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Top 14 / XV de France - Exclusif. Romain Ntamack : "Si les Bleus avaient été champions du monde, ça aurait peut-être été un des pires jours de ma vie"

Par Jérémy Fadat
  • Romain Ntamack devrait reprendre la compéition au mois de mars.
    Romain Ntamack devrait reprendre la compéition au mois de mars. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Après avoir vécu une année 2023 totalement folle, entre son exploit personnel qui a offert au Stade toulousain son vingt-deuxième Bouclier de Brennus et sa grave blessure au genou gauche qui l’a privé de la Coupe du monde en France, Romain Ntamack (24 ans) a accordé à Midi Olympique un entretien exclusif.Il se projette sur sa reprise, ses objectifs de fin de saison et parle de son évolution, ces derniers mois.
 

Romain, une nouvelle année débute. Est-ce un soulagement pour vous ?

Cela reste anecdotique. Finalement, ça ne change rien à ma situation. Je suis toujours en rééducation et ma date de reprise n’est pas fixée au 1er janvier. Je sais qu’en début d’année 2024, je serai toujours en train de travailler, et de continuer à faire les efforts nécessaires pour reprendre le rugby.

Mais voyez-vous tout de même un nouveau chapitre s’approcher ?

On va dire que 2024 marque une chose pour moi, c’est que je suis plus proche de la fin de ma rééducation que du début.

Que garderez-vous de 2023, une année où vous avez vécu tant d’émotions opposées ?

Ce fut effectivement un peu les montagnes russes mais je vais en garder un beau souvenir. Pour moi, ça reste une bonne année parce que je me sentais bien lors du Tournoi des 6 Nations, que j’ai été champion de France avec le Stade toulousain en fin de saison. Puis, malgré ma blessure durant l’été, j’étais bien dans mon rugby. Même si j’ai raté la Coupe du monde, cette année restera gravée. Il y a eu des hauts et des bas mais je retiendrai les très hauts. Je veux aller de l’avant et me servir de la déception vécue en fin d’année pour me projeter.

Parmi les très hauts, il y a forcément cette finale du Top 14 et votre incroyable essai victorieux, inscrit à la 78e minute alors que le Stade rochelais semblait tenir le titre de champion de France…

C’était un moment hors du temps. Six mois plus tard, ça reste un souvenir exceptionnel. Je retombe souvent sur des images en parcourant les réseaux sociaux et ça me procure toujours les mêmes émotions. Se dire que c’est bien arrivé demeure incroyable, mais ça appartient au passé désormais. Je ne passe pas non plus mon temps à le regarder… Là aussi, cette fin de match et cette action-là, ça doit me servir pour essayer de revivre des sensations pareilles.

Vous semblez avoir rapidement pris du recul sur votre grave blessure (rupture des ligaments croisés du genou gauche). Était-ce nécessaire ?

Oui, je crois avoir très vite basculé. Dès que j’ai su que je n’allais pas participer à la Coupe du monde, je me suis immédiatement projeté sur la suite. J’ai pris le temps de me poser tranquillement, de ne pas ruminer pour ne pas me mettre la tête au fond du seau.

Était-ce une manière de vous protéger ?

Oui. J’en ai profité pour prendre du temps pour moi, pour mes proches et pour me reposer. Après l’opération, il fallait directement se remettre à bien travailler physiquement pour bien me régénérer. Je fais tout pour revenir, non pas le plus rapidement possible, mais du mieux possible. Peut-être même mieux qu’avant de me blesser.

Avez-vous vécu ce terrible coup d’arrêt comme une forme de fatalité ?

On ne maîtrise pas tout, encore moins la blessure. Certes, c’est arrivé au pire des moments pour moi mais c’est ainsi… Maintenant, c’est loin derrière. J’ai basculé et cela m’a permis de relativiser, de me concentrer sur moi. Je le répète, l’objectif, c’est d’être encore meilleur après ma reprise.

Peut-on vraiment faire le deuil d’un Mondial à domicile raté ?

Je pense que cela aurait été plus dur pour moi si la France avait été championne du monde. La cicatrice aurait été difficile à refermer... À vrai dire, j’essayais de me projeter sur l’idée que les Français allaient être champions car ça aurait été compliqué à vivre pour moi. Même si j’espérais pour eux qu’ils aillent le plus loin possible et qu’ils soulèvent cette Coupe. Clairement, s’ils avaient été champions du monde, cela aurait été le plus beau jour du rugby français mais peut-être l’un des pires de ma vie.

