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Top 14 - "Matsushima m’a dit de faire attention au fromage", Tevita Tatafu (UBB) se dévoile

Par Yanis GUILLOU
  • Top 14 - Tevita Tatafu (UBB)
    Top 14 - Tevita Tatafu (UBB) Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Tevita Tatafu - troisième ligne centre de Bordeaux-Bègles. Joueur au profil et au parcours atypique, il est Bordelo-Béglais depuis quelques semaines. Le Japonais (14 sélections) se raconte et livre ses nouvelles ambitions.

Nous sommes le 2 juillet 2022, il est 8 h 13 heure française et devant notre télé, nous assistons à une démonstration de force au Japon. Il n’est pourtant ici pas question d’un combat de sumo, mais bien d’un match de rugby, entre les Brave Blossoms et le XV de France. Lors de cette rencontre à Toyota, un monstre physique renverse tout sur son passage et impressionne les observateurs. Le nom de la boule de démolition de plus de 120 kg ? Tevita Tatafu. Troisième ligne extrêmement physique mais tout de même très mobile, il s’est engagé avec l’Union Bordeaux-Bègles à l’orée de la saison 2023-2024. Marrant, lorsqu’on sait que lors du fameux match face aux Bleus, Tatafu a inscrit un essai après avoir renversé… Yoram Moefana et Matthieu Jalibert, ses actuels coéquipiers à l’UBB ! "C’est celui que j’ai marqué sous les poteaux, se rappelle le principal intéressé. Je ne savais même pas que c’étaient eux. Je ne leur en ai pas parlé. Mais Moefana s’est bien vengé le match suivant. Il m’a empêché d’aplatir à la 74e minute en tapant sur le ballon alors que j’étais dans l’en-but. En plus, je pense que si j’avais marqué cet essai, nous aurions gagné le match."

Impressionnant sur la scène internationale

Ces affrontements face à la France ont apporté de la légitimité à celui qui a une histoire contrastée avec les Brave Blossoms. Sous Jamie Joseph, il a accumulé quatorze sélections avant de disparaître juste avant la Coupe du monde. Ne pas le voir lors du Mondial en France était une surprise et il se murmure que son départ vers la France n’était pas étranger à cela. Joseph s’est passé de Tatafu alors que ce dernier tient plusieurs matchs références, notamment un contre les Lions Britanniques et Irlandais en 2021. Une rencontre qui était sa première sous le maillot japonais et dans laquelle il s’est montré déterminant. "Je pense que c’est le match qui m’a révélé, pose le colosse. C’était la première fois que le Japon jouait contre les Lions. Nous avions parlé du fait qu’ils aimaient aller tout droit et porter le ballon pour aller au contact. J’étais sur le banc et j’étais prêt pour cela. J’ai fait pas mal de courses et c’est ce que j’aime le plus dans le rugby : porter le ballon et courir à travers les défenseurs. Même si c’est pour un mètre, je veux faire avancer l’équipe." Il faut dire que pour gagner du terrain, Tatafu a un avantage assez évident : son poids.

International - Tevita Tatafu face à la France, tente ici de plaquer Baptiste Couilloud
International - Tevita Tatafu face à la France, tente ici de plaquer Baptiste Couilloud Icon Sport - Icon Sport

Plutôt du type solide, l’ancien joueur des Suntory Sungoliath ne cache pas être un amoureux des bonnes choses : "J’adore la nourriture et quand je mange, je mange beaucoup. Au Japon, j’essayais de garder mon poids à des mesures raisonnables parce que sinon, les chiffres montent vite sur la balance." Comme ce fut le cas dans une période marquée par la pandémie de Covid-19 et par l’arrêt de la vie sportive. "J’ai déjà pesé 140 kg, reconnaît-il. Nous étions en vacances à cause du Covid. Avec de la nourriture et sans entraînement… Cela m’a pris trois mois avant de revenir à mon poids de forme : 120 kg. C’est d’ailleurs mon poids actuel." Mais ne vous trompez pas, le physique monstrueux du bonhomme cache en réalité une personnalité plutôt timide et surtout très respectueuse. "C’est vrai que certains se demandent comment je fais pour passer de quelqu’un de taiseux et timide en dehors du terrain à un mec furieux sur le terrain", rigole le numéro 8. Réservé, il est de ceux qui n’arrêtent pas d’afficher un sourire poli lors d’une discussion, tout en essayant de formuler un anglais encore un peu laborieux. Et dire que certains pourraient avoir l’idée de changer de trottoir en voyant ses différentes impressionnantes cicatrices, notamment à la main. "Les gens me disent que je suis particulièrement timide mais c’est normal au Japon", plaidait celui qui fut en réalité adopté par le pays du Soleil-Levant.

