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6 Nations 2024 - Exclusif. Diego Dominguez : "La victoire de 1997 face au XV de France a changé ma vie"

Par Clément Labonne
  • Diego Dominguez estime que l'Italie doit encore se densifier au niveau des trois-quarts.
    Diego Dominguez estime que l'Italie doit encore se densifier au niveau des trois-quarts. Agence Nice Presse / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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À quelques jours de France - Italie, Diego Dominguez s’est longuement confié sur cette affiche toujours particulière pour la Squadra Azzurra. L’ancien demi d’ouverture transalpin est notamment revenu sur la fameuse victoire italienne à Grenoble en 1997.

Quels premiers souvenirs émergent lorsqu’on évoque France - Italie ?

C’est l’affiche qui a lancé ma carrière et changé ma vie ! C’était la première grande victoire contre le XV de France à Grenoble en 1997. On avait gagné contre l’équipe B avant mais ce succès m’a vraiment propulsé sur le devant de la scène. La France venait de gagner le Grand chelem et on avait un groupe italien très déterminé. On n’avait pas beaucoup de qualité (rires) mais on était très motivé ! Il y avait plein d’Italiens présents à Grenoble, et cela reste un souvenir inoubliable. C’est le match le plus important de l’histoire du rugby italien.

Quelles étaient vos émotions lors du coup de sifflet final ?

Je me suis jeté partout ! Je me rappelle avoir sauté dans les bras de certains de mes coéquipiers. Et juste après la sortie des vestiaires, je tombe nez à nez avec Max Guazzini qui me félicite ! Le match était commenté par Pierre Salviac et Pierre Albaladejo et ils m’ont présenté à lui ! On a parlé italien ensemble et c’est de là que ma carrière en France et au Stade français a commencé. Après le match il y avait 10 000 Italiens dans les rues de Grenoble, ils ont commencé à monter des tables et à célébrer notre victoire. On a fait la fête jusqu’à quatre heures du matin avec eux, on a beaucoup parlé avec eux.

Gardez-vous des souvenirs de cette troisième mi-temps historique ?

C’était magnifique. Aujourd’hui ce n’est plus possible d’autant faire la fête, à part en amateurs. Au niveau international c’est très court. Avant on devenait très ami avec les adversaires, même si on se jouait une fois par an. C’était quelque chose de spécial. C’est peut-être un cliché, mais cela s’est perdu, et c’est dommage, car c’est ce qui nous a différencié des autres sports.

Y avait-il un sentiment particulier à jouer le voisin français plus que les quatre autres nations ?

C’est le match d’une vie. L’histoire de cette équipe est colossale, le rugby transpire partout en France, la presse pousse beaucoup derrière. Quand je jouais, il ne fallait pas que je me rate ! Parce qu’au Stade français, il y avait sept ou huit internationaux français et on se branchait un mois avant la date de France - Italie, mais je n’ai jamais réussi à en gagner un (rires). Alors je vous laisse imaginer comment j’étais accueilli le lundi d’après par les Français ! Je me faisais chambrer toute la semaine parce que je détestais perdre. Il y a des paroles qu’on ne peut pas répéter ici ! Je me rappelle d’un match à Rome où on en avait pris cinquante… On a souvent pris cher contre la France, mais c’est une affiche qui reste spéciale pour le rugby italien.

Avec plus de 1 000 points marqués, Diego Dominguez reste le meilleur réslisateur de l'histoire de l'Italie.
Avec plus de 1 000 points marqués, Diego Dominguez reste le meilleur réslisateur de l'histoire de l'Italie. Sportsfile / Icon Sport - Sportsfile / Icon Sport

Y avait-il une préparation différente avant d’affronter les Bleus ?

