Abonnés

René Bouscatel, président de la LNR : "Il faut maintenir le modèle français"

Par Emmanuel Massicard
  • René Bouscatel n'a évité aucun sujet.
    René Bouscatel n'a évité aucun sujet. Icon Sport
Publié le
Partager :

Alors que le rugby pro a repris son cours au lendemain du Mondial, son patron, René Bouscatel, fait le tour de l’actualité. L’élimination, les silences du sélectionneur, le plan stratégique de la LNR, les relations avec la Fédération ou, enfin, le retour de Laporte et son propre avenir, tout y passe.

Revenons au dimanche 15 octobre, soir de l’élimination du XV de France lors de la Coupe du monde qui devait consacrer le rugby français. Comment l’avez-vous vécu ?

D’entrée, le sentiment d’une grosse déception et d’un violent coup de barre ; certainement parce que tout le monde pensait que nous serions champions du monde. Ensuite, vint une certaine frustration quand j’ai essayé d’analyser pourquoi on avait perdu ce match que nous aurions peut-être dû gagner. Je me suis posé les questions que tout le monde a dû se poser. Des questions souvent restées sans réponse, jusqu’ici.

C’est-à-dire ?

Sans polémiquer, j’ai regretté que le sélectionneur (Fabien Galthié, N.D.L.R.) ne vienne pas davantage nous expliquer les véritables raisons de cet échec survenu après trois premières années au bilan plus que satisfaisant. Au lieu de quoi, ses silences ont été pesants. Cela m’a un peu déçu et ça me gêne toujours parce que le monde du rugby, et plus particulièrement ses acteurs, ont vraiment besoin d’avoir des éléments de compréhension de cette défaite comme on avait su partager les victoires auparavant…

Quand vous dites "les acteurs du rugby", vous parlez spécifiquement de la Ligue, des présidents de clubs pros et de leurs managers ?

Naturellement, même si tout le monde était logiquement en attente, avec l’envie de ne pas rester sur une telle déception malgré le formidable engouement qu’a fait naître cette Coupe du monde. Les gens que vous citez y auraient été plus que sensibles, c’est pourquoi je me fais leur porte-parole.

Y voyez-vous un manque de considération, voire de respect, à l’égard des clubs qui n’ont jamais accordé autant de moyens à un sélectionneur ?

Non, pas obligatoirement un manque de respect mais une attitude révélatrice. Je ne vais pas rentrer dans un conflit qui n’a pas lieu d’être et que je n’ai pas avec Fabien Galthié car c’est normal qu’il continue. Je le répète, il a fait du bon boulot. Mais il y a cet échec qui devait être débriefé avant de repartir. On ne demande pas un mea culpa, mais un débriefing. Le Tournoi arrive et nous aurons besoin de bons résultats pour rebondir… Avec un peu de chance et beaucoup de travail, selon la formule de Guy Novès, nous gagnerons peut-être ce premier match si important face à l’Irlande qui, comme nous, a perdu en quart de finale. Ce sera un révélateur.

Vous parlez de l’Irlande qui, comme la France, avait construit son projet sur un cycle long de quatre ans. À l’inverse, les nations qui sont allées le plus loin dans ce Mondial sont celles qui l’ont abordé avec des projets plus courts. Est-ce un indicateur dont il faudra tenir compte ?

Je vois surtout qu’une Coupe du monde est facile et difficile à la fois. Facile parce qu’il y a huit nations majeures et huit quarts de finalistes ; à moins d’un cataclysme, vous vous qualifiez pour les quarts. Et difficile parce qu’il faut ensuite gagner trois matchs d’affilée pour être champion. C’est là qu’il faut être bon, pas avant… Or, nous sommes quasiment les champions du monde des matchs préparatoires et cela ne sert à rien, puisqu’on perd le premier match important.

Faut-il néanmoins changer l’ambition ? Se dire qu’on ne peut pas se contenter d’un seul objectif sur quatre ans, celui d’être champion du monde ?

L’ambition ultime doit toujours d’être enfin champion du monde et il faut s’y préparer. Comment ? Je laisse la réponse aux sportifs et on verra ensuite s’il convient de revoir les accords FFR-LN. En faisant un bilan, on s’apercevra peut-être que la mobilisation systématique de quarante-deux joueurs n’est pas tout le temps une bonne solution. Ce n’est qu’un exemple et, encore une fois, ce n’est pas à moi de trancher.

Le 27 novembre, Florian Grill va venir rencontrer le Comité directeur de la LNR. Qu’en attendez-vous ?

Je l’ai invité pour que nous puissions partager le bilan de la Coupe du monde.

