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6 Nations 2024 - Portrait. François Cros (XV de France), les fruits de la patience

Par Jérémy Fadat
  • François Cros sera titulaire face à l'Irlande à Marseille.
    François Cros sera titulaire face à l'Irlande à Marseille. - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Capitaine dans les catégories jeunes au Stade toulousain ou en sélection nationale, et grand espoir du rugby tricolore, il a pourtant dû attendre plusieurs années avant de s’imposer en Top 14.Le temps d’atteindre une maturité physique qui lui faisait défaut. Et ce n’est qu’à 25 ans qu’il a enfin rejoint une équipe de France qui lui était promise.

Posolo Tuilagi, Lenni Nouchi, Nicolas Depoortere ou Théo Attissogbe… Ces quatre-là, champions du monde des moins de 20 ans durant l’été, ont déjà goûté au XV de France ces deux dernières semaines.Promotion rapide et logique, après avoir été dominateur avec les Bleuets. Pas un gage d’assurance pour autant… Ou alors, les temps ont bien changé. En 2014, François Cros était le capitaine de cette même sélection des moins de 20 ans au Mondial en Nouvelle-Zélande, trois mois après avoir mené les siens au grand chelem dans le Tournoi des 6Nations de la même catégorie.

Aussi capitaine de toutes les équipes de jeunes du Stade toulousain, avec qui il fut champion de France Alamercery en 2010 ou finaliste du championnat Espoirs en 2015, Cros avait un avenir doré… "Quand on enchaîne chez les jeunes, on se voit vite réussir au plus haut niveau, avoue-t-il. Sachant qu’en moins de 20 ans, il commence à y avoir la médiatisation, la télé qui est souvent là, les journalistes qui s’intéressent un peu à toi. À ce moment-là, je le voyais comme un coup d’accélérateur." 

L’écart entre le haut niveau en jeunes et celui professionnel est très important. À 20 ans, on n’est pas tous prêt pour y faire face. C’était mon cas.

S’il est désormais un cadre à Toulouse et en équipe de France, il lui a pourtant fallu patienter longtemps sur le bord de la route. À 21 ans, l’ex-enfant prodige ne comptait pas la moindre apparition sur une feuille de match professionnelle.Ce n’est que le 16 janvier 2016 qu’il est enfin entré en jeu en Coupe d’Europe contre Oyonnax avant de célébrer sa première titularisation en Top 14 un mois et demi plus tard. Pendant trois ans, jugé trop éloigné des standards de l’élite par Guy Novès et son staff, Cros a dû manger son pain noir et traverser son désert.

"Cela a été long et pénible", dit-il. Et de poser un regard lucide : "L’écart entre le haut niveau en jeunes et celui professionnel est très important. Surtout quand tu joues devant. Le Top14, c’est beaucoup plus dur physiquement. À 20 ans, on n’est pas tous prêt pour y faire face et exister. C’était mon cas. Pour certains, les choses vont vite. Pour d’autres, elles sont plus lentes. J’étais dans la deuxième catégorie." Mais il l’a pris en pleine gueule, d’autant que son ascension était jusque-là linéaire. "C’était compliqué de répondre aux attentes parce que, physiquement, je n’étais pas encore armé. Je m’en suis peut-être rendu compte un peu tard. Quand ça passe chez les jeunes, qu’on est dominant sur le terrain… Le truc, c’est qu’en face, ils avaient tous le même âge.L’écart physique était minime. En me retrouvant au milieu des pros à l’entraînement, c’était différent. J’étais avec des mecs qui avaient cinq ou dix ans de plus, et surtout une maturité physique largement supérieure à la mienne."

Si c’est pour exploser en vol…

Venait alors le temps des remises en cause et des doutes, forcément… "À l’époque, j’ai vu beaucoup de mes coéquipiers passer le cap et arriver à jouer chez les pros.ça m’a interrogé : "Que dois-je faire pour suivre le même chemin ?" En discutant avec le staff et les préparateurs physiques du club, on a mis des choses en place pour me permettre de me développer physiquement et répondre aux attentes réclamées au Stade toulousain. J’ai dû énormément travailler, me renforcer pour encaisser la charge que représente ce fameux palier professionnel." Restait à appréhender la frustration des heures passées en salle de musculation, à comprendre que se jouait en ces instants ingrats la partition de lendemains qui chantent. "Parfois, c’était rageant, j’avais envie de jouer. Mais, si je voulais parvenir à m’inscrire dans la durée, il me fallait en passer par là. Sinon, si c’est pour faire cinq matchs dans la saison, exploser en vol et me blesser rapidement, cela ne sert à rien… Mon objectif, c’était de m’installer, pas de passer. Jeune, on a souvent l’impression que le niveau espoir est proche de celui pro. Ce n’est pas forcément le cas. La première chose, c’est de l’anticiper. La deuxième, c’est de l’accepter. Après, il faut juste bosser." 

François Cros avec le Stade toulousain, ici en 2016 face au Racing 92 au stade Ernest-Wallon.
François Cros avec le Stade toulousain, ici en 2016 face au Racing 92 au stade Ernest-Wallon.

Et ce n’est que lors de la saison 2016-2017, à près de 23 ans, qu’Ugo Mola a fini par en faire un premier choix. Aujourd’hui, Cros sait que la voie de la patience était la meilleure.Son parcours et son palmarès comme plus belle preuve. "Si on m’avait lancé trop tôt, j’aurais sûrement été mis en difficulté et j’aurais même peut-être grillé ma cartouche. En prenant le temps de me préparer, j’ai pu me forger un caractère déjà. Et ensuite, cela m’a permis d’être tout de suite performant quand j’ai été enfin exposé. J’ai compris que le but était d’être vraiment prêt le jour où on me lançait dans ce bain. Franchement, avec le recul, c’était une bonne chose."