C’est paradoxal…

Oui, je le sais. J’avais tous mes potes dans cette équipe de France, j’avais travaillé fort pendant quatre ans avec ce groupe et je leur souhaitais d’aller loin. C’est pour ça que j’avais besoin de me projeter sur ce moment. Il n’est pas arrivé, donc je ne saurais jamais comment j’aurais réagi s’ils étaient allés au bout. Mais il me semblait légitime de penser aussi à moi dans ce genre de période. J’aurais dû faire partie de cette équipe et la blessure m’en a empêché. En tout cas, l’élimination dès les quarts de finale, face à l’Afrique du Sud, a atténué mes regrets.

Avez-vous donc traversé cette Coupe du monde avec une certaine forme de distance ?

C’est exactement cela. J’ai regardé beaucoup de matchs mais j’ai vécu la compétition à distance. Je suis allé voir mes coéquipiers du XV de France une seule fois, à Marseille (pour France-Namibie, NDLR) mais je n’ai pas voulu aller voir de matchs d’autres nations, et me rendre dans des stades. J’ai vraiment voulu faire abstraction car je savais que cela m’aurait fait du mal. J’ai préféré garder mes distances pour me blinder et me concentrer sur moi.

Le hasard a voulu que vous assistiez au match où Antoine Dupont fut victime d’une fracture au niveau de la pommette, ce qui a pris des proportions dingues…

Je crois qu’Antoine a été beaucoup trop surchargé, dans tous les sens du terme. Que ce soit médiatiquement, sportivement, etc... Ce n’est pas un extraterrestre, c’est un être humain. Certes, c’est un très grand joueur de rugby mais il a subi beaucoup de pression. Il avait énormément de poids sur ses épaules. Antoine est quelqu’un qui garde de nombreuses choses pour lui mais on lui en a fait porter trop et on ne l’a pas trop soulagé à ce niveau-là.

Que vous le vouliez ou non, vous êtes sûrement le deuxième joueur le plus populaire et médiatique de cette équipe. Votre présence ne l’aurait-elle pas soulagé justement sur ce plan ?

On ne saura jamais ce qu’il se serait passé si j’avais été là, donc je n’ai pas envie de faire des prédictions ou des hypothèses. Mais, même si Antoine a fait une grande Coupe du monde, on a eu l’impression, au moment où il s’est blessé, que c’était quasiment fini pour l’équipe de France. Il ne faut pas oublier que, même lorsqu’il n’est pas là, il y a d’autres joueurs sur le terrain.

Il va désormais vivre une aventure olympiqueavec France VII dans les mois à venir. Dans d’autres circonstances, cela aurait-il pu vous attirer aussi ?

(Il hésite) Oui peut-être, mais cela ne m’a jamais traversé l’esprit. Antoine a aussi un statut de porte-étendard et sa présence va apporter de la visibilité à l’équipe de France à VII, à la compétition, à la Fédération. Avoir Antoine Dupont dans ce groupe, c’est forcément une bonne chose. Personnellement, je ne me suis jamais projeté là-dessus et je me suis focalisé sur ma discipline, qui reste le rugby à XV. Plus jeune, le VII m’intéressait mais ce n’est pas le même sport. Il faut avoir quelques tournois dans les jambes pour prendre des repères, donc faire quelques sacrifices à XV.

Ces derniers mois, au gré de votre absence, on a le sentiment d’avoir d’autant plus mesurévotre importance, en sélection ou en club…

C’est peut-être vrai. J’ai vu passer pas mal de commentaires dès lors que je n’étais plus sur le terrain. Et le fait que je sois absent a visiblement permis à certains de se rendre compte de l’importance que je pouvais avoir sur des actions ou des matchs qui comptaient. Après, je ne sais pas si j’aurais fait mieux qu’un autre.

Une statistique fut d’ailleurs récemment publiée par notre partenaire Opta Stats Perform, montrant que vous avez été l’ouvreur qui compte le plus de franchissements par match en 2023, devant Richie Mo’unga. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

(Il sourit) Par rapport au fait qu’on dise parfois que je ne suis pas un attaquant, cela aidera peut-être à remettre quelques idées en place. Je ne suis pas trop porté sur les statistiques individuelles mais elles sont parfois un peu parlantes. Cela veut dire quelque chose quand même.

Début novembre, sur RTL, vous avez affirmé que Fabien Galthié est toujours « l’homme de la situation ». Cette prise de position était-elle évidente pour vous ?