Non, rien de bien spécial. Quand on jouait la France, on préparait le match à fond. Mais comme aujourd’hui, l’Italie reste une nation émergente du rugby mondial. On doit former davantage de joueurs de haut niveau chaque année pour avoir plus de choix. Il manque encore quelques années pour être vraiment confiant sur notre projet. Quand je vois le groupe français, ils ont beau avoir sept ou huit blessés, ceux qui rentrent sont aussi bons que les absents, voire meilleurs ! C’est la grande différence avec nous. Un exemple : Tommaso Allan a mis sa carrière internationale entre parenthèses et on n’a plus que Paolo Garbisi pour assurer derrière. On peut difficilement se passer de nos meilleurs joueurs comme peuvent le faire d’autres nations. Par contre, si la France ne joue pas à fond contre nous, elle peut perdre. L’Angleterre devait perdre au début du Tournoi contre nous. Mais le résultat du match ne s’est pas joué à grand-chose.

Quel joueur français vous a le plus impressionné ?

Christophe Dominici, sans aucune hésitation. Un joueur énorme… Il était tellement rapide et imprévisible qu’on en faisait des cauchemars ! C’était éclatant ! Chez les avants ils avaient aussi pas mal de mecs impressionnants. Je pense à David Auradou bien sûr, mais il y avait tellement de monde devant !

Vous faites partie de la génération italienne qui a connu le premier Tournoi des 6 Nations de l’Italie. Quelles émotions dominaient à l’époque ?

Je jouais déjà à très haut niveau dans le championnat français avec les meilleurs joueurs du monde. J’étais habitué au niveau des Français et même des autres nations. Mais cela restait spécial. Le Tournoi reste la meilleure compétition de rugby au monde. C’est très différent de la Coupe du monde, je préférais le Tournoi au Mondial. Cette compétition n’a pas de prix. Pendant cinquante jours c’est très dur physiquement, on affronte que des champions chaque week-end et c’est juste incroyable.

À cette époque, Georges Coste, Brad Johnstone et John Kirwan ont successivement entraîné l’Italie jusqu’à votre retraite internationale. Comment étaient-ils ?

Chacun a emporté sa culture de son pays. La meilleure époque de l’équipe de l’Italie était sous Georges Coste. Il a vraiment forgé un groupe quelques années avant de rejoindre le Tournoi. On gagnait beaucoup de matchs contre les nations un peu plus modestes, et on a eu des résultats importants. Brad Johnstone lui était très dur, on a appris la méthode néo-zélandaise alors que John Kirwan nous a plus dirigés vers une approche européenne.

Quelle est votre meilleure anecdote lors d’un France - Italie ?

Je me branchais beaucoup avec Christophe Dominici, Thomas Lombard, Franck Comba, ce genre d’animal (rires). On s’insultait à chaque face-à-face ou que des temps morts. On était très ami donc c’était encore plus piquant !

Avez-vous pensé à être sélectionneur de la Squadra Azzurra ?

Je n’y ai jamais réfléchi et je ne crois pas. Pour être sélectionneur il faut tout laisser de côté, sinon ça ne sert à rien d’y aller, même si c’est moins exigeant que d’entraîner en club. J’ai passé vingt ans de ma vie sans week-end disponible, j’ai aussi entraîné… La vie est tellement courte que je ne me vois pas revenir dans le circuit.

Que manque-t-il à l’Italie aujourd’hui ?

Davantage de trois-quarts au niveau international. Au niveau des avants, on est bien, on peut faire la guerre à n’importe qui. Mais derrière, on a trop peu de profils facteurs X comme Ange Capuozzo ou Monty Ioane. Pour l’instant ce n’est pas suffisant, il en faut encore plus, on ne peut pas dépendre que de deux ou trois individualités.

Croyez-vous en un succès italien face au XV de France à Lille, ce dimanche ?

D’abord le match se déroule à Lille et j’en garde un bon souvenir puisqu’on avait éliminé le Munster avec le Stade français en Coupe d’Europe, avant de perdre en finale contre Leicester. Donc cette ville est peut-être un premier bon signal pour l’Italie ! Ce sera évidemment très difficile. Ils ont très mal débuté contre l’Irlande et ils auraient pu perdre en Écosse. Donc ils seront revanchards. D’ailleurs, ils ont retrouvé cette défense affamée qu’ils avaient pendant les deux dernières années. Il ne faut pas oublier qu’ils ont avalé tout le monde entre 2021 et 2023 grâce à leur défense impressionnante, même s’ils n’ont pas gagné le Mondial. Petit à petit ils vont revenir à cette âme de gagneur insatiable. Je ne pense pas qu’ils vont nous prendre à la légère donc ça promet !