Avec un héritage financier apparemment moins important que prévu pour le rugby pro…

Il ne sera pas à la hauteur des espérances puisque le résultat financier de France 2023 sera inférieur aux prévisions. C’est une très belle Coupe du monde pour Word Rugby, ça le sera un peu moins pour la France et ses clubs…

Donnez-nous des chiffres ?

C’est trop tôt, tout n’est visiblement pas encore consolidé.

Des tendances ?

J’attends de voir… Mais ne résumons pas tout au financier, pour moi le sportif prime toujours. Et puis, ce fut une très belle Coupe du monde, un vrai succès populaire.

Revenons aux clubs professionnels. Dans une interview récente accordée à Midi Olympique, Jacky Lorenzetti a considéré qu’ils avaient été au maximum de leurs efforts. Vous partagez ?

Je pense qu’on a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup d’efforts. Énormément. Mais, permettez-moi : je suis un peu émoustillé pour ne pas dire en colère après ses déclarations… C’est complètement fou !

Pourquoi ?

Cette convention ne sort pas de nulle part : elle fut validée à l’unanimité par le comité directeur de la Ligue puis par les clubs en assemblée générale. Pour en négocier les tenants et les aboutissants avec la FFR, j’avais mis en place une commission de travail qui regroupait les staffs des plus gros fournisseurs d’internationaux. Avec les responsables de l’équipe de France, ils ont posé une feuille de route sportive que nous, dirigeants, avons suivie. Et elle court jusqu’en 2027 ! Alors, cela ne sert à rien de laisser croire qu’on pourrait tout envoyer valser. Si l’on souhaite la faire évoluer, on le pourra d’un commun accord et en bonne intelligence.

Sauf que…

(Il coupe) Les décisions prises par la Ligue ne sont pas le fait du prince. J’ai créé des commissions sur tous les sujets, en invitant tout le monde à participer. Ensuite, toutes les décisions sont partagées et soumises à la validation du comité directeur. Je ne sais pas ce qui peut être plus démocratique ou plus participatif.

L’équipe de France va-t-elle demeurer la priorité absolue ?

C’est le phare du rugby français, il faut donc tout faire pour qu’elle ait de bons résultats. Et ces résultats sont le fruit d’une synergie avec nos clubs et nos compétitions qui sont le socle de tout. Elles sont attractives et doivent le rester grâce aux règles de régulation mises en place. Résultats : les affluences dans les stades et les audiences télé battent des records ; enfin, les joueurs et nos équipes sont performants au bénéfice de l’équipe de France. Ce n’est pas elle qui forme les joueurs et qui remplit les stades du Top 14 ! Elle y contribue, oui, mais c’est avant tout le fruit du travail et de l’attractivité des clubs.

Plus que de priorité, c’est une question d’équilibre.

J’en suis convaincu. Il faut maintenir le modèle français, qui est exemplaire. Regardez les résultats des clubs jusque sur la scène européenne, regardez ceux des équipes de France avec les moins de 20 ans qui sont trois fois champion du monde.

Qu’attendez-vous des jeux Olympiques ?

C’est un moment important pour le rugby, comme pour l’ensemble des athlètes français. Le rugby a besoin d’un titre majeur.

Un mot sur le plan stratégique que vous avez présenté en début de semaine dernière. Quels sont les enjeux prioritaires ?

Nous traçons l’avenir du rugby professionnel français, en listant tous les défis. Ce plan n’est certes pas une révolution, il est marqué par le sceau de la continuité mais il pose une ambition forte en ce qui concerne l’arbitrage, le médical, la formation ou le rugby féminin. Jamais on a fait autant pour l’arbitrage ! Vous savez, avec ce plan qui est un gros investissement pour l'avenir, je suis confiant.

Le modèle français est unique et fait référence. Mais il porte aussi le risque d’épuiser le reste du monde…

Le problème, c’est que le reste du monde s’est lui-même épuisé. Ne mettons pas tout sur le dos du Top 14 qui est parvenu à conjuguer un projet sportif avec un projet économique. C’est la principale réussite du rugby professionnel français qui fait vivre deux divisions et trente clubs sur des principes de solidarité très forts et qui ont permis l’essor du Pro D2. Aujourd’hui, nous essayons d’aider le championnat de National pour que ses clubs puissent être prêts à bien figurer dans le monde pro s’ils montent mais cela ne veut pas dire que la Ligue veut récupérer une troisième division professionnelle sous sa coupe.

Quelle est la clé de la réussite du modèle français ?

Ses deux divisions professionnelles ouvertes et l’émulation que cela suscite. Sans oublier les Jiff et le salary cap qui sont nos éléments régulateurs. Là encore, on verra pour les faire évoluer selon les besoins. Pourquoi pas en intensifiant les Jiff ou en instaurant le salary cap en Pro D2 par exemple.

