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Coupe du monde de rugby 2023 - "Nous voulons tous un jeu plus simple à arbitrer", Joël Jutge (responsable des arbitres de World Rugby) fait le bilan

Par Nicolas Zanardi
  • Joël Jutge, responsable des arbitres de World Rugby.
    Joël Jutge, responsable des arbitres de World Rugby. Sportsfile / Icon Sport - Sportsfile / Icon Sport
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Sa première prise de parole était attendue, guettée, souhaitée. Pour la nouvelle année, fidèle à la parole qu’il nous avait donnée, le directeur de la performance et responsable des arbitres de World Rugby a pris le temps de revenir en profondeur sur la dernière Coupe du monde, (trop) marquée par les polémiques que l’on sait. De quoi appeler à une remise en question, d’abord, mais aussi anticiper à un appel à l’aide en direction des autres composantes du monde du rugby, pour permettre aux officiels d’évoluer dans des conditions beaucoup plus confortables.

2023 et la Coupe du monde sont désormais derrière. Avec ce nécessaire temps de recul, quel sentiment cette année vous a-t-elle laissée ?

Le fait de réaliser cette interview maintenant était assez voulue. La distance est souvent synonyme d’une meilleure clairvoyance, et je souhaitais lutter contre le démon de l’immédiateté. L’année fut très riche, avec un Tournoi très relevé et de beaux matchs, notamment un grand duel entre l’Irlande et la France. Et puis, évidemment, cette Coupe du monde qui était un objectif majeur pour les officiels de match et qui fut d’un très haut niveau en termes d’intensité.

Il est frappant de constater qu’en plus de l’Irlande - France que vous évoquez lors du Tournoi, tous les gros matchs de l’année se sont soldés par des polémiques arbitrales.

Bien avant la Coupe du monde, nous étions persuadés qu’elle serait extrêmement disputée et serrée car plusieurs équipes pouvaient prétendre au titre. Partant de là, nous savions que toutes les décisions seraient passées au crible et contestées. À titre personnel je n’ai pas été surpris de la façon dont se sont déroulées les phases finales. J’avais prévu qu’en cas d’élimination de la France dès les quarts, ce serait difficile pour nous, en raison de l’émotion qu’elle susciterait. Pour tout dire, j’avais pensé qu’il faudrait peut-être en arriver à protéger physiquement nos arbitres, parce que je sentais une dérive arriver, avec cet engouement très fort derrière le XV de France.

A-t-on dû en arriver là ?

Non, ça n’a pas été nécessaire car la sécurité au Stade de France fonctionne très bien. Mais il ne faut pas cacher que les jours qui ont suivi le quart de finale furent difficiles.

Pour évoquer la compétition par le prisme des Bleus, l’élimination face aux Boks a été marquée par plusieurs décisions contestables et une prise de parole très forte du capitaine Antoine Dupont.

Avant de parler de la communication du capitaine, il faut revenir sur la manière dont l’équipe de France était perçue. Les Bleus avaient pour objectif, entre autres, de gagner la bataille de l’opinion grâce à de bonnes performances sur le terrain et grâce à une très bonne com’, ce qu’ils ont atteint. Comme chacun sait, le staff de cette équipe était compétent et complémentaire. Il est intéressant de s’intéresser à la façon dont cette communication a été perçue à l’extérieur : supporters comme certains journalistes ont entendu que le staff de l’équipe de France maîtrisait la haute performance, la haute intensité, le money-time. Ajoutez à cela que les Bleus possédaient une génération exceptionnelle et qu’ils évoluaient à domicile, il était devenu mathématique que ce XV de France devait arriver en finale, et la gagner. C’était pour certains une évidence ! Mais lorsqu’on sait que ce sport se joue avec un ballon ovale, aux rebonds capricieux, que la règle est – au grand dam des arbitres – complexe et interprétable, et que quatre des six meilleures équipes se trouvaient dans le tableau de l’équipe nationale, tout n’était pas si simple et pouvait basculer très vite. Peut être aussi que la marge de manœuvre n’était pas si grande que les supporters le pensaient…

Revenons à Dupont : vous faisiez partie de l’encadrement des Bleus pendant la Coupe du monde 2011. Pouvez-vous comprendre sa réaction à chaud ?