Oui, c’est ce que je pensais à ce moment-là et ce que je pense toujours. Ce n’est pas un échec en quart de finale, surtout avec le scénario que l’on connaît, qui doit remettre en cause les quatre années de travail réalisées par Fabien et son staff. Quand les All Blacks ont perdu en quart en 2007, avec Graham Henry comme sélectionneur, il a certes été remis en question mais cette même équipe a été championne du monde quatre ans plus tard avec le même sélectionneur. Tout le monde était déçu que la France s’arrête là mais il ne faut pas aller plus loin, et ne pas se questionner sur le poste du sélectionneur. Il y a eu des résultats sur le mandat et, c’est évident, il faut rester dans la continuité. Ça ne sert à rien de tout changer quand il y a un grain de sable dans la machine.

Récemment, les négociations entre les clubs et la FFR ont été tendues sur la libération des internationaux. Atel point que votre manager, Ugo Mola, a comparé la situation des joueurs internationaux à celle d’enfants tiraillés entre le père et la mère…

Ce n’est pas évident pour nous. Nul besoin de le répéter mais c’est le club qui nous paye, donc c’est parfois compliqué de partir en sélection. Mais je ne vois pas un seul joueur refuser l’équipe de France car tu représentes ton pays. Nous sommes donc toujours entre deux eaux. Mais c’est une question qu’on se pose parmi tant d’autres… On parle des conflits entre la Ligue et la Fédé, mais je vois qu’on parle aussi de rajouter des compétitions, d’en créer de nouvelles.

Ugo Mola et les Toulousains devraient retrouver Romain Ntamack sur les terrains au mois de mars.
Ugo Mola et les Toulousains devraient retrouver Romain Ntamack sur les terrains au mois de mars. Icon Sport

Quel regard portez-vous là-dessus ?

Parfois, j’ai l’impression qu’on cherche des problèmes là où il n’y en a pas. Je suis loin de tout ça et je n’ai pas forcément d’avis particulier.

On évoque actuellement l’usure mentale des joueurs, avec l’exemple de Grégory Alldritt qui a connu une coupure de deux mois avant de rejouer avec La Rochelle… Qu’en dites-vous ?

À titre personnel, heureusement que j’ai connu cette blessure parce que l’usure physique et mentale aurait été énorme si j’avais joué la Coupe du monde. Je ne vois honnêtement pas, vu l’état dans lequel j’étais rien que pendant la préparation cet été, comment j’aurais pu enchaîner encore sur une saison après le Mondial. Ce qu’a fait Greg (Alldritt), je trouve ça bien. Il a pris le temps de récupérer. Mais bon…

Mais quoi ?

Si on le fait tous au Stade toulousain, cela signifie qu’il manque dix mecs pendant trois mois. C’est impossible. Donc, le seul moyen de récupérer et de bien se régénérer aujourd’hui, c’est de se blesser sur une longue période. C’est malheureux. Tout le monde se plaint qu’il y a trop de matchs mais beaucoup veulent encore en rajouter ou créer des compétitions. À un moment, il faut peut-être aussi écouter les joueurs. Il serait d’ailleurs bénéfique de davantage les concerter. Nous ne sommes pas des morceaux de viande. Nous sommes parfois fatigués et nous restons malgré tout les principaux acteurs de ce jeu.

Basculons sur votre actualité. On vous a vu, jeudi après-midi, effectuer quelques courses et quelques exercices de jeux au pied lors d’un entraînement ouvert au public, à Toulouse. Où en êtes-vous ?

J’en suis tout juste à quatre mois, depuis mon opération. J’ai bien repris la course dans l’axe et j’ai commencé, non pas à sprinter, mais à accélérer et à allonger la course. J’ai aussi repris quelques « skills » de passes, en, marchant, et un peu en courant. Puis, ces derniers jours, j’ai effectivement refait un peu de jeu au pied en mouvement. Je retrouve des sensations. J’ai l’impression de redevenir un joueur de rugby, d’autant plus en me présentant sur la pelouse d’Ernest-Wallon devant le public. Il y avait du monde, c’était sympa.

Avez-vous des espoirs précis sur la reprise de la compétition ?

Oui, j’en ai au vu de ce que me disent les kinés, médecins ou chirurgiens. Je suis très bien et, s’il y avait eu un événement hyper important dans un mois, je pense que j’aurais peut-être battu le record d’Anthony Jelonch (sourire). Je suis presque trop bien dans le sens où je ne devrais pas encore faire tout ce que je fais déjà. Mais cela n’impactera non plus ma date de reprise. Je sais qu’il y a encore quelques mois à attendre et qu’il me faudra être patient.

Arrivez-vous déjà à vous projeter sur la fin de saison ? Au Stade toulousain, à partir de début avril, les grandes échéances approchent…

Ce sera normalement à ce moment-là que je reprendrai, donc je vais tenter d’être le plus compétitif possible pour apporter à l’équipe. Ce sera la ligne droite de la saison, le money time… Je vais me préparer en conséquence.

