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L'édito du lundi : Ne tirons pas sur les pianistes

Par Emmanuel Massicard
  • Le manager Yannick Bru a regretté que toutes les équipes françaises ne jouent pas à fond la Champions Cup.
    Le manager Yannick Bru a regretté que toutes les équipes françaises ne jouent pas à fond la Champions Cup. - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Pour être honnête, j’aime plutôt bien Yannick Bru. Pêle-mêle pour la finesse de son regard porté sur les choses, son côté ingénieur-intello du rugby, ses mots comptés et souvent chuchotés hors de la grande cohue des égocentrés mégalomanes.

Je l’aime bien et l’ai défendu, plus souvent qu’à mon tour quand sa tête roulait sur le billot à force de mauvais résultats sous l’ère Novès ; ou quand, au gré des échecs de l’épopée Saint-André, il échappait à la charrette des remerciés mais pas au jury populaire.

Pour autant, je ne peux pas le suivre sur tous les chemins. Et notamment sur le dernier, emprunté ce week-end après la magnifique défaite des siens bordelais concédée aux Sud-Africains des Bulls (46-40), en Champions Cup. Bru dans le texte, ambitieux et idéaliste : « Je ne comprends pas les équipes qui ne jouent pas à fond cette compétition. » C’est dit sur le fil d’une belle émotion, au rideau tombant d’un match à douze essais. L’UBB avait pourtant fait tourner (lui aussi), épargnant aux joyaux Moefana, Jalibert, Penaud et Lucu un voyage dans l’autre hémisphère. Comme quoi, ça n’arrive pas qu’aux autres.

Dans son viseur, possiblement Toulon, Paris ou Bayonne (les trois éliminés français) qui n’auraient pas pris le temps d’apprécier les bienfaits de cette épreuve. Et toute autre équipe peu attachée à ce rendez-vous ultra-élitiste (malgré une phase de poule digne de l’école des fans, clairement dénuée de suspens), qui nous offre certains matchs de folie… Assis sur la belle armada offensive bordelaise, Yannick Bru a pourtant beau jeu de redresser les torts. Comme lui, nous aimerions tous que la Champions Cup soit systématiquement l’objet de joutes au sommet de l’excellence et, ainsi, au service des joueurs. Comme lui, nous regrettons ces impasses qui perdurent malgré l’intégration des équipes sud-africaines et un nouveau nom de baptême, pour l’épreuve phare.

Mais c’est trop facile d’avoir à toujours tirer sur les pianistes ; acceptons que le chef d’orchestre soit aussi responsable des fausses notes quand la partition n’est pas parfaite. Pour ce qui nous concerne, le énième changement de formule de la compétition phare n’a rien changé à la problématique : le rugby vit ici au-dessus de ses moyens, se veut international mais souffre d’un manque cruel d’universalité à XV. Au bout du compte, la Champions Cup recrute donc toujours aussi profondément au cœur des championnats anglo-français, jusqu’à confronter des clubs qui ne boxent pas dans la même catégorie. Sur le terrain, leurs bonnes intentions ne résistent pas à la réalité et au contexte brûlant qui les entourent.

Et puis, comment nier la réalité de notre monde franco-français construit autour de l’hégémonie du Top 14 ? C’est lui qui dicte le rythme, entretient la lutte des classes, magnifie la puissance financière et impose la course à l’armement. C’est toujours lui qui prend tant de place dans l’histoire et le quotidien de nos clubs, qui concentre toutes les énergies et demeure l’ultime juge de paix d’une saison réussie. C’est encore lui qui préempte 29 cases du calendrier (contre 9 pour la Champions Cup), ce qui engendre là aussi bon nombre d’impasses… Dès lors, comment reprocher à certains de s’y réfugier quand ils n’ont plus guère d’espoir ailleurs ?

Pour les autres - dont Bordeaux qui est brillamment sorti du maelstrom de cette première phase de Champions Cup en compagnie de La Rochelle, Toulouse, Lyon et du Racing- tout commencera au printemps. Les cadors se retrouveront alors entre cadors. Et, à ce moment-là encore, chacun suivra au plus juste l’ordre de ses priorités. Car tout n’est jamais qu’une question d’envie et de moyens.

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