En tant que responsable des arbitres, je ne peux pas cautionner ce qu’a dit Antoine Dupont, car cela a donné lieu à un mouvement d’abus et de haine terrible en ligne à l’égard de Ben (O'Keeffe). Mais je connais l’homme, et je n’ai aucun doute sur ses valeurs morales et sur la façon dont il perçoit les échanges entre arbitres et joueurs. C’est un immense champion et une personne bien que nous respectons, mais je le répète, je ne cautionne pas ce qu’il a pu dire ce jour-là, même si nous savons tous qu’il a été soumis à une énorme pression pour revenir suite à sa blessure.

Ben O’Keeffe a-t-il commis des erreurs ce jour-là, susceptibles d’avoir fait basculer la rencontre ?

Cela a été dit et commenté. Nous avons analysé sa performance, et après ce match, les sélectionneurs et moi-même étions persuadés que la défaite de l’équipe de France n’était pas liée à son arbitrage. Bien évidemment, nous sommes à même de reconnaître nos erreurs, et nous en avons observées des deux côtés – comme il y en a souvent dans chaque match. On est totalement transparent, principalement avec les entraîneurs dans le cadre du processus de communication fondé sur la confiance. Je conçois que cela puisse être discuté, surtout du côté des supporters français. Nous sommes cependant heureux de constater, au travers des interviews données par les joueurs du XV de France et d’anciens membres du staff, que ceux-ci sont en ligne avec notre perception et se montrent d’une grande lucidité.

Parmi les trois erreurs recensées par World Rugby préjudiciables au XV de France, nombreux sont ceux qui sont étonnés que "l’interception" d’Eben Etzebeth sur Penaud n’ait pas été comptabilisée

(ferme) Pendant les compétitions, nous avons pour principe de ne pas commenter les décisions. Nous avons été surpris par cette soit-disant communication de World Rugby, mais deux mois après, je peux confier notre immense surprise qu’il y ait un débat en France sur l’action d’Etzebeth en début de match. Il connaît parfaitement la règle, et ce qu’il fait est tout à fait légal puisqu’il n’envoie jamais le ballon vers l’avant. J’ai entendu dire, de la part de gens pourtant très compétents "il a tué l’action". Mais on a le droit de frapper un ballon, à condition qu’il ne parte pas vers l’avant ! Ceci étant, ce genre de situation, si elle pose problème a l’ensemble des composantes du rugby, peut pousser le législateur a légiférer pour faciliter l’analyse de l’arbitre et la compréhension du public. Même si sur cette action, l’arbitre est parfaitement placé et communique immédiatement "en arrière, en arrière", donnant une information cruciale aux joueurs, à ses arbitres assistants et TMO.

On connaît vos liens personnels avec Fabien Galthié. Dans votre souci d’intégrité, ceux-ci n’ont-ils pas pu être défavorables au XV de France ?

Sincèrement, je suis surpris par votre question, d’autant qu’à ce que je sache je ne suis pas sur le terrain, je ne prends donc pas de décisions, et que l’équipe de France a beaucoup gagné lors des trois dernières années. Nous traitons toutes les équipes de la même manière.

Il nous est pourtant revenu que le staff des Bleus avait eu le sentiment d’être plus sévèrement traité que les autres. Par exemple, que leur rapport d’avant France-Italie ne soit jamais venu aux mains à l’arbitre…

(il souffle) Nous nous connaissons bien avec Fabien, on a joué dans le même club de Colomiers. Notre relation est, je pense, très respectueuse. Au sujet de ce rapport avant l’Italie, il y a eu une maladresse de ma part, absolument pas intentionnelle, car même si nous avions compris leur volonté de nous sensibiliser sur un point précis, on ne se voyait pas sanctionner le comportement italien, même si cette "tendance" était effectivement discutable. Globalement, pendant trois ans, on a eu avec le staff des Bleus des relations très fluides, dont les feed-back envoyés par Jérôme Garcès et le staff furent souvent pertinents. Nos réponses ont toujours été retournées rapidement. Contrairement a ce qui a été dit, la France n’a jamais envoyé de feedbacks directement aux arbitres – Ben O’Keeffe inclus – et a toujours respecté le protocole.

