Abonnés

Portrait - Cédric Rosalen : un maestro du rugby, entre exploits et générosité

Par Nicolas Augot
  • Cédric Rosalen sous les couleurs de Corbières XV.
    Cédric Rosalen sous les couleurs de Corbières XV. Independant - CHRISTOPHE BARREAU
Publié le
Partager :

Ancien joueur de Narbonne, Perpignan ou encore Montauban, Cédric Rosalen est décédé lundi dernier. L’ancien demi d’ouverture n’avait que 43 ans et entraînait cette saison l’équipe de Corbières XV.

Il n’était pas international, mais c’était un nom que tout le monde connaissait. Il était ce joueur adulé de ses supporters et redouté par les autres. Celui dont le nom vous rappelle forcément une action, un match, une joie intense ou une défaite cruelle si vous étiez dans le camp d’en face. Ce joueur de club par excellence, comme on aime dire. Celui qui permet de refaire des matchs au comptoir entre amis encore vingt ans plus tard, celui que les supporters de Narbonne n’oublieront jamais et dont ils parleront à leurs enfants, puis à leurs petits-enfants, pour raconter l’histoire d’un club qui se bagarrait encore avec les plus grands jusqu’à la création du Top 14.

Cédric Rosalen est à jamais de cette caste de héros, lui qui termina meilleur réalisateur de ce tout nouveau championnat réduit à quatorze équipes en 2005-2006. Trois cent vingt-huit points pour laisser une trace dans la grande histoire du rugby français, volant la vedette à des artilleurs comme Romain Teulet et Richard Dourthe qui complétaient le podium cette année-là. C’est aussi en 2006 qu’il établissait un record de points inscrits en un match (trente-deux points, dix pénalités, une transformation) face à Montauban, un soir de 18 novembre, qui ne sera battu qu’en 2021 par Benjamin Urdapilleta (trente-trois points). Ce ne sont que des chiffres sans importance depuis ce lundi, mais ils permettront de faire vivre la mémoire de Cédric Rosalen au-delà de sa famille et de ses amis, qui viendront rappeler, qu’au-delà des statistiques, qu’il était un formidable joueur de rugby et un passionné de ce jeu comme s’en souvient Jean-François Beltran, qui avait débuté sa carrière d’entraîneur en remportant un titre de champion de France de Première Série avec le père de Cédric, alors numéro 10 d’Ouveillan en 1985, avant de vivre trois saisons avec le fils à Narbonne : "Il exploitait à merveille son jeu au pied. Aujourd’hui, avec la règle du 50-22, il ferait un malheur. Il décidait et voyait les espaces libres avant d’avoir le ballon. Alors qu’il était tout frêle, son coup de pied était puissant et très précis. Je regardais mes archives ce matin, et je voyais que Rosalen nous passait huit, neuf pénalités par match. C’était régulier chez lui. Au niveau de l’attaquant, il savait les endroits où il ne fallait pas qu’il aille. Mais dans les zones de redistribution, il avait une précision dans le placement, avec une très belle passe des deux côtés, qui était vive et longue. Alors même s’il ne faisait pas trembler les défenses physiquement, il faisait jouer toujours autour de lui. C’était un gestionnaire et un distributeur fabuleux. Et s’il fallait venir à plat, il y allait en fermant les yeux, comme tout le monde. On l’enfermait un peu dans son jeu au pied, mais c’était aussi un très bon attaquant à sa façon."

Deux titres de champion de France en 2023

Quelques souvenirs du terrain pour oublier un départ si soudain, pour éviter de penser à la fragilité de la vie et au vide qu’il va laisser. "Il était le copain que tout le monde voulait avoir, se souvient Jeff Beltran. Il avait horreur des conflits. Ça lui faisait perdre du temps pour rien et il avait raison. Quand il revenait chez lui, il était très sollicité. On organise un tournoi de jeunes le 1er mai depuis trente ans et il venait toujours avec gentillesse. C’est quelqu’un qui traversait la rue pour saluer tout le monde. Il ne se forçait pas. Il était tout simplement adorable. Ça fait beaucoup de qualités pour un homme. Quand on dit il n’avait pas d’ennemis, ça fait un peu suspect dans le monde actuel, mais lui était comme ça." Une joie de vivre qui a franchi les frontières de l’Aude après la descente de Narbonne, poussant Cédric Rosalen à prendre la direction de Perpignan puis de Montauban, sous les ordres de Laurent Travers : "Il avait d’incroyables valeurs humaines. C’est dur d’en parler. Il avait toujours le sourire. Il était toujours positif et avec une envie communicative. Je ne l’ai jamais vu se fâcher avec quelqu’un. Il avait toujours le mot qu’il fallait. Il avait tout pour lui. Il faisait énormément de bien au groupe, de par ses qualités rugbystiques et humaines. Vous le remarquiez tout de suite pour sa bonté et sa gentillesse."

