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6 Nations 2024 - Maxime Mermoz s'épanche sur le XV de France : "Aujourd'hui, c'est quoi le plan de jeu ? Je me le demande"

  • Maxime Mermoz, ici à gauche, lors du Hall of Fame à Toulon
    Maxime Mermoz, ici à gauche, lors du Hall of Fame à Toulon Icon Sport - Icon Sport
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Maxime Mermoz (35 sélections), champion du monde des moins de 21 ans, finaliste de la Coupe du monde 2011, quatre Boucliers de Brennus et trois Coupes d'Europe à son palmarès, aimerait voir l'équipe de France retrouver ses vertus du passé. L'ancien centre évoque aussi la période difficile que vit son ancien coéquipier Gaël Fickou, et appelle de ses vœux une communication plus directe et sincère de la part du sélectionneur Fabien Galthié.

Quel est votre diagnostic après la déroute de l'équipe de France à domicile face à l'Irlande (17-38) ?

Depuis trois ou quatre ans, j'étais très optimiste parce que cette génération est belle et qu'elle nous donne du plaisir. Mais, mon analyse, c'est que depuis la tournée de novembre 2022, il y avait des signes qui montraient que l'équipe de France perdait peu à peu le fil.

On vous écoute.

Rappelez-vous le match contre l'Australie (victoire 30-29), c'est un exploit de Damian Penaud qui sauve l'équipe. Face à l'Afrique du Sud, il y a des faits de jeu, la victoire est là mais c'était tout juste. Je m'étais demandé à l'époque si nous n'étions pas prêts un peu trop tôt, dans le sens où les autres nations avaient déjà trouvé des réponses pour nous contrer.

Au niveau de la stratégie ?

Le talent individuel de nos joueurs n'a pas été contré et c'est la raison pour laquelle le XV de France s'en est souvent sorti, mais sur la stratégie ou le collectif, les autres nations ont réussi à s'adapter. Souvenez-vous de l'Italie qui a la balle de match lors du premier match du Tournoi 2023... Avant la Coupe du monde, j'avais des interrogations. Je ne retrouvais plus les mêmes principes de jeu, ce même liant collectif. Quand j'étais consultant, j'avais discuté des moins de 20 ans avec une personne de la Fédération proche du terrain - je ne vais pas dire de nom - en mettant en avant les idées intéressantes et la vraie construction collective que prônait le staff U20, et elle m'avait répondu que lorsqu'elle parlait au coach Galthié, il répondait que ça ne fonctionnait que pour les jeunes mais pas au niveau international actuel. Sans rabaisser leurs performances parce qu'ils ont battu les Blacks, ce n'est quand même pas la défense de la Namibie qui vous oblige à construire un jeu. Le sang froid, le talent, la folie et l'optimisme sont présents dans cette équipe, mais le degré de maîtrise dans la construction qu'on vienne me l'expliquer.

Maxime Mermoz lors de France - Écosse en 2016
Maxime Mermoz lors de France - Écosse en 2016

À propos de l'Irlande, on vous répondra que la France a joué en infériorité numérique une grande partie de la rencontre, ou que l'équipe était amoindrie avec des blessés ou l'absence du meilleur joueur du monde...

Le carton rouge a pesé, c'est une évidence. Mais les Français ont très vite été dominés. Sur l'absence de Dupont, j'ai envie de répondre qu'un collectif ne doit pas dépendre que d'un seul joueur. Les Irlandais sont orphelins de Sexton, nous avions peur pour eux, mais ils ont montré une maîtrise collective qui va au-delà des individus. Regardez aussi les Sud-Africains. Ils sont critiqués, mais il faut avouer qu'ils avaient un vrai projet collectif qui allait plus loin que le simple talent de leurs joueurs. Ils se sont adaptés. Le XV de France avait cela. En Australie pour la tournée, les cadres avaient été laissés au repos mais les idées de jeu étaient similaires et les matchs avaient été positifs dans le contenu proposé et agréables à suivre (en 2021, deux défaites, une victoire, N.D.L.R.). Mon sentiment, c'est que plus l'équipe de France s'est rapprochée de l'échéance mondiale, moins elle est restée collective.

Voulez-vous que les Bleus envoient plus de jeu ?

Aujourd'hui, c'est quoi le plan de jeu ? Je me le demande. Quand les mecs font des en-avants sur des longues passes sautées trop hautes, est-ce dû au retard au score et à l'obligation de tenter l'impossible, à l'agressivité de la défense irlandaise ou parce qu'ils sont perdus et ne savent pas comment jouer ? Regardez Thomas Ramos, qui est un cadre. Il a plusieurs fois donné l’impression de ne pas savoir s’il devait relancer ou taper. Il y a cette frustration de vouloir jouer mais aussi un tableau d’affichage rapidement défavorable et l’infériorité numérique. Depuis quelques années, ils nous avaient habitués à partir pied au plancher. Il n’y a pas de panique à avoir, mais il faut avouer que dès que cette équipe a de l'ambition, elle est si facile... C'est donc frustrant.