On a beaucoup parlé de lobbying durant cette Coupe du monde, lors du protocole d’avant-match ou par voie de presse. Mesurez-vous son influence réelle ?

On a mis en place un protocole d’échanges basé sur la confiance avant et après les rencontres, où l’on discute sans langue de bois avec les entraîneurs, où ils peuvent souligner leurs points d’interrogation sur nos décisions, ou sur les tendances négatives de leurs adversaires. Nous y avons toujours répondu, souvent dans un délai très court. Ce protocole permet d’avoir des relations continues, d’être sensibilisés à leurs points de vue, et bien sûr de nous améliorer. Je pense que c’est une bonne chose, il faut que cela perdure car nous avons besoin de ces échanges pour démystifier les choses et avoir des observables communs. Il ne faut pas remettre en question ces protocoles, au contraire, cela fait partie des valeurs de notre sport. En de rares occasions, malheureusement, des entraîneurs ont décidé d’agir différemment, cela fut douloureux, mais nous avons l’intention de continuer à leur tendre la main, et travailler avec eux pour améliorer notre arbitrage, notre rugby.

Pour revenir à Ben O’Keeffe, pouvez-vous malgré tout entendre que sa désignation en demie ait été vécue par le public français comme une provocation ?

Ce n’était en aucun cas une provocation. Comme je l’ai dit, nous avions analysé sa performance lors de ce quart de finale, et nous avons décidé que malgré les critiques principalement françaises, nous voulions lui montrer que nous avions toujours pleinement confiance en lui, parce que c’est un très bon arbitre. Nous devions nous adapter, et Ben (ainsi qu’Angus Gardner lors de la demi-finale Nouvelle-Zélande-Argentine) ont relevé le défi. Nous avons fait ce que tout entraîneur peut faire avec l’un de ses meilleurs joueurs : ce n’est pas parce qu’il sort d’un match qui n’a pas été parfait qu’il ne faut pas le remettre sur le terrain le week-end suivant, parce qu’on sait de quoi il est capable, et qu’il peut élever son niveau de jeu. Ce n’est pas à une partie du public, des supporters ou des réseaux sociaux de décider à la place d’un comité de sélection compétent, qui travaille et qui se remet en question.

Du coup, comment expliquez-vous que M. O’Keeffe ait géré de manière tout à fait différente les zones de ruck par rapport au quart de finale ?

Mais heureusement qu’il les a gérées différemment ! Ma première remarque d’après match était d’avoir trop "managé" les deux équipes, et pas suffisamment "arbitré" lors de ce match entre Français et Sud-Africains. Il était nécessaire qu’il n’arbitre pas de la même façon. C’est comme si vous reprochiez à un joueur d’être meilleur que lors de son match précédent...

Le rugby semble avoir touché un niveau de complexité jamais atteint. Les arbres décisionnels sont devenus si complexes que certains faits de jeu similaires débouchent sur des sanctions différentes, notamment en finale. Cela n’a-t-il pas été le principal échec de cette compétition ?

En premier lieu, qu’il va falloir que nous changions notre approche médiatique. Expliquer au grand public des situations qui semblent identiques, mais qui ne le sont pas, est un grand challenge, y compris pour les journalistes ou consultants qui sont sensés l’éduquer. Il faut réfléchir quant à la façon d’expliquer aux journalistes et consultants les règles de notre sport, qui sont bien trop complexes. Nous avons essayé de communiquer : j’ai moi-même rencontré avant la compétition les spécialistes rugby de TF1, France Télévisions, M6, les arbitres en ont fait de même dans leur pays respectifs, pour préparer les gens à nos prises de décisions, mais ce fut insuffisant. On ne peut plus se contenter d’agir au dernier moment, il faut instaurer un suivi plus régulier. J’espère pouvoir revenir dans un avenir proche avec des propositions.