Quand on vit une telle situation, a-t-on encore plus faim de titres ?

Bien sûr. Mais, au-delà, je me sens surtout encore plus privilégié de faire du rugby mon métier. C’est cela que j’ai réellement mesuré. Quand je vois les personnes lambda galérer pour revenir des croisés, aller au kiné au maximum deux fois par semaine parce qu’elles ont un boulot à côté… Moi, en tant que sportif de haut niveau, je peux en faire quatre ou cinq heures par jour. J’ai la chance de vivre de mon sport. Oui, j’ai faim de titres mais je me rends compte à quel point je suis déjà heureux de jouer au rugby.

Serez-vous toujours le même joueur en revenant ?

J’espère que je serai meilleur dans tous les secteurs. En attaque, en défense, dans ma vision, dans ma gestion des temps faibles et forts, aussi dans ma communication avec les autres. Même si tout ne sera pas parfait à ma reprise, je veux être dans la continuité de ce que j’étais et aller encore plus haut. C’est en tout cas ce qui me guide depuis que je me suis blessé.

Et un autre homme peut-être ?

Je le pense, oui. Une telle blessure te fait relativiser. J’en ai appris beaucoup sur moi-même. Même si j’ai la chance d’avoir un entourage incroyable et bienveillant, je me suis quand même retrouvé seul en rééducation avec les kinés. J’étais seul face à moi-même... On sait pourquoi on doit faire les efforts mais ce n’est pas toujours simple. Après cette blessure, je ne serai pas un homme nouveau mais un homme différent.

En avez-vous profité aussi pour vous projeter à plus long terme ?

Pas forcément. Déjà, je suis encore sous contrat pour quelques années avec le Stade toulousain (jusqu’en 2028, NDLR). Disons que cela n’a fait que confirmer ce que je savais déjà.

C’est-à-dire ?

Je me vois encore moins jouer ailleurs qu’au Stade toulousain. J’ai toujours adoré aller au club mais, depuis que je suis blessé, le simple fait d’y mettre le pied me donne la banane. Croiser les anciens, voir le staff, les adjoints, les joueurs… Voilà, ça me rend heureux. J’aime ce club et je m’en suis encore davantage rendu compte ces derniers mois.

On a de toute façon l’impression que ce maillot vous colle à la peau, qu’il est difficile de vous imaginer sous un autre en France…

C’est pareil pour moi, même s’il ne faut jamais dire jamais. Mais j’ai vraiment beaucoup de mal à m’imaginer avec un autre maillot que celui du Stade toulousain. Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité, tant mieux, et j’espère bien le garder sur les épaules le plus longtemps possible.

RomainNtamack est en pleine rééducation.
RomainNtamack est en pleine rééducation. Icon Sport

Est-ce pour cela que vous avez toujours plutôt évoqué une éventuelle aventure à l’étranger un jour, notamment en Australie ?

Oui, j’avais évoqué le Super Rugby mais il y a aussi la MLR (le championnat américain, NDLR) aux États-Unis, qui pourrait être intéressante. Mon projet, ce sera soit côté australien, soit côté américain. J’ai passé une semaine à New York récemment et j’ai bien aimé les États-Unis (sourire). À voir, avec la Coupe du monde 2031 là-bas, s’ils vont mettre les infrastructures nécessaires. S’il y a besoin d’aider un peu le rugby américain, pourquoi pas ?

Vous avez récemment publié un livre biographique (« Le rugby dans le sang », aux éditions Michel Lafon). C’est rare à seulement 24 ans. Pourquoi cette démarche ?

Ce n’est pas vraiment une biographie mais plutôt l’occasion de raconter l’histoire de ma famille, d’où m’est venue cette passion pour le rugby. Je voulais surtout rendre hommage aux personnes qui ont été importantes pour moi depuis tout petit, à savoir mes grands-parents du côté de ma mère, ma mère, mon père, mon petit frère.

Pour finir, 2024 sera-t-elle l’année Romain Ntamack ?

(Il sourit) J’espère déjà rejouer le plus vite possible en 2024. L’année 2023 sera désormais derrière moi et ma reprise ne va faire que se rapprocher.

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Les commentaires (37)
Clide64 Il y a 3 mois Le 11/01/2024 à 23:36

Raccourci facile et léger monach

monach Il y a 3 mois Le 07/01/2024 à 11:21

La plupart de vos commentaires qui dénigrent Romain sont ceux de gens qui n'ont jamais fait de sport collectif ou qui racontant n'importe quoi pour se rendre intéressants.
Donc nuls......

31Decat Il y a 3 mois Le 01/01/2024 à 20:46

Maintenant on sait quelle famille à payé BOK pour faire perdre notre EDF .