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Grands entretiens - Aurélien Rougerie (Clermont) : "J’ai failli tout arrêter mais j’ai pris mes responsabilités"

  • Aurélien Rougerie est le team manager de Clermont.
    Aurélien Rougerie est le team manager de Clermont. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Icône de l’ASM, Aurélien Rougerie s’est longuement confiée sur son nouveau rôle. Sans filtre, l’ancien ailier et centre, qui occupe désormais le rôle de team manager, assume que son club est aujourd’hui loin des cadors français et européens mais que tout est mis en œuvre pour faire renaître le monstre jaune et bleu…

Vous êtes team manager de Clermont depuis deux saisons. Quelle est votre journée type ?

Il n’y en a pas ! Mais ma fiche de poste est très claire : il s’agit de créer un environnement propice à la performance pour les joueurs et le staff. Cela englobe plein de domaines, comme l’entretien du centre d’entraînement, choisir les investissements à faire sur la logistique et les déplacements à l’extérieur. Cela me permet d’avoir un lien avec l’administratif en plus du sportif. J’accompagne également les joueurs sur leur double cursus. Je me suis donc rapproché de l’université Clermont Auvergne et de l’ESC Clermont Business School, la principale école de commerce de la ville, pour faire bonne impression parce que l’image des joueurs était écornée… Sans vouloir tirer sur l’ambulance, ce qui a été fait avant n’a pas été parfait. Les personnes de l’UCA et de l’ESC me disaient que les joueurs de l’ASM étaient catalogués comme des mecs qui ne venaient pas en cours et qu’il fallait leur donner leur année. Face à cela, j’ai fait amende honorable en proposant une nouvelle trame, aux côtés de Timothé Bommier, ancien traileur de haut niveau.

C’est-à-dire ?

L’idée est de mettre un peu plus de rigueur au centre de formation mais aussi de prendre en charge les reconversions en fin de carrière. Nos équipes ont fait des bilans d’appétences et de compétences et on a signé un partenariat avec Transitions Pro, un organisme de référence pour la reconversion professionnelle. Cette année, on a plusieurs joueurs qui arrivent en fin de carrière et dont on essaie d’aiguiller au mieux selon leur profil. Il y a aussi la mise en place de tutorats. Toutes ces choses permettent de remettre le facteur dans le Kangoo ! J’étudie également au Centre de droit et d’économie du sport, à Limoges, pour entamer une formation universitaire de manager général.

Pourquoi avez-vous failli tout arrêter ?

Je n’étais pas épanoui, je n’allais pas très bien. J’étais assez patient, parce que j’ai attendu longtemps le Bouclier de Brennus (rires), mais là, au bout de deux ans et demi sans rien foutre, c’était un peu long. Malheureusement, le décès d’Éric deCromières m’a fait changer de missions. Si la situation était restée en l’état, je pense que je serais parti.

En quoi consiste votre formation universitaire à Limoges ?

J’aime bien le parallèle avec le métier de médecin généraliste ! L’idée est de connaître tous les sujets sans être un spécialiste précis. Suivant le problème rencontré, il faudra faire des choix et s’orienter vers des personnes qualifiées et spécialisées, que ce soit sur le plan comptable, juridique, administratif… Je ne vais pas aller faire l’avocat devant la cour de cassation ! Mais je serai plus compétent pour choisir la bonne personne qui ira. Je n’ai pas envie de revenir au sportif. Je voulais me détacher de la pression de la performance que j’ai eue pendant vingt-cinq ans.

Aurélien Rougerie (Clermont).
Aurélien Rougerie (Clermont). Icon Sport

Donc vous ne vous occupez plus du recrutement ?