L’arrivée d’arbitres au sein des staffs a impliqué des utilisations de plus en plus fines du règlement. Parallèlement, la volonté de laisser le moins possible de place à l’interprétation a obligé les arbitres à aller dans des niveaux de détails très poussés, à l’image des mains posées au sol avant de contester. Cela n’a-t-il pas encore compliqué leur tâche, au final ?

C’est la raison pour laquelle je pensais que cette Coupe du monde allait être difficile. Nous sommes entrés dans des niveaux de détails et de précision presque diaboliques, cela met de la pression sur les arbitres et entraîneurs. On tend aujourd’hui la main à toutes les composantes du rugby pour qu’elles nous aident, en simplifiant ces règles du rugby qui sont extrêmement complexes pour le grand public. Si on n’y arrive pas, si on se contente qu’un faible pourcentage d’experts soit en mesure de comprendre les décisions arbitrales, on va perdre trop de gens. C’est un immense défi, on sait la complexité des choses. Pour reprendre l’exemple des mains au sol, la multiplication des caméras, des différents angles de vue, apporte au téléspectateurs un pouvoir que nos directeurs de jeu n ont pas. Ces images sont souvent superbes, mais elles nous fragilisent considérablement car nous sommes dans le microscopique, et le téléspectateur ne comprend pas l’erreur arbitrale car c’est pour lui, confortablement installé sur son fauteuil, si simple. Même si les ralentis multiples ne nous aident pas, on devra travailler encore plus pour gagner en précision et cohérence.

Pourquoi est-ce si difficile de toucher aux règles ?

Parce que dès qu’on touche à une règle, cela en impacte une autre. Mais il faut arriver à tout prix à une certaine simplification, car si seulement une poignée d’experts comprend ce que l’on veut faire, mais qu’on laisse 80% des composantes du rugby sur le côté du chemin comme par exemple les consultants, nous aurons de gros problèmes. Ces derniers doivent aussi être curieux et venir chercher l’information. Nous avons besoin d’eux. Nous allons continuer à travailler d’arrache-pied, mais il faut que le public et les acteurs parviennent à accepter les erreurs, comme ils l’acceptent des joueurs. Et lorsqu’il y a erreur, il ne doit pas y avoir de suspicion. C’est ce qui est le plus gênant, au final. Un arbitre peut être mal placé, parfois parce qu’il n’a pas fait les efforts nécessaires, parfois par manque de chance car masqué, mais jamais mal intentionné. Il faut en être convaincu, et on a plus que jamais besoin des médias pour expliquer cela. Il n’y a rien de machiavélique dans l’arbitrage.

Avoir lancé le bunker avec si peu de préparation et de communication n’était-il pas une erreur ?

J’ai toujours l’impression qu’en France, on découvre toujours les choses au dernier moment, alors qu’elles ont été annoncées et débattues en amont... Le bunker fut discuté au mois de mars 2022, et il y avait des représentants français à cette réunion. Son principe a été validé puis mis à l’essai lors de la Coupe du monde U20 et du Rugby Championship (certes raccourci) ainsi que les matchs de préparation a la Coupe du monde. Ce projet avait été annoncé. Après, au-delà de ce préambule, il est évident que ce fut un énorme défi que de mettre le bunker en place trois mois seulement avant la Coupe du monde.

Peut-on parler de fiasco, à ce sujet ?

Tout fut loin d’être parfait, mais le mot fiasco est peut être trop fort. Il faut rappeler la raison sesentielle pour laquelle il a été mis en place : accélérer le jeu, et le rendre toujours plus spectaculaire. Il y avait un consensus pour dire qu’auparavant, le jeu était trop souvent stoppé par les arbitrages vidéo interminables. L’intention du bunker, c’était aussi de se donner le temps de décider (donc, potentiellement, de réduire les erreurs) tout en accélérant le jeu. L’idée était noble, intéressante. Mais en contrepartie, les grandes décisions sur le jeu déloyal allaient désormais être prises par l’officiel chargé de l’examiner dans le bunker, et il était évident que les arbitres allaient donner moins de cartons rouges puisque le protocole du bunker précisait qu’ils ne disposeraient que de deux ralentis sur le terrain. Personne n’allait se risquer à prendre une décision avec si peu d’images… Il faut donc cesser de dire que les arbitres ne veulent pas prendre leurs responsabilités. Faut-il modifier cette approche ? Nous continuerons, j’espère, à évaluer la situation.

