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Top 14 - "Le marginal" : portrait de Baptiste Jauneau, un leader en construction

Par Clément Labonne
  • Baptiste Jauneau, demi de mêlée de l'ASM Clermont.
    Baptiste Jauneau, demi de mêlée de l'ASM Clermont. Icon Sport - Icon Sport
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Miné par des blessures à la cheville, Baptiste Jauneau a vécu une première partie de saison dans le brouillard. Délaissé de ses ennuis, le champion du monde des moins de 20 ans a une revanche à prendre et veut remettre Clermont en haut de l’affiche.

Des grimaces, des soufflements et des pics d’énervement. La première partie de saison de Baptiste Jauneau n’a pas été une balade de santé. Le jeune demi de mêlée clermontois a mordu la poussière entre septembre et décembre et n’a pas répondu à ses propres attentes, ni celles de l’ASM. Qu’il le veuille ou non, le numéro 9 est le nouveau visage d’un club en totale révolution.

Propulsion express en professionnel, champion du monde avec les Bleuets, vice-capitaine, Baptiste Jauneau a crevé l’écran avec le maillot jaune et bleu et n’a jamais cessé de sauter les étapes, depuis sa formation à Biarritz. Béarnais pur sang, comme l’indique son collier frappé de la croix occitane, "petit Baptiste" (surnom gentiment donné par Christophe Urios) est d’une discrétion à tout craindre, évitant à tout prix les phares des projecteurs médiatiques.

Tout sauf un "golden boy", Jauneau n’en est pas pour autant un acteur neutre et fade de son jeu. Pas du genre à se cacher, l’étoile clermontoise parle sans retenue. "Je n’ai pas été bon en début de saison. Il n’y a aucune excuse. Mes blessures ont été très dures à encaisser parce que je ne m’étais jamais blessé avant et je n’ai pas pu enchaîner les matchs. Cela a été très dur mentalement mais aujourd’hui, je suis en forme. Je veux jouer comme l’année dernière : simplement et amener le plus de vitesse possible. Je retrouve mes repères, j’ai repris confiance."

Pour trouver les racines de son ascension vitesse grand V, Benoît Baby est sans doute le mieux placé pour discuter de son ancien prodige. L’ancien arrière de Clermont (2007-2011) était l’entraîneur des Crabos de Biarritz lorsque Baptiste Jauneau a déboulé entre ses fiches. Entre 2018 et 2021, le champion de France 2010 a vu son demi de mêlée prendre une ampleur colossale dans le jeune groupe basque. "Le club l’avait repéré très tôt. Dès sa première journée d’entraînement, on a décelé ses qualités de puncheur et une vitesse étonnante. Mais il était surtout heureux et prenait un plaisir fou sur le terrain. Cela m’a beaucoup marqué. Je l’ai également senti très à l’écoute du staff et de ses coéquipiers." Aux côtés de son meilleur ami de toujours, Paul Laperne (actuellement à Dax), Baptiste Jauneau a vite émerveillé ses entraîneurs. Un tel potentiel n’a évidemment pas laissé insensibles les écuries du Top 14. Mais Clermont a finalement raflé la mise grâce à l’influence de sa plus grande légende. "J’ai appris qu’Aurélien Rougerie (à l’époque, en charge du recrutement, NDLR) et Adel Fellah (ancien directeur sportif du centre de formation, NDLR) étaient venus me voir lors d’un match. Ils ont ensuite pris contact avec mon agent, j’ai visité le centre de formation et j’ai été séduit notamment par le côté humain du club", se rappelle le demi de mêlée casqué.

Un tremplin mondial

En Auvergne, Baptiste Jauneau décolle. Dès sa première saison à Clermont, le staff des Espoirs décide de le surclasser. À tout juste 18 ans, le natif d’Ogeu dit déjà au revoir aux Crabos pour se lancer comme une balle à l’étage supérieur. Brillant avec les Espoirs, Jauneau entre dans le grand monde professionnel le 4 décembre 2021… face à Biarritz. "C’était forcément un match spécial, mais j’ai retrouvé de grands amis à moi. L’entraîneur et le président biarrots ont été supers et m’ont félicité. Je n’oublierai pas tout ce que le BO m’a apporté", racontait le principal intéressé il y a quelques mois.