Quand on vient au Stade français, c’est pour gagner. Sinon il ne faut pas venir à Paris !

Pensez-vous que la dernière défaite de l’Italie face aux Bleus a laissé des traces ?

Non. On a fait un très mauvais match alors que la France surnageait. Donc cette défaite a dû être vite évacuée, je ne me fais pas de souci.

Que retenez-vous des deux premiers matchs de la Squadra Azzurra ?

Face à l’Angleterre, l’Italie a réalisé un vrai bon match et devait gagner. Et l’Irlande… c’est bien de n’avoir perdu "que" 36-0. Cette équipe est impressionnante et aurait dû être championne du monde pour moi. La Nouvelle-Zélande a eu beaucoup de chance. Les joueurs laissent la santé pour être titulaire. Leurs remplaçants sont titulaires partout ailleurs. Ils ont remplacé Jonathan Sexton par Jack Crowley mais on ne voit presque pas la différence. Donc je trouve qu’on ne s’en est pas trop mal sorti (rires).

La nomination de Gonzalo Quesada est-elle un pas en avant pour le rugby italien ?

Oui. L’Italie avait besoin d’un nouveau discours, Gonzalo parle italien, ça compte, et je pense qu’il va nous faire du bien. Il ne faut pas se décourager après le résultat contre l’Irlande, parce qu’on aurait pu prendre beaucoup plus cher, avec une conquête un peu moyenne. Donc il y a beaucoup de progrès à faire mais il est l’homme de la situation.

Paolo Garbisi est-il l’homme de la situation au poste d’ouvreur ?

Je le connais depuis qu’il a douze ans. Il a encore du chemin à faire pour devenir un grand ouvreur, notamment sur la régularité et la fiabilité sur tous les coups de pied. Aujourd’hui, il faut en plus être meilleur en défense qu’à mon époque parce que les numéros 10 sont souvent visés. Il a une marge de progression et je pense que sa future arrivée à Toulon va lui faire du bien. Il va côtoyer Dan Biggar et cela n’a pas de prix.

Diego Dominguez a également fait les beaux jours du Stade français, avec quatre boucliers de Brennus gagnés.
Diego Dominguez a également fait les beaux jours du Stade français, avec quatre boucliers de Brennus gagnés. Sbi / Icon Sport

Regrettez-vous de ne pas être plus jeune pour pouvoir jouer dans cette Squadra Azzurra ?

Non j’ai assez donné (rires) ! J’ai passé des années magnifiques, c’est vrai que je me suis dit à certains moments que si j’avais été un peu plus jeune j’aurais pu continuer un peu plus. Mais non ce n’est plus pour moi !

Avez-vous un conseil à donner aux Italiens qui joueront dimanche ?

Être à fond, rien de plus ! Et il ne faudra pas oublier de les chambrer ! J’espère que Paolo, Ange, ou Monty Ioane vont brancher leurs coéquipiers dans leurs clubs respectifs (rires).

Vous avez été l’ouvreur iconique du Stade français au début des années 2000. Suivez-vous toujours le club de la capitale ?

Bien sûr ! Je serai d’ailleurs dans les tribunes de Jean-Bouin lors de la réception de Pau. Je suis content parce qu’on tourne bien, on est premiers, et cela prouve que Thomas Lombard fait un très bon travail. Il commence à redonner une âme de gagneur à ce club. Parce que quand on vient au Stade français, c’est pour gagner. Sinon il ne faut pas venir à Paris !

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Les commentaires (1)
PRESIDENT Il y a 2 mois Le 20/02/2024 à 14:59

Que de bons souvenirs... Diego , Diego , chantions nous dans les tribunes