J’y viens ! J’avais proposé une cellule recrutement il y a quatre ans. Cela a été bien reçu au départ mais j’ai vite déchanté parce qu’ils m’ont mis dans un bureau et j’ai produit des classements et des tableaux pour les entraîneurs qui, au final, ne les regardaient jamais. J’ai passé deux ans comme cela et j’ai failli tout arrêter. Aujourd’hui, avec le "big five" (Jean-Claude Pats, président, Didier Retière, directeur sportif, Benoît Vaz, directeur général, Christophe Urios, manager, Aurélien Rougerie, team manager, N.D.L.R.), on a gardé un bout de cette cellule. Didier et moi-même nous occupons de l’opérationnel, Benoît, Christophe et le président se chargent de la stratégie, la demande des profils, etc. En résumé, j’ai proposé trois points : le repérage des joueurs en fonction des besoins, la mise en avant des infrastructures, de la ville et de la région et l’intégration matérielle des joueurs. Cela comprend la recherche de logements jusqu’au fonctionnement d’un chariot de supermarché en France ! Nous délivrons pour chaque recrue une "Welcome box", un petit carton avec tout ce qu’il faut savoir sur la région, des places au Zénith d’Auvergne pour les concerts, les informations sur les assurances… J’ai fait un truc bien, je pense (rires) ! C’était intense à faire mais nécessaire !

Votre reconversion à l’ASM était-elle innée ?

Non, mais c’est une vraie chance. Aujourd’hui, les dirigeants me font confiance et je ne veux pas les décevoir, ni l’institution. J’ai besoin de me former, notamment sur le plan théorique. Si je ne suis plus l’homme de la situation, je partirai. J’ai déjà envisagé ce cas de figure mais heureusement, cela n’est pas arrivé. J’aime ce club, je veux apporter tout ce que je peux et ne pas être un boulet.

Qu’est-ce qui vous différencie de Neil McIlroy, votre prédécesseur ?

Il avait beaucoup de qualités sur l’organisation, j’essaie de m’en inspirer. Mais en tant qu’ancien joueur, je connais peut-être un plus les besoins des garçons. Je ne suis pas là pour les emmerder mais pour trouver des solutions, ils le savent. En plus de l’aspect organisationnel, j’espère être davantage dans le décisionnel.

Les besoins des joueurs sont-ils les mêmes que lorsque vous étiez sur le terrain ?

Ils ont des besoins similaires mais ils veulent tout consommer rapidement, sauf que parfois les choses ne se passent pas aussi vite qu’ils le voudraient. La patience n’est plus une vertu. Par exemple, sur les places de crèche ou de la signature d’un contrat, ils ont besoin d’avoir immédiatement des réponses. Mais le gros point positif est qu’ils veulent tout comprendre. C’est nécessaire et une bonne façon de les accompagner, sans les assister. On est dans la bulle du haut niveau, tout est fait pour eux mais ils ont aussi des obligations et la vraie vie !

Beaucoup de supporters continuent de s’interroger sur votre rôle. Est-ce agaçant ?

Non, cela me fait sourire ! Je pense que les gens ne se rendent pas compte de l’organisation d’un club professionnel. C’est comme un spectacle avec les coulisses. Pour que le fonctionnement soit cadré, il faut que chacun y mette du sien en restant à sa place. Il y a vingt personnes dans le staff, quarante-huit joueurs professionnels et espoirs… Si on n’est pas un minimum organisé, c’est impossible. Il faut également être ferme sur les budgets puisqu’on a des comptes à rendre, tout en l’expliquant et être pédagogue.

Au sein du "big five", êtes-vous celui qui calme les discussions ou celui qui les fait monter en régime ?

Cela dépend des sujets ! Je peux parfois « m’emporter » parce que je trouve des sujets aberrants… Je ne suis pas traumatisé mais pendant deux ans et demi, il y a eu des choses faites au niveau du recrutement auxquelles j’étais opposé et aujourd’hui, on en paye les conséquences. J’ai la force de caractère de croire que j’avais un peu raison.

Sur quels points ?

Les contrats de certains qui ont quitté le club ces dernières saisons… Je n’incrimine absolument pas les joueurs, plusieurs d’entre eux se sont gravement blessés et leurs contrats de quatre ans avec des gros salaires ont mis en péril le club. Il faut faire attention sur la durée des contrats et je me suis engueulé avec certaines personnes à ce sujet. Ce n’est pas passé mais force est de constater que c’est encore un problème… En revanche, on a contacté Alexandre Lapandry pour qu’il puisse revenir au club. Les discussions ont débuté récemment et on travaille pour savoir quel rôle pourrait lui correspondre !