N’était-ce pas une conséquence facile à anticiper ?

Celle-ci, peut-être. Ce qui l’était moins, c’est qu’il fallait trouver des TMOs préparés à prendre des décisions capitales, avec des connaissances du rugby et une maîtrise des protocoles très pointues. À ce sujet, nous avons été mis sous pression parce qu’il a fallu travailler très dur, sur une courte durée. J’ai beaucoup de respect pour le groupe qui a voulu relever ce défi.

L’autre problématique est que, si le protocole "classique" permet une transparence, les décisions du bunker étaient prises en secret. Donc plus poaques, et plus frustrantes...

Nous cherchons toujours à améliorer la compréhension du public, mais je partage également cette observation, qui nous est rapidement parvenue. Nous avions peu de recul pour anticiper ce problème, mais cela fut mieux dans la seconde partie de la compétition pour annoncer avec plus de clarté les raisons du retour – ou non – d’un joueur sur la pelouse.. Ce que nous avons expérimenté avec les U20 n’a pas fait l’objet de la même couverture médiatique et du même examen minutieux qu’ une Coupe du monde senior. Mais durant la première partie de la compétition, je comprends votre ressenti.

La réalisation des matchs et la réduction du nombre de ralentis a aussi posé question.

En tant que responsable des arbitres, je n’ai pas été dans ces discussions. La aussi, nous avons observé une amélioration en deuxième partie de compétition.

Autre sujet, les jeux d’influence de plus en plus perceptibles sur le terrain, avec des joueurs qui manifestent, interpellent l’arbitre. A-t-on trop laissé faire ?

Cette question mérite réflexion. En rugby, on a la chance que les micros des arbitres soient ouverts, et je peux vous assurer qu’au niveau international, les propos et échanges sont toujours très respectueux. On ne constate absolument aucune dérive à ce niveau-là. Les joueurs recevant des cartons jaunes ou rouges quittent le terrain sans sourciller, et cela doit perdurer. En revanche, il y a dérive au niveau des sollicitations. Souvent, on nous demande de checker telle ou telle situation, et là, il faut mettre un stop. Lorsqu’un joueur demande un "check", même s’il ne le fait pas pour instaurer une climat négatif, il installe néanmoins une pression qui peut inciter les arbitres désireux de ne pas se tromper, à sortir du protocole vidéo, à tout "checker". Ce sujet sera abordé lors de notre préparation du Six Nations, mais je souhaite que l’on soit plus réactif, en ayant toutefois du discernement.

Ben O’Keeffe et Wayne Barnes ont été menacés de mort, tout comme l’épouse de l’arbitre anglais ; Pascal Gaüzère a subitement arrêté voilà deux ans… Faut-il s’inquiéter pour l’intégrité des arbitres ?

Oui, il y a une inquiétude à avoir, mais pas seulement au niveau de l’arbitrage. Sur les réseaux sociaux, les gens se lâchent lamentablement. La société se radicalise, devient de plus en plus dure, violente, on constate des débordements à l’égard du corps arbitral, mais pas seulement : à l’égard d’entraîneurs, de joueurs, d’élus, de professeurs… Chacun doit faire les efforts pour ne pas hurler avec les loups, et chercher à comprendre la complexité de l’arbitrage. Je sais que les gens en général n’aiment pas la complexité et la nuance, mais on est justement dans un sport où rien n’est noir ou blanc. World Rugby a pris des mesures en poursuivant par l’intermédiaire de la police et d’ Interpol, les pires exemples de haine en ligne. Nous espérons que cela sera dissuasif.

On vous sent quelque peu amer, vis-à-vis des observateurs et commentateurs...