Possession-dépossession, il faut choisir ?

Mais possession, dépossession, il faut surtout arrêter. Un match de rugby ne s'explique pas comme cela. Dans une rencontre, il y a des temps forts où il faut marquer des points, et des temps faibles où il ne faut pas en prendre.

Depuis fin 2022, l'équipe de France s'est perdue peu à peu en termes de construction

Poursuivez.

Il y a des principes de base. Donner tout le temps le ballon à l'adversaire mais arriver à défendre en avançant pour contre-attaquer et lui mettre la tête sous l'eau, c'est une chose. C'est ce qui faisait la force de cette équipe. Mais lorsque l'adversaire arrive à conserver le ballon et à imposer ses longues séquences en avançant physiquement, comment inverser la tendance ? Le calcul de possession - dépossession, ça reste de la 'branlette intellectuelle', pardonnez-moi l'expression. La question n'est pas de savoir si la France doit avoir le ballon ou pas, elle est de savoir dans quelle zone elle veut amorcer ses séquences et dans quelle zone elle ne veut pas se découvrir. Évidemment que dans son camp, il faut éviter de se mettre en danger, c'est un principe de base. Mais s'il y a un surnombre à jouer, il faut le tenter. Si ça ne marche pas, il y a d'autres options. Ça s'appelle de l'intelligence situationnelle. L'Irlande le fait très bien. Je vais vous dire un truc qui m'a toujours fait marrer. Quand j'étais joueur, on travaillait toute la saison des trucs de malade, on passait notre temps à devenir des ingénieurs du rugby et dès qu'on arrivait en phase finale, il fallait qu'on revienne à l'essence même de notre sport.

Les Bleus de Matthieu Jalibert, ici balle en main, sont attendus en Écosse pour montrer un tout autre visage
Les Bleus de Matthieu Jalibert, ici balle en main, sont attendus en Écosse pour montrer un tout autre visage

Êtes-vous inquiet avant le déplacement en Ecosse ?

Je ne suis pas inquiet. L'Écosse est une équipe joueuse mais aussi amoindrie. Elle a des failles en défense, elle a manqué énormément de maîtrise au pays de Galles en seconde période donc je pense que si les joueurs sont sérieux, c'est l'occasion de montrer de belles choses. Après avoir dit ça, le Tournoi est pour moi perdu parce que l'Irlande a une voie royale vers le grand chelem. J'espérais autre chose. Je répète que depuis fin 2022, l'équipe de France s'est perdue peu à peu en termes de construction et de maîtrise. Je ne suis qu'un petit gars qu'on pourra critiquer mais de mon point de vue, les Français ont perdu en consistance.

Accuser Galthié, c'est un peu facile

Une troisième défaite consécutive provoquerait-elle une crise ?

Une crise je ne pense pas. Regardez les joueurs que l'on a ! Ils n'ont pas été ridicules contre l'Irlande et il n'y a pas péril dans la demeure. Il suffit de les écouter pour se rendre compte que les premiers déçus, ce sont eux. Le talent il est là, il faut juste panser les plaies et ça ne se fait pas en claquant des doigts. Ce qui est certain en revanche, c'est que si défaite il y a en Écosse, il faudra une vraie remise en question. Sincère. Pas entretenir des chimères dans la communication extérieure.

Elle ne l'était pas après l'Irlande ?

Accuser Galthié, c'est un peu facile. En ce moment, tout le monde a envie de se le taper. Encore une fois, je ne fais que décrire des faits, qu'on ne vienne pas me dire de la fermer. Son ancien président (Mourad Boudjellal) a dit que techniquement, tout le monde reconnaissait ses qualités, mais qu’humainement il était imbuvable. Je pense que le rôle de manager de l'équipe de France lui convient bien car il n'a pas les joueurs 24 heures sur 24. Aujourd'hui, le staff a changé. Comment la gestion humaine est-elle gérée ?

Pas de coupable ni de fautif, donc ?

Il ne faut pas tout remettre en question ou trouver un coupable. Galthié est beaucoup pointé du doigt. Pourquoi ? Parce qu'il prend tout le monde pour des cons. En tant que technicien, je l'adore, tout le monde l'adore, et je ne peux lui dire que merci d'avoir redressé l'équipe de France. Mais qu'il arrête de nous sortir à toutes les sauces sa stat de 80 % de victoires. S'il ne dit que ça, c'est qu'il n'a rien d'autre à dire. L'équipe de France, ce n'est pas un film Netflix sur Fabien Galthié. Moi, ce que je veux savoir, c'est pourquoi ça marche moins bien depuis quelque temps. Le personnage, les lunettes pour se donner un look, les grandes phrases philosophiques, il maîtrise, pas de problème, mais annoncer aux joueurs dans les vestiaires la mi-temps de France - Irlande que tous les points encaissés l'ont été parce que donnés à l'Irlande, ce n'est pas possible. Fabien, tu as de la buée sur les lunettes ? Les Français n'ont rien offert aux Irlandais, au contraire, il y aurait pu avoir 20 points d'écart s'ils avaient été plus patients et qu'ils n'avaient pas gâché des occasions d'essais dans nos 22 mètres ou raté cette pénalité en face des poteaux.