Une passion pour le rugby qu’il a voulu transmettre après sa carrière de joueur, notamment à Gruissan, permettant au club d’accéder à la Fédérale 1, avant de rejoindre Corbières XV, à la demande de son ancien partenaire Clément Estériola, aujourd’hui président du club : "Son obsession, c’était que tout le monde participe au projet, que personne ne reste sur la touche, qu’importe son niveau. Son but, c’était de créer un groupe et d’amener tout le monde avec lui jusqu’à la fin." Une approche qui a permis à Corbières XV de décrocher trois titres dont celui de champion de France de Régional 2 en juin dernier. Un nouveau bouclier quelques semaines après un titre de champion de France de Nationale avec Valence-Romans où il intervenait comme spécialiste du jeu au pied au sein du staff de Johann Authier : "C’était un passionné de rugby qui voyait l’entraînement comme un moyen d’assouvir sa passion. Il venait de vivre une saison assez exceptionnelle. C’était quelqu’un de très humble, gentil, bienveillant. Jamais un mot plus haut que l’autre qui connaissait très bien le rugby. C’est un mec en or. Depuis la fin de l’aventure avec le VRDR, on parlait souvent de notre volonté de travailler de nouveau ensemble, une fois qu’il aurait permis à ses filles de s’accomplir. On s’était encore appelé avant les vacances. Nous n’aurons pas ce temps. Il n’a jamais dit du mal de personne. C’est rare de rencontrer quelqu’un comme ça dans une vie et j’ai eu la chance de le côtoyer."

La passion de l’ultra trail

Depuis la fin de sa carrière de rugbyman, en plus de vouloir transmettre son expérience, il entretenait son esprit de compétition en participant à de nombreux ultra-trails, au contact de la montagne et notamment des Pyrénées ariégeoises, une passion qu’il ne pouvait pas assouvir pendant ses années sur les terrains. "Je me suis dit que ce n’était pas possible quand j’ai appris la nouvelle, explique ainsi son ami Julien Candelon. Il faisait beaucoup de sport et il a toujours eu une bonne hygiène de vie. Tu te dis que ça ne peut pas arriver. Ce n’était pas quelqu’un d’excessif si ce n’est dans sa pratique du trail. En dehors du rugby, c’était pêche et chasse quand il était joueur. Ce n’était pas mon truc mais il partageait cela avec Christian Labit et je me régalais de leurs anecdotes."

L’ancien numéro 8 de Narbonne et de Toulouse avait téléphoné à son ami le week-end dernier : "Avec Cédric, nous partagions les mêmes passions, les mêmes plaisirs chez nous, à Gruissan […] Il avait le moral, on croyait que ce n’était pas très grave. Surtout que Cédric me l’avait confirmé. Il souffrait car il avait de l’eau dans les poumons et il ne pouvait pas très bien respirer. Mais il m’a dit qu’on lui enlevait l’eau ce lundi. Il n’avait pas la sensation que ce serait plus grave que ça. Personne d’ailleurs. Je lui avais proposé qu’il vienne voir nos docteurs sur Montpellier, et il m’avait répondu : "Écoute, je vois ça à Béziers lundi ou mardi, et je te tiens au courant, suivant comment ça se passe." (très ému) Je ne pourrai pas lui prendre rendez-vous."

Cédric Rosalen était ce genre d’homme qui tend la main sans rien demander en retour, qui voulait que tout le monde se sente bien autour de lui. Ainsi, Gonzalo Quesada écrivait en début de semaine : "Un des premiers amis en France. Merci pour tout, abrazo Amigo." Julien Candelon est aussi bien placé pour évoquer cette générosité à outrance : "Quand je suis arrivé à Narbonne c’est un des premiers qui m’a tendu la main, qui a participé à mon intégration et mon épanouissement, avec une complicité sur et en dehors du terrain. J’avais décidé de faire construire une maison en arrivant. Deux joueurs se sont proposés de m’aider. C’était lui et Fabien Rofes qui sont venus couler des dalles de béton. Il fait partie de ses rares amis où il avait une connexion fraternelle." Les deux hommes avaient débuté leur histoire en Crabos, alors que Julien Candelon jouait encore à Toulouse. La finale du championnat s’est conclue sur un match nul et le règlement de l’époque stipulait que les deux équipes devaient se partager le titre. Partager, c’est ce que Cédric Rosalen faisait le mieux, en y gagnant beaucoup plus que des titres ou des sélections.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?