On dit que le rugby pro va bien mais on a l’impression que les clubs n’ont jamais été aussi divisés, principalement en Top 14. Vous vous étiez d’ailleurs posé en rassembleur au moment de votre élection…

Divisés, je ne pense pas. Disons que notre monde est ballotté au gré des humeurs et des intérêts particuliers. Pour le reste, tous les projets portés ces dernières années ont été votés quasiment à l’unanimité. Et nous n’avons pas eu beaucoup de reproches au niveau du comité directeur.

Sauf que certains, à l’image de Pierre-Yves Revol, semblent remonter au front de l’opposition.

J’attends qu’un président vienne m’expliquer ce qui ne lui va pas. Les jalousies et les théories du complot ont toujours existé parmi les clubs qui sont soumis à une très forte concurrence. Pour ma part, j’essaie d’être à l’écoute de tous et de leur donner la place qu’ils sont prêts à occuper. L’an dernier, j’ai visité 27 de nos 30 clubs. Tous les week-ends, je vais les rencontrer et il n’y a aucun ostracisme. À chaque fois, on discute de manière très ouverte. Je n’ai pas changé de principes, je reste déterminé à rassembler tout le monde.

Est-ce à dire que vous serez candidat à votre propre succession ?

C’est trop tôt pour le dire. On verra.

Il se dit pourtant que vous auriez pris la décision de vous représenter. Principalement si Pierre-Yves Revol est lui-même candidat…

Écoutez, ce n’est pas un problème de personne mais de projets. Une chose est sûre, je suis en pleine forme et je ne compte pas mon temps au service de la Ligue où je passe entre trois et cinq jours par semaine.

Quel bilan tirez-vous de votre mandat actuel ?

J’avais deux axes principaux. D’abord, poursuivre la progression du rugby français dans toutes ses composantes vers l’excellence, et je pense qu’il y a eu des progrès très significatifs ces trois dernières années. Ensuite, instaurer un mode de fonctionnement très participatif, se parler et collaborer tous ensemble. Je voulais ouvrir la Ligue et que les clubs s’impliquent dans son fonctionnement, aux côtés des équipes dirigées par Emmanuel Eschalier qui font tous ensemble un travail formidable. Mais quand je dis ouvrir, ce n’est pas simplement au niveau des présidents, je souhaitais que toutes les composantes des clubs soient actives et impliquées. Je crois que nous y sommes parvenus. Il y a eu plus de participation sur tous les dossiers et au final, plus de démocratie dans notre fonctionnement.

Qu’est-ce qu’il vous reste à accomplir ?

Avançons de manière significative sur les axes que nous avons présentés dans le plan stratégique : le médical, la formation, l’arbitrage, le rugby féminin… Et continuons d’avancer de manière intelligente et constructive avec la Fédération ; les rapports que nous entretenons sont d’ailleurs excellents et il faut s’en féliciter. Comment pourrait-on nous le reprocher d’ailleurs, puisque que cela permet de faire entendre et respecter la voix du rugby français au plus haut niveau !

Un dernier mot à propos du retour de Bernard Laporte, comme directeur du rugby à Montpellier. Vous avez dit que c’était une bonne chose…

Peut-être me suis-je mal exprimé. Je voulais dire qu’on ne pouvait pas l’empêcher de travailler et que c’était bien qu’il retrouve un emploi. Un club a décidé de l’embaucher quitte à prendre un risque en cas de nouvelle condamnation, c’est son droit. Mais moi, président de club, je ne l’aurais pas fait.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (3)
Manu05 Il y a 5 mois Le 27/11/2023 à 22:28

Ce qui serait bien ce serait de protéger les clubs formateurs pour qu'ils arrêtent de se faire piller par les richards du top 14 qui n'hésitent pas à débaucher des jeunes qui n'ont même pas 1 année de professionnalisme dans leurs clubs formateurs... comme par exemple Bielle Biarrey ou Gazzotti, partis à Bordeaux après respectivement 0 et 8 matchs en pro D2 à Grenoble... mais pour ça, il faudrait que le président de la LNR ne soit pas issu d'un de ces clubs en haut du TOP 14...

brandon_15 Il y a 5 mois Le 27/11/2023 à 17:42

Bouscatel n'a jamais supporté la critique que se soit au Stade Toulousain ou à la LNR. Pourtant les "saillies verbales" de grands capitaine d'industrie et présidents de clubs sont très pertinentes. Et eux, la bonne gestion financière, ils savent ce que c'est ! Les indispensables remplissent les cimetières...

herwan Il y a 5 mois Le 27/11/2023 à 12:51

Vivement Revol..!!!