Nous voulons tous que le rugby soit le meilleur possible. Il devrait y avoir un partenariat, une entente où nous travaillons ensemble, et non les uns contre les autres, pour promouvoir et célébrer ce grand jeu. Il y a eu des fautes commises de notre part, c’est incontestable et je suis incapable de les nier, mais nous n’avons pas besoin que l’on nous en invente. C’est sûrement notre faute, parce qu’on n’a pas suffisamment su "préparer" les gens qui commentent, et c’est pourquoi je reviens à mon idée de départ, à savoir la réflexion que l’on doit avoir au sujet de notre communication avec les médias, pas seulement de manière ponctuelle. C’est encore une main tendue pour mieux travailler ensemble.

La période est celle des vœux. Que peut-on vous souhaiter pour 2024 ?

Dans un avenir proche, nous allons recruter de nouveaux postes pour avoir encore plus de ressources, a l’image des équipes nationales. Se moderniser est une priorité. À titre personnel, j’espère certains changements de règles. J’ai toujours cette espérance de règles plus simples à arbitrer : sur le jeu au sol qui reste une phase délicate ; le maul où le spectateur, qu’il soit lambda ou initié, ne comprend pas qu’on puisse avoir des joueurs qui se baladent dans le camp adverse sans être sanctionnés ; le hors-jeu, spécialement les joueurs hors-jeu partenaires des botteurs ; le jeu déloyal… Bref, nous avons du travail.

Vœu pieux ?

Je sens que beaucoup de gens responsables des différentes compétitions sont prêts à collaborer, on devrait arriver à être plus pertinent et surtout, unis. On doit arriver à travailler la main dans la main, les uns avec les autres, pour avoir un rugby toujours plus efficace, spectaculaire et facile à suivre. Mais il faut vraiment, pour cela, arrêter de stigmatiser l’arbitrage, et passer à autre chose. Le rugby, c’est du sport, et dès lors que vous rentrez sur un terrain, votre adversaire a aussi le droit de gagner. Dès lors que vous évoluez face à quelqu’un du même niveau que vous, le match va se jouer sur des détails, sur des choix. Des choix de joueurs, de coachs, ou d’arbitres. C’est aussi simple que cela, et il faut l’accepter.

En conclusion ?

Mon vœu le plus cher est la réduction de toutes ces incivilités qui vont devenir un jour inarrêtables, ce qui voudra dire que nous aurons des personnes agressées. Je ne connais malheureusement pas toutes les subtilités et difficultés de votre métier, mais je crois sincèrement que les médias en général ont un grand rôle a jouer, ils ne peuvent être pyromanes et pompiers a la fois. Il faut lutter contre le populisme. Nous devons être plus exigeants avec chacun d’entre nous, si on ne veut pas observer les mêmes dérives qu’au football. Attention, on s’en approche dangereusement, et rapidement.

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Les commentaires (26)
Redrocket480 Il y a 3 mois Le 14/01/2024 à 08:18

Il faut une émission tv, qui analyse chaque action du 1/4 qui a été litigieuse avec arbitres invités et donc là on en finit avec le truc une bonne fois pour toute.

Morisketou Il y a 3 mois Le 25/01/2024 à 14:19

ça me plairait bien ça !

JJlemafieux Il y a 3 mois Le 13/01/2024 à 20:08

Ce type est dégoûtant. J aurais aimé plus de courage vis à vis de la terreur que fait régner l'Afrique du Sud sur les arbitres (et ça marche), plus simple semble t il de taper sur Dupont. Son analyse sur le quart est également une plaisanterie, il suffit d écouter l enregistrement arbitre durant le match. Dupont a eu raison. Alors d accord les conséquences ne sont pas souhaitables mais parlons également des causes. A savoir pourquoi cet arbitrage en quart ? Pas convaincu que cette sortie soit du goût des joueurs et du staff

Lechim Il y a 3 mois Le 13/01/2024 à 15:03

Un jeu simple à arbitrer ne doit pas déboucher sur un arbitrage simpliste où l'arbitre ne fait plus appel à la vidéo pour constater lui-même les fautes.
"c'est chéké" qu'il a dit B.O.K sur presque toutes les actions litigieuses.
Mais on aurait aimé qu'il demande la vidéo sur le geste d'anti jeu de Etzebeth ou sur le coup de tête de Dutoit dans la pommette de Danty, par ex.