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6 Nations 2024 - "En princes de Galles" : le commentaire général après la victoire du XV de France à Cardiff

Par Marc DUZAN
  • Les Bleus ont inscrit cinq essais à Cardiff pour s'imposer avec la manière face au XV du Poireau.
    Les Bleus ont inscrit cinq essais à Cardiff pour s'imposer avec la manière face au XV du Poireau. - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Auteurs à Cardiff de leur meilleur match depuis le début du Tournoi des 6 Nations, les Tricolores s’avancent à présent vers le Crunch gonflés d’une foi nouvelle.

À Cardiff, l’avant-match est resté le même qu’aux années fastes. Sous le sarcophage en acier du Principality Stadium, on crache toujours de larges flammes, on fait ronfler les fanfares militaires puis hurler, à l’unisson, ce Land of my Fathers dont on ne sait vraiment s’il est le plus bel hymne du Tournoi… ou alors le mieux chanté de tous.

Pour finir de chauffer à blanc ce peuple courailleur qui boude généralement ses provinces mais pourrait crever pour son équipe nationale, on inonde alors la noble enceinte des images délavées de Barry John et des princes de Galles, avant qu’un patriarche aux bajoues en feu lance, hilare et en guise de bouquet final, une litanie de vannes plus ou moins drôles sur ces Français roulant "du mauvais côté de la route" et laissant leur "meilleur joueur" (Antoine Dupont) s’ébrouer dans un sport qui n’intéresse vraiment le monde que "tous les quatre ans".

Ce qui a changé sous le gris ciel de Galles, en revanche, c’est le corps même de l’équipe locale. Ici, le seul fait que son sélectionneur national (Warren Gatland) en soit le personnage principal en dit long sur l’état général de cette grande nation du rugby, laquelle se situe aujourd’hui à un carrefour périlleux de sa longue histoire, pour ne pas dire aux prémices d’un inexorable effondrement : les tendrons gallois, orphelins des centenaires qui avaient fait le palmarès et la réputation de Gatland, sont courageux mais peu talentueux, solidaires à défaut d’être dominants, ultrarapides dans leur replacement défensif mais décidément bien trop légers pour rivaliser avec les packs les plus denses du circuit international. De ce que l’on sache, les pigeons n’ont jamais volé avec les aigles…

Un brasier sous la cendre

Alors ? Non pas que la fragilité de cette équipe galloise ne rétrograde la victoire bonifiée des Bleus au rayon des babioles mais à tout dire, il faudra à ce XV de France en reconstruction être bien plus fort, s’il a pour ambition d’écraser le prochain Crunch : c’est qu’au crépuscule de cette victoire bonifiée, on a encore du mal à biffer de nos mémoires le plaquage manqué de François Cros sur l’essai inaugural, les quelques cagades de Damian Penaud sous les premiers ballons hauts de la partie ou le placement erratique de Léo Barré qui conduisit, dès la 20e minute de jeu, les 6000 Français présents en tribunes à implorer le ciel…

Les supporters français étaient venus en nombre soutenir l'équipe de France.
Les supporters français étaient venus en nombre soutenir l'équipe de France. Icon Sport - Sandra Ruhaut

Pour le reste, on serait évidemment bien sots de bouder la portée de ce deuxième succès à l’extérieur (après celui acquis en Ecosse), tant les signes d’un renouveau, d’un brasier qui point sous la cendre, semblent aujourd’hui évidents : ici, Emmanuel Meafou est naturellement né pour remplir ce maillot floqué du 5 tant à Cardiff, le colosse fut dominant à l’impact et déterminant en mêlée fermée ; au milieu du terrain, Nicolas Depoortère aura ce qu'il faut pour redonner à l’attaque française le punch qu’elle avait jusqu’ici perdu ; en l’absence d’Antoine Dupont, le grand breton Nolann Le Garrec incarne de son côté un « plan B » en or massif. "À Cardiff, disait Fabien Galthié en conférence de presse, on a retrouvé de l’allant, de la fraîcheur. Car il fallait que l’on avance : les résultats de la veille (la victoire de l’Angleterre contre l’Irlande et celle de l’Italie face à l’Ecosse, N.D.L.R.) nous avaient rendu le challenge encore plus difficile. Mais il a été relevé."