Quid des joueurs ?

Les gens ne se rendent pas compte de la descente émotionnelle qu'ils ont vécu après le Mondial. J'ai été joueur, je peux vous dire qu'elle est affreuse. Repartir au "charbon", c'est une chose et ils avaient tous très envie d'y retourner, mais c'est impossible de nier que la blessure est récente. D'un point de vue plus technique, le conscient - qui est dirigé par le mental - les encourage à vite se remettre en selle pour retrouver la victoire, mais le subconscient - c'est-à-dire tout ce qui a été meurtri - représente-lui 95 % du rendu final. Cela veut dire que mentalement ils connaissent évidemment leurs qualités, mais leur subconscient peut les faire rapidement douter car le choc de l'élimination a été très fort. J’ai vu des joueurs avec un manque de confiance faire des mauvais choix, être approximatif dans leur réalisation technique. C’est inhabituel et vu le talent des gars, on ne peut pas dire qu’ils sont devenus mauvais du jour au lendemain.

La vérité, c'est que les meilleurs Français doivent jouer

Vous avez évolué au centre à un très haut niveau. Selon vous, Gaël Fickou joue-t-il sa place en Écosse ?

La légitimité ne se justifie pas au nombre de sélections. Vous parlez de Fickou mais ce n'est pas parce que Gaël a 86 sélections qu'un autre ne pourrait pas prendre sa place. Gaël, il est installé depuis longtemps et je le respecte énormément car c'est un joueur avec lequel j'ai aimé évoluer, qui est arrivé très jeune dans le circuit avec un potentiel et une maturité remarquables. Mais force est de constater que c'était un fantôme au Mondial, et il le sait.

Gaël Fickou et Maxime Mermoz à l'entraînement avec le XV de France en 2016
Gaël Fickou et Maxime Mermoz à l'entraînement avec le XV de France en 2016

Et depuis ?

Disons qu'il ne prend pas beaucoup de risques. Il ne passe pas à côté, mais des joueurs comme Depoortere ou d'autres toquent à la porte, et ils ont peut-être plus de caractère. Gaël, quand le collectif allait bien, il se contentait d'être un bon relais car il a cette faculté à bien faire jouer autour de lui. De même, il a été installé capitaine de la défense, mais était-il vraiment connu pour être le meilleur défenseur ou fallait-il lui trouver un rôle de par son ancienneté et son aura dans l'équipe ? Je ne pense que du positif de Gaël, et quand une équipe n'arrive pas à avancer devant, c'est dur de jeter uniquement la pierre à la paire de centres. En plus, Galthié n'a pas envie de briser ce qu'il avait construit depuis quatre ans en sortant des gars qui font partie de l'histoire depuis le début.

Faut-il donner une chance à d'autres joueurs, alors ?

Il faut arrêter avec cette expression. C'est pour ça que l'équipe de France ne marchait plus pendant longtemps. On disait : "il faut mettre des jeunes, il faut donner une chance à un tel", mais je suis bien placé pour en parler, dans les mandats précédents, combien sont-ils à avoir été sélectionnés au centre sans jamais vraiment réussir juste car il fallait les "essayer" ? La vérité, c'est que les meilleurs Français doivent jouer. Si l'association Danty - Fickou - et peut-être qu'en Écosse elle le sera - est la meilleure, elle doit être titulaire. Si un Depoortere ou un autre est plus fort, il doit jouer. Je ne suis pas à l'entraînement. Les coachs doivent mieux voir que moi qui brille en ce moment...

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Les commentaires (8)
Rafale5415 Il y a 2 mois Le 08/02/2024 à 14:14

Blabla perpétuel d'un faux rebelle qui veut toujours aller à contre courant pour exister. Le moins pertinent pour juger quoi que ce soit concernant le Quinze de France

Papimag Il y a 2 mois Le 08/02/2024 à 09:54

Mermoz a plus de légitimité que nous sur ce forum, mais ça ne nous empêche pas de dire ce que nous pensons . Je retiens de son intervention que si les joueurs sélectionnés ne peuvent pas parler, leurs copains sont libres de le faire .

BabSorry Il y a 2 mois Le 07/02/2024 à 21:41

En même temps, quand il y avait un plan, Mermoz... il ne l'a jamais compris.

Josh15 Il y a 2 mois Le 08/02/2024 à 04:41

:-)