Le Béarnais profite surtout de la sélection des moins de 20 ans pour monter le curseur. Titulaire à tous les matchs du Tournoi des 6 Nations 2022, Baptiste Jauneau continue de se distinguer et s’offre sa première titularisation lors de ce fameux huitième de finale de Champions Cup à Leicester. À Welford Road, Jauneau s’affirme comme un grand, entre coups de reins dévastateurs et passes cliniques. Troisième dans la rotation l’année suivante, le jeune demi de mêlée finit l’exercice 2022-2023 numéro 1. "Les carrières ne durent pas longtemps, donc autant commencer le plus tôt possible ! Pour moi, l’âge ne doit pas être une barrière", affirmait-il l’année dernière. Derrière une formule digne d’un Kylian Mbappé, Baptiste Jauneau continue sa traversée dorée avec une victoire mémorable en Coupe du monde des moins de 20 ans. Derrière la joie d’un titre acquis sans la moindre contestation, le numéro 9 prend de l’épaisseur dans le leadership et se fait violence. "Humainement, c’était magnifique parce qu’on avait un groupe incroyable. C’est difficile de trouver les mots. Rugbystiquement, j’ai gagné en leadership et en confiance. J’en avais vraiment besoin. Je suis quelqu’un de réservé et je ne suis pas souvent à l’aise dans mes discours. D’ailleurs, cela ne sert à rien que j’en fasse, parce que je ne sais pas les faire. Je veux surtout être meilleur sur le terrain et être exemplaire ballon en main, plus que par la voix. Je ne dois rien forcer, je suis jeune et je ne me sens pas légitime à parler tout le temps." Des propos parfaitement relayés par Benoît Baby. "Avec les moins de 20 ans, il a donné confiance à ses avants en maîtrisant leurs esprits. Mais il est aujourd’hui dans une situation où il doit être un leader de jeu, il doit avoir le sourire sur le terrain. Il progresse très vite. Communiquer viendra au fur et à mesure. Je ne suis pas sûr qu’Antoine Dupont soit le meilleur communicant, par contre c’est le meilleur joueur du monde. Une chose est certaine, Baptiste doit garder le sourire dans toutes les situations, il sait de quoi je parle", sourit l’ancien numéro 15 de l’ASM.

"On lui donne le costume, à lui de le porter"

En nommant Baptiste Jauneau vice-capitaine en début de saison, le staff de Clermont veut développer les belles promesses de meneur entrevues avec les Bleuets. "Il n’est pas une grande gueule de par son caractère. Mais une fois qu’il aura la légitimité sur le terrain, ce sera plus simple pour lui. Il sait qu’il doit progresser sur ce point-là. Il doit aussi prendre des responsabilités, petit à petit on va construire son leadership. On lui donne le costume, à lui de le porter", explique Frédéric Charrier.

Nouvelle tête de gondole de l’ASM, le principal intéressé balaye son statut d’un revers de main. Pour l’instant... "Je ne pense pas être la vedette de l’équipe. En fait, ce n’est pas possible. Je ne suis pas assez bon pour être la star de Clermont. En début de saison, je me suis emmêlé les pinceaux, j’ai peut-être surjoué. Je n’étais pas dedans, ni lucide. Il y a eu beaucoup de stress, aujourd’hui je m’aide surtout des plus anciens avec Sébastien Bézy, Étienne Falgoux et Irae Simone. Ils sont très forts sur l’aspect du leadership, je grandis à leurs côtés." Baptiste Jauneau incarne aujourd’hui un Clermont en pleine reconstruction, alors que des garçons comme Paul Costes, Louis Bielle-Biarrey ou Nicolas Depoortere commencent déjà à s’éclater parmi les cadors du Top 14. "Je suis très content pour eux. Ils font tous une belle saison. J’espère que mon heure arrivera un jour, je dois faire encore plus d’efforts. Il faut être patient. Un projet ne se fait pas en un an. Mais si on l’atteint plus tôt, ce serait mieux quand même (rires). Clermont est un grand club, il ne faut pas l’oublier. Beaucoup de joueurs rêvent d’y être. Maintenant il faut le remonter tout là-haut." Tout un peuple vous attend, Baptiste.

Digest

Né le : 17 novembre 2003, à Pau (Pyrénées-Atlantiques)

Mensurations : 1,78 m, 82 kg

Poste : demi de mêlée

Clubs successifs : Buzy-Ogeu (2008-2014) ; Oloron (2014-2018) ; Biarritz (2018-2021) ; Clermont (depuis 2021)

Sélections nationales : 16, en équipe de France des moins de 20 ans (2022-2023)

1er match en sélection : à Mont-de-Marsan, le 4 février 2022, France - Italie (Tournoi des 6 Nations des moins de 20 ans)

Points en sélection : 10 (deux essais)

Palmarès : champion du monde des moins de 20 ans (2023)

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Les commentaires (3)
CasimirLeYeti Il y a 2 mois Le 15/02/2024 à 12:29

Je le vois bien très, très haut et vite si FG change enfin de vitesse pour l'intégration des jeunes.
Dans un monde sans Dupont, je le vois bien titulaire avec Le Garrec comme finisseur. Pourquoi, parce qu'il a un jeu très vif, à la Toto qui peut exploser les défenses et fatiguer les adversaires. Le Garrec serait donc un finisseur gestionnaire dans le style qu'occupait Lucu.
Avec Dupont, c'est à voir qui serait son remplaçant sur le banc, mais bon, je me lance, je préfère Jauneau car je lui vois une plus grande marge de progression.

Puntadelteno1970 Il y a 2 mois Le 15/02/2024 à 10:27

Il a l'avenir devant lui. Un peu de patience, beaucoup de travail est nul doute qu'il aura sans doute l'occasion de devenir un excellent demi de mêlée. Par contre s'il fait comme son coéquipier (Sébastien Bézy), il restera un espoir qui ne confirme pas. Le passage de Sébastien Bézy en EDF en 2016 a anéanti sa progression. Il n'a pas réussi à "digérer" son arrivée en EDF. La qualité n'est pas la seule raison d'une réussite professionnelle internationale. Bon courage à lui. Qu'il soit patient et qu'on lui laisse le temps de prendre l'expérience indispensable avant de le jeter au niveau international.

Papatch Il y a 2 mois Le 15/02/2024 à 10:17

Pour moi au vu des ses qualités il peut être le remplaçant de Dupont en EDF.