Et de quelle manière, Monseigneur. Auteurs de quatre essais, dominants sur les contacts, plus disciplinés que jamais (les Bleus ont seulement été pénalisés trois fois sur ce match), délestés des bouffées d’angoisse qui vrillaient leurs tripes et dévoyaient leurs passes, Gregory Alldritt et ses coéquipiers ont enfin largué les amarres, dans ce Tournoi des 6 Nations jusqu’ici fort pénible, en termes d’animation offensive. "À Cardiff, disait le capitaine tricolore en fin de rencontre, le rugby a été chouette. Il y a eu beaucoup de rythme et on a joué dans l’un des plus beaux stades au monde. À la fin du match, les sourires en disaient long…" Est-on trop niais en annonçant aujourd’hui que cette équipe de France est en passe de réussir une métamorphose que beaucoup appelaient de leurs vœux, après le Mondial ? Et Fabien Galthié, qui avait annoncé vouloir conduire en Australie la majorité du groupe mort au champ d’honneur à l’automne dernier, s’est-il aujourd’hui persuadé que son réservoir, plus opulent qu’aucun autre dans cette noble compétition, ne pouvait être consciemment mésestimé ? On est quelques-uns à le croire, en effet…

Penaud, Fickou, ou encore Ramos : les Bleus ont envoyé beaucoup de jeu sur la pelouse du Principality Stadium.
Penaud, Fickou, ou encore Ramos : les Bleus ont envoyé beaucoup de jeu sur la pelouse du Principality Stadium. Icon Sport - Sandra Ruhaut

Une fin de Tournoi aguichante

Passé cette victoire à plus de quarante points et l’immense bouffée d’air frais qui l’accompagne, on donne évidemment encore raison à Warren Gatland, lorsque le patron sportif du pays de Galles affirme dans l’un de ses borborygmes qu’« Antoine Dupont est une perte immense pour le XV de France ». Mais on se dit, surtout, que « Toto » n’est plus aussi seul que naguère. À une semaine de la fin du Tournoi, on garde aussi en mémoire les réserves prononcées au micro d’ITV par Martin Johnson, au sujet de la condition physique d’Emmanuel Meafou. Mais à ce titre, on se dit surtout que la sélection tricolore, dont certains des plus beaux accomplissements furent écrits par des ogres de conte, a en son sein plus que jamais besoin de cet effarant malabar, ce croque-mitaine qui serait capable de faire baisser le prix du mètre carré avenue Foch, s’il y promenait plus souvent son irréelle carcasse.

On l’avoue sans honte, bonne mère : ce pack de presque une tonne et qui mit dimanche Nolann Le Garrec et Thomas Ramos en classe affaires nous plaît diablement, oui. Et l’on rit, nom d’un homme, en revoyant un axe droit ayant tour à tour hébergé Atonio, Meafou, Colombe et le grand Tao renverser la mêlée galloise, faire hurler de plaisir tous les Gaulois du Principality Stadium et se détourner d’effroi la population indigène. C’était bon, c’était beau et ça nous fit, surtout, envisager le prolongement immédiat de ce voyage à Cardiff sous un jour nouveau. Déjà, parce que quatre équipes sont mathématiquement encore en mesure de remporter une compétition que l’on pensait promise à l’Irlande pour la deuxième année consécutive. Et puis, parce que le serment de Gregory Alldritt porte en lui l’augure d’un inoubliable épilogue : « A Lyon, on retrouvera notre public : on ne l’a pas toujours rassasié dans ce Tournoi et samedi, on lui doit quelque chose. » Vivement demain, alors...

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Les commentaires (6)
ozenne10 Il y a 1 mois Le 11/03/2024 à 11:47

Comme dit par ailleurs, la modestie ne ferait pas de mal. À la 50ème minute du match de Cardiff, 24-20 pour les Gallois, la France est alors dernière du tournoi. La méthode Coué fait oublier les purges face à l'Écosse et l'Italie.

pasali Il y a 1 mois Le 11/03/2024 à 12:20

oui et à la première minute on n'avait marqué aucun point, quelle honte....Votre commentaire n' a pas de sens.
Que le public s' enflamme est normal , nous sommes supporters, passionnés.
Le staff et les joueurs ont la tête froide eux.

Reubon69 Il y a 1 mois Le 11/03/2024 à 11:34

...Et je n'ai pas vu la mêlée française outrageusement dominer son adversaire: Une mêlée enfoncée (début de match) et une pénalisée (fin de match) sinon on a partagé les gains, à chacun ses introductions. Pour un pack qui pesait 100Kg de plus, une belle déception !

pasali Il y a 1 mois Le 11/03/2024 à 12:21

Eh oui, le poids ne fait pas tout, ça peut même être un désavantage sur certains points...

Marco665 Il y a 1 mois Le 11/03/2024 à 07:39

Un bonheur de lire que je ne partage pas; irrespectueux vis à vis des gallois, de Gatland et ses « borborygmes » , écriture de style pompier « on a jamais vu les colombes voler avec des aigles » ?? Où a t'il vu des aigles ? Et des colombes ? À part Georges Henri , qui n'a pas volé... sa place lui . Et l'ode, la balade extatique à Meafou ... en quoi a t'il fait oublier Tuilagi ? Qui a bien plus « imprimé » dans des matchs autrement difficiles, on ne lui a pas fait de cadeaux, à lui. Le numéro 5 est pour lui .