Killian Tixeront et George Moala ont d’ailleurs récemment prolongé de deux ans, tout comme Sébastien Bézy ou Alex Newsome…

Exactement, on peut faire des contrats de quatre ou cinq ans mais sur des jeunes Jiff et les verrouiller comme on l’avait fait avec Damian Penaud en 2018. Mais je pense que c’est mieux de discuter tous les deux ans et d’avoir des « releveurs » et des données tangibles. Si le mec est sur le terrain, il doit être payé, même très bien et inversement. Cela me semble logique.

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? Killian ???????? (2+1) et George ????? (+2) prolongent !
Killian Tixeront (21 ans, troisième ligne) « l’enfant du club » et George Moala (33 ans, centre) « l’un des symboles » poursuivent l’aventure pour 2 saisons supplémentaires (2+1 pour… pic.twitter.com/0F7Px6JEVw

— ASM Rugby (@ASMOfficiel) December 5, 2023

N’y a-t-il pas le risque de perdre une certaine stabilité ?

Il y en a toujours ! L’idée est d’avoir trois tiers de joueurs comprenant des jeunes, des confirmés et des plus anciens pour harmoniser le groupe. Mais à cause de ces longs contrats, on a payé pendant plusieurs saisons cette situation et on n’a pas pu casser cette tendance immédiatement. Et nous n’y sommes pas encore, je pense qu’on a besoin d’une ou deux saisons supplémentaires.

Vous avez tout connu à Clermont. Comment avez-vous vécu ces deux dernières saisons décevantes sur le plan sportif et mouvementées en coulisses ?

Mal ! J’étais meurtri de ne pas voir l’équipe se qualifier et de voir les joueurs partir en vacances tôt. J’avais vécu ça il y a bien longtemps, avant l’arrivée de Vern Cotter, et j’avais détesté cette période de voir les autres s’éclater pendant que je ne faisais rien. Le club a besoin de se qualifier et d’être au premier plan. Les gens sont en attente de cela. J’espère qu’on a mis les bonnes personnes pour remonter l’ASM parce qu’il y a beaucoup de qualité au sein de ce "big five".

Y a-t-il des similitudes entre 2023 et la période 2002-2005, où l’ASM n’était pas sur le devant de la scène ?

À cette époque, les dirigeants avaient fait d’autres choix puisque ce n’était pas le même modèle économique. On essaie de défaire ce qui a été fait pendant vingt ans. Forcément, cela ne plaît pas à ceux qui étaient en place jusqu’ici. On ne se fait pas que des amis mais on fait cela pour le bien du club. Il faut que ces personnes soient assez intelligentes pour l’entendre.

Lorsque Christophe Urios s’est engagé avec Clermont, pensiez-vous qu’il était l’homme de la situation ?

J’avais un peu de réserve parce que je ne connaissais que l’homme au bord du terrain. Un personnage truculent, exubérant et passionné. Mais j’ai été agréablement surpris par sa méthodologie. Il est l’homme de la situation. On avait besoin de cette rigueur comme on a pu l’avoir en 2006 quand Vern est arrivé. Nous sommes sur le même schéma.

En quoi vos relations sont-elles différentes avec Christophe Urios par rapport à Jono Gibbes ?

Avec Jono, c’était un peu l’omerta. J’étais nouveau dans ce poste, je ne connaissais pas tout, les relations étaient franchement bonnes mais il n’y avait pas cette méthodologie et cette organisation. Aujourd’hui, la problématique est posée aux membres du « big five » et on trouve la solution collectivement.

