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6 Nations 2024 - "La victoire ou la chienlit" : le commentaire général d'Écosse-France

Par Marc Duzan
  • Le XV de France doit impérativement s'imposer en Écosse pour se relever dans ce Tournoi des 6 Nations 2024.
    Le XV de France doit impérativement s'imposer en Écosse pour se relever dans ce Tournoi des 6 Nations 2024. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Une semaine après avoir été piétiné par l’Irlande à Marseille, le XV de France se déplace à Edimbourg pour laver l’affront et sonner les prémices d’une reconquête. Il y parvient et on oublie tout… Il échoue et c’est le rugby français dans son entièreté qui basculerait alors dans la sinistrose…

Il y avait des lunes que le coq n’avait plus chanté les deux pieds dans la merde. Et pour tout dire, on s’était presque habitué à cette harmonie doucereuse dans laquelle baignait le rugby français depuis quatre ans, ce confort bourgeois qui nous faisait désormais aborder chaque match du XV de France avec une décontraction somme toute nouvelle, un aplomb qu’on ne se connaissait plus, une inébranlable foi en la vie : "Vous reprendrez bien un peu de Grand Chelem, ma p’tite dame ? – Bien volontiers, mon bon monsieur. Vous me mettrez aussi une victoire à Cardiff, une première place au classement mondial et des présidents de clubs qui traversent les périodes de doublons sans faire de malaise vagal, s’il vous plaît ?" Diable… Aussi facilement s’était-on donc fait à l’onctueuse quiétude de cet insoupçonné quotidien, aussi facilement menace-t-il aujourd’hui d’exploser en toutes parts…

Et quoi ? Passé le naufrage du Vélodrome qui avait lui-même suivi le traumatisme sud-africain, le rugby français est à deux doigts de piquer une crise majuscule et, où que l’on regarde, les raisons de se penser revenus dix ans en arrière ne manquent pas, peuchère : dans les cafés de la Paix de la France des champs, sur les dédales labyrinthiques du Métavers et jusqu’au cœur de nos gazettes, on a cette semaine renoué non sans entrain avec l’exercice de la chasse aux sorcières et, ici et là, on traque le Lucu avec frénésie, on poursuit hardiment le Jalibert et sa défense incertaine, on course le Fickou et on condamne à l’exil la plupart de ces trentenaires ayant semble-t-il été à la rue, contre l’Irlande. À ce titre, permettez-nous d’ailleurs cette digression : en annonçant vouloir "amener 80 ou 90 %" de son groupe jusqu’au prochain Mondial, Fabien Galthié n’a-t-il pas placé sans le vouloir ses vieux fourneaux le cul dans la graisse, enlisés dans un agrément qui ne sert guère leurs performances ?

Au bout du bout, et comme il en était l’usage aux temps maudits où le XV de France ne mettait plus un pied devant l’autre, les absents, les blessés, les outsiders et les aspirants de toute chapelle gagnent subitement un crédit illimité sans avoir disputé une seule minute du match venant de se conclure et, de partout, on en appelle aujourd’hui à la prise de pouvoir de Nicolas Depoortère au centre du terrain, à celle de Léo Barré à l’arrière et même à la titularisation de Florian Grill en deuxième ligne. Et puisque Gregory Alldritt et ses coéquipiers semblent aujourd’hui à court de souffle, profitons-en aussi, tiens, pour fracasser le Top 14, décidément infoutu de préparer nos enfants à la besogne internationale !

Du saignant, de l’authentique et du combat

Depuis quelques jours, on nage ainsi dans un bordel tellement français qu’on se demande comment a-t-on fait, en réalité, pour y échapper si longtemps. À bien des égards, cette foire d’empoigne est d’ailleurs à ce point gauloise que même « le phénix des hôtes de ces bois », Antoine Dupont himself, se fait à présent ressemeler par certains de ses congénères pour avoir préféré l’ataraxie olympique à ce formidable tapage ambiant : et comment ça, il n’est pas frais, mon poisson ?