"La principale raison pour laquelle j’ai basculé chez les avants a été la nourriture"

Né aux Samoa, Tatafu est parti aux Tonga lorsqu’il n’avait que quelques mois. C’est dans les îles du Pacifique qu’il a grandi et a découvert le rugby. "Je suivais les mecs de mon village pour y jouer ! Après ça, j’ai déménagé sur l’île principale pour mes études et un entraîneur est venu pour chercher des talents chez les rugbymen. J’ai été repéré et je suis parti au Japon alors que je n’étais qu’un adolescent." Au pays des huit îles, le choc des cultures fut déroutant pour un jeune homme qui ne maîtrisait pas le moindre terme de ce dialecte si particulier qu’est le japonais. Une difficulté qui complexifie la sociabilité, surtout pour quelqu’un de timide. "La première fois que j’y suis allé, je ne comprenais vraiment rien, même quand ils disaient mon nom. Il y a peu de Japonais qui parlent anglais. Il y avait un gars qui le faisait mais il n’est resté que trois mois avec moi car il a eu son diplôme. C’était dur au début et je me demandais si j’allais pouvoir réussir ce que je voulais faire. C’est à l’école que j’ai ensuite appris le japonais. J’étais là, seul, sans famille. Mais tous les joueurs de rugby étaient dans le même bâtiment donc nous vivions ensemble."

Top 14 - Tevita Tatafu (UBB)
Top 14 - Tevita Tatafu (UBB) Icon Sport - Icon Sport

Au Japon, le jeune homme a aussi évidemment rencontré un de ses grands amis : la nourriture ! "Je jouais au centre à cette époque. J’étais très physique mais avec quand même beaucoup de vitesse et de technique. La principale raison pour laquelle j’ai basculé chez les avants a été la nourriture." Un repositionnement qui fait sens quand on sait que le rugby est encore un sport d’évitement au Japon. Affamé de duels physiques, le jeune homme est resté de nombreuses années au Japon avant de rejoindre le Top 14 et son jeu réputé bien plus rude. "Le jeu est différent entre les deux championnats, observe le Nippon. Au Japon, c’est avant tout la vitesse qui compte et il faut passer le ballon avant le contact. Il y a un seul gars à qui j’en ai parlé, c’est Kotaro Matsushima. Il m’a dit qu’en France, il fallait être physique. Il m’a aussi dit de faire attention à la nourriture, surtout au fromage (rires)." Comme lors de son arrivée au Japon, le troisième ligne a tout à découvrir et à construire en France, un pays à la culture radicalement différente de tout ce qu’il a connu jusqu’à présent. "C’est important pour moi d’expérimenter différentes choses et de vivre différemment que lorsque j’étais au Japon. Pour l’instant, je suis seul, ma femme viendra après. C’est parfois dur de ne pas l’avoir avec moi mais la plupart du temps, je m’entraîne au club donc ça va."

À la découverte de nouvelles cultures

La découverte de l’Hexagone semble tout de même plutôt bien se passer pour le géant, puisqu’il a réussi deux belles performances en Top 14 face à Toulouse et Montpellier. Impressionnant au sol, il affiche une belle forme physique qui lui permet d’avoir une grande mobilité sur le terrain, tout en gardant sa puissance naturelle. Un véritable numéro 8 en somme. "Pourtant, sur les deux matchs en question, je sentais que quelque chose n’allait pas, avoue étonnement Tatafu. J’ai continué et essayé d’aller de l’avant mais je ne sais pas… Je cherche toujours ce qui me dérange mais je n’ai pas eu l’impression d’avoir fait de bons matchs. Je peux être meilleur." Cette autocritique en dit beaucoup sur l’homme, calme mais ambitieux dans un championnat où ses compatriotes ont historiquement déçu. Goromaru et Matsushima n’ont par exemple jamais été au niveau attendu, alors qu’ils étaient des stars de leur équipe nationale.

Digest

Né le : 2 janvier 1996 aux Samoa

Mensurations : 1, 83 m, 120 kg

Poste : troisième ligne centre

Clubs successifs : Université Tokai (2015-2019), Suntory Sungoliath (2019-2023), Union Bordeaux-Begles (depuis 2023).

Sélections nationales : 14 avec le Japon (depuis 2021)

1er match en sélection : à Murrayfield, le 26 juin 2021, Lions Britanniques et Irlandais - Japon (28-10).

Points en sélection : 15

Palmarès : championnat d’Asie (2016)

Cela ne semble pas perturber Tatafu pour autant : "Je pense que mon style de jeu peut correspondre à celui de l’UBB. Même si parfois je ne peux pas parfaitement communiquer avec les gars, je fais des grands gestes avec mes mains et on me comprend. La seule chose qu’il me manque est de parler français et je pourrai passer au-dessus de la pression. Je veux être le numéro 1 en courses avec le ballon… Même en franchissements et en plaquages. Je veux être le numéro 1 sur le terrain." Avant de penser à être le meilleur joueur de Top 14, le Japonais devra commencer par être le meilleur… Tevita Tatafu. Car oui, le troisième ligne a un homonyme au sein du championnat de France. Sachant cela, le néo-Bordelais se marre : "Oui. Celui de Bayonne ! C’est drôle, la première fois que je suis arrivé ici, on m’a dit "il y a un deuxième Tevita Tatafu en France". Mais nous ne sommes pas de la même famille. Quand nous jouerons contre Bayonne, ce sera Tevita Tatafu contre Tevita Tatafu !" Avec leurs 253 kg cumulés, les deux hommes pourraient très bientôt se rencontrer sur le terrain… À moins qu’ils le fassent d’abord autour d’un bon repas ?

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