Plus vite rapide encore, le timing dans lequel Collazo a retrouvé un poste et un banc. Licencié et promu dans la même semaine, le Varois passe de la Corrèze à l’Hérault, du Pro D2 au Top 14, d’un effectif d’aspirants à un effectif de cadors. D’une galère à l’autre ? Peut-être, mais son cas illustre bien l’air du temps : le tempo sur lequel se danse la valse des entraîneurs frôle la tachycardie. Si l’on veut bien entendre que le professionnalisme qui empoigne désormais le rugby ne laisse plus de temps au temps, il ne laisse plus (non plus) le temps à la raison.

Les contre-exemples existent pourtant, qui devraient en inspirer plus d’un. À Pau, que l’on a pu critiquer ici pour sa "politique club" parfois erratique mais qui semble avoir appris de ses erreurs, et qui a laissé à Sébastien Piqueronies le temps de réussir. Après deux années encore loin du compte, dixième (2022) puis douzième (2023), la Section récolte aujourd’hui les fruits de sa patience et de sa confiance en un homme, en son projet, en sa stabilité. Comme à Toulouse, où les premières saisons d’Ugo Mola furent poussives, pour le moins. Elles ont pourtant construit ses succès futurs.

Tous ne l’entendent pas de cette oreille. À Montpellier, à Brive, et ailleurs où l’on annonce des managers déjà sur la sellette. Cette frénésie interroge, dérange. Elle fait surtout du manager un métier à risque : "gagnez aujourd’hui, ou partez demain". Déraisonnable.

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Les commentaires (2)
Pierrot5 Il y a 4 mois Le 29/11/2023 à 08:30

Je pense que le cas de certains entraîneurs est leur problème d'ego...colazo, urios..c jamais leur faute..soit c l'entraîneur soit c les joueurs..et sincèrement à la fin tu n'y crois plus...

Chabalou Il y a 5 mois Le 24/11/2023 à 09:01

Bien dit...un expert dans son domaine ne fera pas forcément un bon manager. Car il faut du charisme et une capacité à expliquer son projet , faire adhérer, motiver..
Pour la valse des entraîneurs cela ressemble maintenant aux pratiques du foot et de notre société...la quête du résultat coûte que coûte
Et un manager viré ou n'ayant pas eu de résultats retrouve un job rapidement...comme dans les entreprises !!!