C’est donc dans une ambiance de fin du monde, où l’on sent même poindre une belle et bonne chienlit des familles, que s’avance aujourd’hui cette équipe de France blessée, meurtrie, vexée et probablement consciente de jouer l’intégralité de sa saison internationale sur ce seul week-end à Murrayfield. Car pour la première fois depuis très longtemps, la sélection tricolore s’apprête à jouer non pas pour "une mission qui la dépasse" (Fabien Galthié) mais pour seulement préserver ce qu’elle a eu tant de mal à bâtir ces quatre dernières années : un palmarès, une allure et surtout, une réputation. À ce sujet, on ne s’attend donc guère samedi à "des arabesques" ou à "une farandole", pour emprunter à la métrique chère au sélectionneur national. On s’attend plutôt à ce que les petits se replient urgemment sur les vieux préceptes du kicking, du mauling et du tackling, histoire de faire taire les braillardes et sécuriser la victoire. Car on veut de l’authentique, du gore et du saignant ! On veut que Gregory Alldritt secoue la carcasse de Finn Russell en tous sens et fasse dès à présent oublier un premier capitanat nauséeux. On veut que Paul Gabrillagues termine le travail entamé quatre ans plus tôt sur le tarin de Jamie Ritchie par Momo Haouas. On veut surtout revoir Galthié, sonné et davantage au Vélodrome, en chef des armées, quitte à ce que le patron des Bleus s’inspire largement de ces deux vieux kiwis (Kieran Crowley et Neil Barnes, les anciens coachs de l’Italie) qui, dans la série Netflix consacrée au dernier Tournoi des 6 Nations, parlaient comme des charretiers à leurs troufions, les exhortant entre deux bières, quelques "fuck" et au gré d’une chansonnette d’un autre temps à « péter les dents » de leurs adversaires ou poser leurs joyeuses sur la table.

Les vaincus du Vélodrome reconduits

C’est qu’en l’espace de quatre-vingts minutes passées à souffrir de la comparaison avec une Irlande comptant en son île autant de licenciés que la Ligue Occitanie, nombre de nos certitudes ont subitement volé en éclats et qu’en tout état de cause, l’urgence est désormais à les reconsolider. On pensait la rush défense charpentée par le rustique Shaun Edwards sûre de son fait et de sa force. On pensait le paquet d’avants tricolore, qui faisait jusqu’à peu trembler d’effroi tous les cadors du circuit international, à ce point conquérant qu’il n’exposerait jamais plus sa ligne de trois-quarts aux affres du régime sec. On pensait plein de choses, en fait ; plein de choses que l’Irlande a piétinées et qu’il est aujourd’hui temps de réhabiliter. Pour ce faire, Fabien Galthié et son staff ont choisi de globalement réitérer leur confiance aux vaincus du Vélodrome, considérant justement que la vexation du champion devait être le terreau de sa révolte immédiate.

Ici, la théorie est une chose, la réalité en est une autre et, avant de s’abandonner totalement à la solennité du Flowers of Scotland, au vacarme de Murrayfield ou à la noble flamme du malt indigène, on n’oublie pas que l’Ecosse de Gregor Townsend a battu trois fois le XV de France lors du mandat précédent, que le XV du Chardon semble en ses lignes plus complet qu’il ne l’a jamais été et surtout, que Finn Russell a comme toujours une chance sur deux de sortir le match de sa vie. Bonjour l’angoisse, hein…

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Les commentaires (7)
Heurv7 Il y a 2 mois Le 10/02/2024 à 11:37

Bravo pour cette synthèse et aller les bleus. Vivement Lille même si on perd. Et aussi le 7 pendant le même week-end et au JO.

Antoine92 Il y a 2 mois Le 10/02/2024 à 12:09

Je me joins aux félicitations et les remerciements pour la qualité de l'écrit et l'humour de cet article de presse.

Allez les bleus!

Djive-ST Il y a 2 mois Le 09/02/2024 à 14:26

Les écossais ont ils l'intention de redorer le blason français ? Je crains que non ! Ils sont sur leur et se foute complètement des états d'âme des frenchies ! Si la France les bat, pas à quelques points, mais franchement on pourra évoquer un faute de la jeune année 2024. Sinon peut être fera t on comme n Ukraine et on limogera le chef des armées !

bleuetrouge Il y a 2 mois Le 09/02/2024 à 11:54

donc une réaction est attendue ! encore heureux et en l'espérant sera t-elle suffisante ?