Malgré la solide victoire de Clermont sur Édimbourg (31-18), Christophe Urios n'a pas apprécié l'entame de match de ses hommes et n'a pas senti les Jaunards transcendés par la Challenge Cup, en début de partie.#ChallengeCup #ASM pic.twitter.com/9Vx2HIfYlz

— RUGBYRAMA (@RugbyramaFR) December 9, 2023

En 2020 vous avez déclaré : "Clermont essaye d’être à la pointe et de s’y maintenir. Le club essaye de se positionner en tant que meneur." Est-ce toujours le cas ?

Non, il faut en être conscient. Le constat présenté à Michelin va dans ce sens. Nous ne sommes plus le club moteur et Michelin le comprend bien parce qu’eux, pour le coup, le sont depuis des années. On s’est un peu endormi sur nos lauriers.

Pourquoi Clermont n’a plus le faste d’antan ?

Aujourd’hui, on a une vision plus claire avec un projet de club et non pas d’équipe première uniquement. Cela va mettre un peu de temps mais on va y arriver.

Quel est le grand chantier de la saison ?

Il y en a dix ! Mais la priorité est de redorer le blason de l’équipe première grâce à la restructuration de l’école de rugby et du centre de formation. En revanche, si on se focalise uniquement sur cela en laissant de côté les féminines ou le VII, on va se planter. Il faut remettre en route la formation et repartir de la base.

Le club a-t-il toujours l’objectif de gagner la Champions Cup en 2025 ?

On veut retrouver le haut du tableau et gagner des titres. Mais dire qu’on sera champion en 2025 est une hérésie. Aujourd’hui, on la ferme et on travaille avec humilité. Nous sommes en reconstruction donc on va avancer.

À propos du recrutement, quelles sont vos cibles prioritaires ?

Comme tous les clubs, on cherche des piliers droits, un demi d’ouverture, un centre, des joueurs polyvalents derrière… Des postes clés qui cimentent une équipe. La vraie satisfaction de notre recrutement est que nous avons étoffé notre pack. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu le fameux monstre à seize pattes (rires) ! Mais on a besoin d’un jeu dynamique et attaquer cette ligne davantage en étant dur au mal.

L’ASM est-elle moins attractive qu’avant ?

Oui, cela se ressent. On n’a pas la mer, on n’est pas une immense ville comme Paris, Lyon ou Bordeaux (rires). Mais on a des atouts avec une région volcanique, naturelle et une ville à taille humaine. Le rugby y a sa place depuis plus de cent ans avec un stade quasiment plein tous les week-ends… Au-delà de ces aspects, les joueurs cherchent à être en ChampionsCup et en haut du Top 14. C’est ce qui fait la différence.

Justement, vous êtes en Challenge Cup cette saison. Y a-t-il une différence entre celle que vous avez gagnée en 2007 et le format actuel ?

À l’époque, on était en construction, aujourd’hui en reconstruction. Nous en sommes quasiment au même point… C’est une chance énorme de jouer cette Challenge Cup. Nous sommes descendus d’un niveau et on doit gagner en maturité et en expérience pour pouvoir gérer nos matchs et notamment nos fins de rencontre.

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Les commentaires (4)
Bougnat Il y a 4 mois Le 16/12/2023 à 00:02

Ce que l'on retiendra de cette interview est la splendide expression : "remettre le facteur dans le Kangoo".

Puntadelteno1970 Il y a 4 mois Le 15/12/2023 à 19:51

Aurélien a l'ASM dans le sang. Dans cette interview, j'ai l'impression que tout ne roule pas si bien que cela. Je me trompe peut être. En tout cas, il semble si loin pour Clermont le temps de cette finale contre le stade Toulousain en 2019. Je ne suis pas convaincu que l'ASM soit parmi les 6 pour disputer les phases finales du top 14 cette saison.

Lebeaujeu Il y a 4 mois Le 14/12/2023 à 22:01

On pourrait avoir des nouvelles de Sébastien Vahamahina ? Comment va t'il ? Que fait l'A.S.M. pour lui ?

Roland63 Il y a 4 mois Le 17/12/2023 à 00:23

Il a porté plainte contre l'ASM, pour lui c'est fini !