Les sélections de jeunes n’octroient rien pour la suite

Malgré son imposant vécu international à l’adolescence ou dans ses premières années adultes, le XV de France était alors encore loin de ses pensées. Face à sa réalité quotidienne à Ernest-Wallon, Cros avait fait son deuil bleu : "Je ne faisais plus une obsession de l’équipe de France, je ne ressentais pas du tout ce manque. Elle était loin de moi et ma seule ambition, à cet instant, était déjà de devenir un élément important de mon club, de m’installer correctement au Stade toulousain. Les sélections de jeunes n’octroient rien pour la suite. J’ai vite compris que c’est le club qui t’emmène en sélection nationale, surtout pas l’inverse." 

François Cros en bref...

Né le : 25 mars 1994 à Toulouse (Haute-Garonne)
Mensurations : 1,90 m ; 111 kg
Poste : Troisième ligne
Clubs successifs : RC Seilh Fenouillet, Grenade sports, Stade toulousain (depuis 2009)
Sélections nationales : 27, en équipe de France
1er match en sélection : à Nice, le 17 août 2019, France - écosse (32-3)
Points en sélection : 5 (1 essai)
Palmarès : champion de France Alamercery (2010), champion de France (2019, 2021 et 2023), vainqueur de la Champions Cup (2021), vainqueur du grand chelem dans le Tournoi des 6Nations (2022).

Pourtant, à la grâce d’une régularité remarquable en rouge et noir, il est enfin et naturellement devenu un candidat à la sélection à partir de 2018. Même si, pour le staff de Jacques Brunel, son patronyme demeurait dans l’ombre.Là où le garçon apprécie être finalement. "Je suis quelqu’un d’assez discret", nous avait-il un jour confié. Du coup, il n’était pas question de se prendre la tête. "On commençait à parler de moi, à évoquer mon nom mais je ne voulais pas me polluer l’esprit avec ça. Je me focalisais sur les objectifs avec Toulouse, qui n’avait plus gagné de titre depuis longtemps. On sentait que le potentiel était là…" Et, comme souvent, tout va de pair. "Bizarrement, l’année où on fait une saison énorme et où on remporte le Brennus en 2019, cela correspond à mon premier appel en équipe de France (sourire). Quand je dis qu’il ne faut pas penser aux Bleus avant d’être performant en club, mon histoire en est un joli symbole." À 25 ans, l’ancien leader des Bleuets était donc retenu avec la grande équipe de France, dans le groupe élargi pour préparer la Coupe du monde 2019.

C’est l’éducation que j’ai reçue…

Cros a célébré sa première cape le 17 août 2019, à Nice contre l’écosse, aux côtés de… Grégory Alldritt et Charles Ollivon. Deux semaines avant d’être écarté pour le Mondial. Un autre coup d’arrêt. "J’ai vécu des mois incroyables, avec mon premier titre en pro, mes deux premières sélections… J’étais tellement heureux d’être dans le groupe, de faire la préparation, d’avoir le maillot bleu sur les épaules. Mais quand on a la possibilité de disputer une Coupe du monde, la compétition ultime pour tout joueur, et qu’on passe à côté pour très peu, c’est une grosse déception. On ne peut pas se contenter de l’avoir touché du doigt. Ne pas aller au Japon, c’était dur personnellement. En championnat ou en Champions Cup, c’est difficile de se faire sortir, mais il y en a tous les ans. Là, c’est tous les quatre ans." Il y a néanmoins puisé les raisons de revenir plus fort. Lui confirme : "Encore une fois, cela m’a fait emmagasiner de la frustration et j’ai pu la restituer derrière. Je suis certain que cela a été bénéfique dans ma progression, que les coups durs m’ont fait grandir dans ma carrière. Je suis retourné au travail, je me suis donné les moyens d’y revenir, mais d’y rester cette fois. Cinq mois plus tard, j’ai pu jouer le Tournoi des 6 Nations comme titulaire dans son intégralité."

Les coups d’arrêt m’ont laissé les pieds sur Terre

Le premier de l’ère Galthié, dont il fut jusqu’à présent un élément central (25 sélections depuis février 2020). "Quand j’ai su que je ne partais pas au Japon, j’ai fait de la Coupe du monde 2023 un gros objectif individuel." Avant cette échéance, il nous avouait d’ailleurs : "Je vais arriver sur mes 30 ans, je ne sais pas si j’aurai la chance d’en faire une autre." Nul doute qu’il s’est depuis projeté sur 2027 et qu’il donnera tout pour y être. Si le Mondial français fut grandiose à bien des égards, il a de nouveau laissé des cicatrices. Collectives, avec l’élimination en quart. Aussi personnelles puisqu’il a été relégué sur le banc pour ce rendez-vous. "Très vite, j’ai senti l’envie de tourner la page et de repartir sur une copie blanche, plein de bonnes intentions", clamait-il la semaine passée. Rebondir, encore une fois. Et ses mots qui résonnent : "C’est l’éducation que j’ai reçue de mes parents. Ils m’ont toujours dit que tout n’était pas offert dans la vie, que rien n’est facile, qu’il faut se donner les moyens de mériter les choses. Les coups d’arrêt m’ont laissé les pieds sur Terre. Ils m’ont forcé à me remettre en question, à toujours travailler encore plus. Ce fut un mal pour un bien dans mon parcours. Je fonctionne ainsi."

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Les commentaires (1)
grimin777 Il y a 2 mois Le 01/02/2024 à 20:57

François Cros est un grand joueur, dur au mal et une belle personne avec de belles valeurs.